Février 1984.
28 ans. Du haut de son mètre quatre vingt trois, le jeune homme avançait dans les rues de la ville. Les portes de St Louis venaient de s’ouvrir en grand devant lui, pour son plus grand bonheur d’ailleurs. Voilà bien longtemps qu’il avait quitté son Etat de naissance et qu’il avait pris son envol pour faire ce qui lui chantait. Cela remontait à quelques années à peine, alors que du haut de ses 21 ans tout frais, il envoyait royalement ses parents sur les roses, leur annonçant fièrement qu’il quittait la maison familiale dans le but d’explorer tout le territoire des USA. Ses géniteurs avaient été surpris d’une telle annonce, Eric avait toujours été plus ou moins rebelle, mais de là à fuir la maison… Les Garrison étaient visiblement loin de connaître leur fils aussi bien qu’ils le prétendaient. «
La crise d’adolescence en retard ». Ce fut l’excuse qu’ils prirent. Après tout, le jeune homme n’avait jamais vraiment posé de problèmes jusqu’à ce moment là. De nature plutôt solitaire, ça ne l’empêchait pas d’être un bon vivant. Et ça, Eric comptait bien le garder, il croquait la vie à pleines dents, et c’était pour cette raison qu’il avait décidé de quitter sa famille, afin d’accomplir un rêve complètement fou.
Son rêve touchait l’apogée. Alors qu’il gambadait joyeusement sur les trottoirs, sac de voyage sur l’épaule, il imaginait déjà sa vie ici. Non, il ne se trouvait pas là à cause d’une fille, même s’il y’en avait eu pendant le voyage. Il n’était pas là non plus pour le boulot, après tout il n’a jamais vraiment été capable de suivre un cursus scolaire jusqu’au bout, du moins tout ce qui touchait à l’université et l’étude d’un métier précis. Le jeune homme était plutôt indécis vis-à-vis de sa carrière professionnelle, il ne se voyait pas avocat ou même médecin. Il était plutôt terre à terre comme garçon, et qui plus est, il adorait les bars. L’ambiance qu’il y trouvait le requinquait à chaque fois. Peut-être serait-il doué derrière le comptoir après tout ? Il se promis de tenter l’expérience, un jour, une fois qu’il aurait trouvé où se loger, et qu’il aurait son chez lui. Le vagabond venait enfin de trouver la ville qui lui convenait le mieux (ou plutôt avait-il enfin trouvé la stabilité). Même s’il n’avait jamais roulé sur l’or jusque là, le jeune Garrison avait au moins vécu des moments forts agréables. Il s’en souviendrait toujours. A présent, St Louis lui offrait ses portes mais également un monde qu’il était loin d’imaginer. Comment aurait-il pu deviner que certaines choses se cachaient dans le noir à cette époque là ?
CHAPTER ONE
« BUT LIFE ISN'T SO EASY. LIFE IS A FRAGILE THING. »
Juin 1985.
29 ans.
Un peu plus d’un an s’était écoulé depuis son arrivée. Jamais il n’était resté aussi longtemps dans une ville. Il était donc improbable qu’un homme comme lui puisse s’installer non ? Et pourtant… C’est ce qu’Eric venait de faire. Il avait réussi à décrocher un job de barman dans un des bars du coin et il continuait de faire sa petite vie tranquille. Celui-ci avait même repris contact avec sa famille, tout allait donc pour le mieux. Il n’était pas riche, il en était même très loin, mais son petit appartement et son boulot lui convenaient. Et puis, ce n’était pas comme s’il ne pouvait pas partager son lit avec de charmantes demoiselles. Oui, il fallait bien avouer que le gaillard savait plutôt y faire. Volage et impétueux, il n’hésitait jamais à saisir sa chance, jugeant qu’il ne fallait jamais rater une occasion de se faire plaisir. Beau parleur, le bar était l’endroit idéal pour faire de superbes rencontres et passer du bon temps après les heures de travail acharnées. Une vie on ne peut plus simple qu’il adorait. Si vous lui demandiez de la troquer contre une autre, il vous envoyait balader. Vous auriez eu beau lui promettre monts et merveilles, il vous dirait toujours non. Eric était si secret qu’il pouvait paraître distant parfois, ou encore ailleurs. Disons juste qu’il était plutôt du genre à observer le moindre détail. Fonceur, il n’était pas rare de le voir se batailler dans d’autres bars que celui où il travaillait. Et pour cause, c’est un gros amateur de bière et de whisky. C’est d’ailleurs lors d’une soirée comme celle-ci, que tout bascula pour le jeune homme.
***
Se faufilant hors des draps, Eric traversait la chambre à pas feutrés. Il ne valait mieux pas réveiller la beauté qui dormait encore dans son lit, son corps à moitié recouvert par le fin tissu qu’il venait tout juste de quitter. Les cheveux ébouriffés, il pénétrait dans la douche. L’eau, d’abord froide, lui permit de se réveiller un peu mieux. Le soleil était presque couché et sa « journée » commençait. Les gouttes glissant sur sa peau, le jeune homme reprenait conscience, comme s’il était complètement grisé par sa journée passée aux côtés d’Elle. Oh, ce n’en était qu’une parmi tant d’autres, mais il devait bien admettre qu’il n’était pas mécontent de l’avoir attiré jusqu’ici. Quelques minutes plus tard, il avait d’ailleurs quitté la pièce, habillé et propre. Passant tout près du lit, Eric déposait un baiser dans le cou de la jeune femme et déposait une liasse de billets sur la table de nuit. Le genre de message qui lui indiquerait qu’il ne voulait plus la voir dans son appartement quand il rentrerait du travail. Oui, car c’était bel et bien l’heure de se rendre au bar pour aller servir des clients tous aussi alcooliques les uns que les autres. Il sourit à cette pensée tout en secouant légèrement la tête. Certains étaient franchement drôles.
Attrapant sa veste en cuir, il l’enfilait en vitesse, juste par-dessus son t-shirt d’un noir de jais. Le tout était arboré d’un simple jean un peu passé, qui se retrouvait orné de trous à certains endroits. Le jeune Garrison n’avait pas pour habitude de faire dans le chichi, il choisissait toujours le plus confortable, sans pour autant ressembler à rien. Son côté charmeur avait tendance à lui rappeler qu’un simple pantalon de survêtement n’était pas vraiment propice pour la chasse féminine. Quoi qu’il en soit, Eric avait tendance à garder le même style, les smokings ce n’était pas vraiment son truc et dans le milieu où il travaillait, ça aurait probablement été malvenu. La richesse et la manière, c’était franchement pas pour lui. Il ne lui fallut pas longtemps pour arriver, le bar était presque plein à craquer, ce qui l’étonna puisque le soleil venait à peine de disparaître dans le ciel. Haussant les épaules devant tout ce monde, il passa derrière le comptoir, retira sa veste et fit ce qu’il savait faire de mieux : servir la bière et discuter avec des habitués pendant que le patron, lui, jouait à des jeux stupides avec d’autres types. Ce que son boss n’avait toujours pas compris, c’était qu’il perdait presque à chaque fois. Le côté le plus drôle dans l’histoire ? C’était qu’avant la fermeture, le patron serait complètement couché sur la table à force de boire ces verres d’alcools mélangés.
Eric avait parié, et Eric avait gagné. Une heure à peine avant la fermeture du bar, il retrouva son chef complètement ivre sur l’une des tables du bar. Le lieu s’était d’ailleurs vidé de moitié, rares étaient les couche-tard. Esquissant un fin sourire, il se passa le bras du gros lard au dessus de sa tête pour l’aider à se relever, mais c’était sans compter sur l’homme qui ne faisait aucun effort pour marcher. Le barman grimaça et entreprit de le ramener au moins derrière le comptoir. La tâche fut loin d’être aisée mais il réussit tout de même.
«
Franchement toi je t’aime bien, t’es un bon gars. Allez, je t’offre un verre… Et sers-moi en… Sers moi en un ! ».
Le patron, de son vrai nom « Monsieur Patate » (ah non ça c’est le surnom désolé…) était déjà entrain d’essayer de récupérer un verre quand Eric l’en empêcha.
«
Ha, ha… Hors de questions, vous allez encore vouloir chanter un opéra après ça. Vous m’offrirez un verre plus tard hein ? ». Il se murmura à lui-même. «
Même si je sais que vous ne le ferez pas. ».
Tapotant gentiment la tête de son patron qui commençait déjà à ronfler, le jeune homme finit par se redresser, c’est qu’il avait encore du travail et la nuit était déjà bien avancée. Peut-être aurait-il le temps de se servir un verre avant de tout éteindre. Oui, le patron se réveillait souvent au petit matin, et Eric ne se privait pas pour le laisser là, après tout, il n’allait certainement pas le porter jusqu’à son lit ou même chez lui.
A trois heures du matin, il ne restait plus aucun client. Seuls restaient le patron et son fidèle employé qui s’envoyait un bon verre de whisky. Assis sur un haut tabouret, Eric s’amusait à envoyer des cacahuètes sur la tête de son boss, celui-ci ne sourcillait même pas. Il ne se souviendrait de rien. Pas de fille à l’horizon ce soir, il n’avait qu’une envie : rentrer chez lui, rester en solitaire le temps d’une nuit (ou journée) de sommeil. Parfois il n’y avait rien de mieux que de se retrouver seul avec soi même. Seul, il l’était un peu, même au bar. Il n’allait pas discuter avec un patron ivre qui ronflait à en percer les tympans d’autrui. Malheureusement pour lui, il ne resta pas seul bien longtemps… Arrêtant son manège à cacahuètes, il se relevait de son siège et attrapait son verre vide. Il se tourna, prêt à contourner le bar quand il tomba face à face avec un type à peine plus haut que lui. Surpris et ne l’ayant pas entendu rentrer, il eut un geste brusque. Il le cogna tout simplement (oui c’est une réaction normale chez lui). En l’occurrence, il ne cogna que du vent…
«
Ok, là je commence à être fatigué. ».
Le type réapparut assis sur une chaise à une des tables. Fronçant les sourcils, il s’avança vers la porte du bar pour désigner d’un signe de la main le panneau affiché.
«
On est fermé, faudra revenir demain ou aller ailleurs si tu veux un verre mon gars. ».
Agacé, il contourna une énième fois le comptoir pour aller chercher sa veste. Il était prêt à le foutre dehors, d’une quelconque manière que ce soit. Sortant de la réserve, il ne trouva plus personne dans le bar, hormis son cher patron dormeur. Eric arqua un sourcil avant de finalement pencher la tête sur le côté.
«
Un malade. ».
Une fois dehors, le jeune homme ferma la porte à double tour et décida de rentrer comme il était venu : c'est-à-dire à pieds. Les balades nocturnes il avait toujours aimé ça, il ne se doutait pas que derrière la noirceur de la nuit, il pouvait s’y cacher des choses auxquelles il ne croyait absolument pas. Eric croyait en la vie, et il était insouciant, peut-être même inconscient. Ca ne lui avait jamais posé de problèmes, mais cette nuit allait faire exception à la règle. Cette nuit tout allait considérablement changer. Ca ne changerait fondamentalement pas ses habitudes actuelles, mais ça allait profondément le bouleverser. A l’angle de la rue, il crut apercevoir le type du bar, à ce moment là il crut réellement à une hallucination ou à un effet dû à l’alcool. Et pourtant c’était bel et bien réel. Un bruit retentit derrière lui, il se retourna instinctivement. Le jeune homme n’avait jamais vraiment connu l’angoisse d’être suivi, ou même ce genre d’adrénaline, et il n’aimait pas ça du tout. Passant une main près d’une des poches intérieures de sa veste, il s’assura que son arme à feu était bien présente. Oui, il était inconscient mais pas fou, il savait très bien que dans une ville comme celle-là, tout pouvait s’enchainer très vite. Pensant perdre la tête, il reprit son chemin tranquillement, profitant de la lueur des réverbères, une lumière quasi artificielle et fantomatique qui avait le don de lui signaler qu’il rentrait enfin chez lui. Du moins s’il rentrait… Un nouveau bruit retentit et cette fois-ci, Eric ne se retourna pas. Pas tout de suite, laissant approcher l’éventuel assaillant. Nouveau bruit en provenance de sa gauche et il se tourna vers le son. Instinctivement il sortit son arme de sa poche pour la placer gentiment dans son dos, ce serait bête de se faire arrêter pour une erreur. Le gars se trouvait là, bel et bien vivant (vivant c’était vite dit), il s’approchait lentement du jeune homme qui ne sourcillait pas. Vous pouvez rajouter « imprudent » à la liste. Lorsque l’homme en question fut assez près, il aperçu un sourire narquois sur ses lèvres, ce qui agaça davantage notre barmaid.
«
Alors comme ça vous êtes fermés hein ? Pourtant je vois un joli verre plein devant moi. ». Il continuait de se rapprocher. Trop près même.
Eric, lui, tiqua sur les paroles du type, c’était complètement insensé. Il soupira.
«
Okay… Alors toi je crois que t’as trop fumé la moquette. Tu devrais aller dormir ça te ferait du bien. Allez, sans rancunes et bonne nuit le timbré. ».
Il commençait déjà à s’éclipser quand l’homme le tira violemment en arrière, ce qui lui valu un joli vol plané contre le bâtiment de derrière. Sans avoir le temps de comprendre, il eut juste le temps de voir le type s’approcher à toute vitesse de lui. Il se serait cru dans un film d’horreur ou d’aventure bidon. C’était forcément une caméra cachée ! Rattrapant de justesse l’arme qu’il avait lâchée, il la pointa vers le brun. Celui-ci se mit à rire à gorge déployée et en une fraction de seconde son visage fut enfin perceptible dans les moindres détails. Le genre de visage qu’on aimerait ne pas forcément voir, ou plutôt croire.
«
T’as une sacrée répartie, je t’aime bien. ».
Eric souffla.
«
Décidément tout le monde m’aime ce soir. ».
Un rictus naquit sur ses lèvres. Ses prunelles émeraude observaient ce visage qu’il jugeait infâme. Ce n’est que lorsque son vis-à-vis rouvrit la bouche, qu’il sut qu’il était mal barré. En effet, le brun, qui n’était plus si vivant que ça finalement, venait tout juste de se pencher vers le jeune homme, mettant parfaitement en avant ses deux canines affûtées.
«
Tu sors tout droit d’un film sur Dracula ? ». Le son de sa voix se faisait plus chancelant, presque brisé, mais il ne pouvait pas s’empêcher de continuer à faire de l’humour, ou à user de sarcasmes. Le vampire se rapprocha davantage (si toutefois c’était encore possible). «
Comme je le disais. Je vois un verre plein… Juste… Ici. ». Pour appuyer ses dires, le mort s’était amusé à tapoter gentiment l’épaule puis la joue du jeune homme, comme aurait pu le faire un grand père à son petit fils. L’heure était à la fuite, n’importe quoi mais quelque chose. Sans attendre une seconde de plus, il enfonça son poing dans le visage si pâle du vampire et entreprit de courir le plus loin et le plus vite possible. Pas la peine de se battre contre un cinglé pareil. Ce n’était pas de la lâcheté, c’était plus l’instinct de survie qui parlait enfin, pour une raison qu’Eric ne comprenait même pas, tant la chose était folle. Malheureusement pour lui, il ne put pas aller bien loin. A peine eut-il fait quelques pas qu’il retombait à nouveau au sol, mais il n’attendit pas de savoir de qui il s’agissait, il tira. La balle vint effleurer le flan droit de la bestiole mais ça ne l’arrêta pas pour autant, pire… Ca l’énerva.
«
Tu veux jouer à ça ? ».
L’air menaçant, Eric n’eut pas l’occasion de faire une nouvelle tentative. Il était bien trop rapide pour lui. Si bien que seul le bruit sec d’un craquement et une douleur lancinante lui signalèrent qu’on venait de lui briser littéralement l’un de ses coudes. Un cri déchirant se serait bien échappé si le brun n’avait pas déjà planté ses crocs dans sa jugulaire, aspirant la chose qui lui était jusqu’à lors la plus chère : sa vie.
CHAPTER TWO
« NOW, YOU HAVE TO LIVE IN THE DARK. »
Puis il ouvrit les yeux, reprenant comme son souffle. Un souffle qui ne vint pas naturellement, c’était différent. Tout semblait différent d’ailleurs. Il ne sentait pas son cœur battre. Battements qui avaient fait vibrer ses tempes pendant de longues minutes, le temps que l’Horreur achève son monstre. Il avait cru mourir. Mort ? Il l’était réellement. Il se souvenait du calme, oui, il était presque entièrement détendu tout le long de l’opération, la douleur n’était venue qu’après. Et il ne souhaitait pas s’en rappeler de cette douleur cuisante, cette mort lente et affreuse. Aussi affreuse que dégoûtante. Ses sens se réveillaient au fur et à mesure que ses prunelles vertes s’habituaient à la faible lumière. Ce n’était pas celle du soleil, non. Une journée entière s’était écoulée depuis cette nuit, mais ça il ne le savait pas encore. Eric ne se trouvait pas chez lui. Allongé, il finit par se redresser. Son corps était comme endoloris et sa mémoire revenait lentement. Il fallait laisser le temps à son esprit de retracer les derniers évènements. Lorsqu’il se souvint des détails, il en aurait vomi s’il était encore humain. Pris de panique, il se releva d’un bond. Après avoir compris qu’il était dans un endroit inconnu, il se mit à chercher le brun du regard, puis il se mit à l’appeler d’une manière peu glorieuse et toute aussi vulgaire que la nuit dernière. Sa veste ? Il ne l’avait plus. Eric cherchait désespérément l’heure, il ne devait pas être en retard. Sa tête lui tournait un peu, c’était comme si on avait mis l’option stéréo dans son cerveau et ses oreilles.
N’ayant pas de réponses de la part du cinglé, il se dirigea à toute vitesse vers la porte. C’est à ce moment là que son « créateur » entra en scène.
«
Tu ne peux pas partir. ».
Eric grogna, forçant presque le passage, mais il fut renvoyé en arrière comme la veille. Il atterrit vite fait bien fait sur le matelas de fortune qui lui avait servi de lit. Se redressant sans s’arrêter de grogner, il s’en mordit la langue. Grimaçant, il senti le goût métallique du sang, comment avait-il pu se mordre aussi fort ? Instinctivement, il leva les yeux vers le brun. N’osant passer sa main sur ses dents, il fonça dans ce qu’il semblait être une salle de bain. Une fois devant le miroir il resta immobile, sans ouvrir la bouche. Prenant une inspiration, il murmura un rapide « Damn… », Avant de finalement faire risette à l’objet qui lui renvoyait son reflet. Complètement tétanisé, il n’entendit pas son créateur arriver à pas feutrés.
«
Tu comprends pourquoi maintenant ? ». Celui-ci lui adressa un sourire. Sourire qu’il ne vit pas, trop perturbé par la vision que lui offrait le miroir.
Il est inutile de préciser qu’après ça, Eric tenta par tous les moyens de retirer ce qu’il appelait « des fausses dents », toujours persuadé qu’il s’agissait d’une énorme blague qu’on lui faisait parce qu’il avait osé se montrer parfois trop arrogant. Inutile de préciser non plus que… Rongé par la colère, il essaya plusieurs fois d’assassiner son Sire, sans grand succès d’ailleurs. Eric fut tout bonnement incontrôlable pendant une semaine, faisant l’idiotie de se retenir de subvenir à ses besoins vitaux. Partagé entre ses habitudes humaines et la nouvelle « vie » que le mort lui avait offert sur un plateau d’argent pour il ne savait quelle raison, le jeune homme était complètement anéanti. Il n’arrivait pas à se faire à cette idée. Il y’avait à peine quelques jours, il vivait normalement, sans être retenu dans un endroit qu’il ne connaissait pas, qui n’avait quasiment aucune fenêtre lui permettant au moins de savoir dans quel coin de la ville il se trouvait. Et ce n’était pas la peine de compter sur le brun qui ne souhaitait rien révéler non plus. Il faillit y perdre la tête d’ailleurs, à force de lutter contre la soif ou ses envies macabres de voir du sang couler d’un être humain. Non, le jeune homme avait réellement du mal à s’y faire, et cette mascarade dura bien une année entière.
CHAPTER THREE
« BUT NOT ALONE. SHE'S RIGHT HERE. YOUR SUN. SHE SAVED YOU FROM PERDITION. »
2005.
49 ans.
20ème année vampirique.
Pendant environ quatre ans, Eric dut faire avec la surveillance constante de son créateur. Celui-ci se lassa bien vite. Il lui apprit le strict nécessaire puis du jour au lendemain, il avait tout simplement disparu de la circulation. Le jeune vampire ne le revit jamais depuis lors et dut se débrouiller par ses propres moyens. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne le vécu pas si mal que ça. La séparation eut quelque chose de bénéfique pour le jeune homme. Il venait de récupérer un bout de sa « vie ». Il venait de récupérer sa solitude. Si vous le lui demandiez, Eric dirait que ça n’a pas toujours été simple, mais qu’il a tout de même réussi à s’y faire et à trouver le bon rythme. Lorsque toutes les bestioles furent sorties de l’ombre, le vampire suivit le mouvement, après tout, il ne voulait plus rester cloîtrer. Quelque part ça l’angoissait. Quatre années lui avaient suffit.
***
Ce jour là, il ne pouvait pas réellement l’entendre, il ne pouvait pas l’observer non plus. Perdu dans un profond sommeil, il ne voyait pas sa chère et tendre s’amuser à observer les traits de son visage pour les mémoriser. Il ne s’imaginait pas non plus qu’elle puisse rester dans ce lit toute une journée durant, simplement pour être présente à son réveil, quand le soleil aurait complètement disparu du ciel. Lorsqu’il rouvrit les yeux, ses prunelles distinguèrent clairement la silhouette féminine qui se trouvait face à lui. Celle-ci n’avait pas bougé depuis qu’il s’était endormi, la seule différence était qu’elle venait de fermer les yeux alors que lui, se réveillait. Un fin sourire aux lèvres, il passa sa main glacée dans les cheveux blonds de la jeune femme, tendrement. Sachant pertinemment qu’elle avait dû veiller pendant plusieurs heures, il décida de ne pas la réveiller, du moins il essaierait. Attendri, il venait finalement déposer des baisers dans le creux de son cou avant de descendre jusqu’au creux du dos de l’Elue. La sienne. Ses courbes, il les connaissait quasiment par cœur, et ne s’en lassait jamais. Alex était la seule qui lui avait permis de se sentir revivre, comme si rien n’avait jamais changé pour lui, que son monde était toujours bel et bien intact. Eric avait récupéré son appartement, même s’il avait dû y faire quelques aménagements et il semblait avoir retrouvé sa bonne humeur et son petit côté blagueur qu’il avait perdu depuis quelques années. S’éclipsant rapidement dans la salle de bain, il entendit la jeune femme remuer sous les draps, puis il l’entendit se lever pour finalement le rejoindre dans la pièce. Si les choses n’étaient pas si « étranges », ils auraient pu ressembler à un parfait petit couple. Mais vu les besoins d’Eric, c’était loin d’être le cas.
«
Dents lavées et blanches ? ».
Le vampire sourit à pleines dents avant de se mettre à rire.
«
On dirait bien. ».
Vu de loin, ça ressemblait à des choses futiles, mais ça avait toujours été un petit jeu entre eux. Jeu qui ne s’arrêtait jamais, même au fil des mois, et des années. Pour être sûr qu’aucun autre ne viendrait mettre son grain de sel dans leur relation, Eric avait pris la décision de la marquer, avec son accord bien sûr. Et tout se passait pour le mieux depuis cinq ans. Ils étaient dans leur sixième année de relation sérieuse quand les choses basculèrent une nouvelle fois pour le jeune homme.
CHAPTER FOUR
« LIKE WE SAID. LIFE IS A BITCH. »
Janvierr 2011.
55 ans.
26ème année vampirique.
Le vampire ouvrit les yeux comme à son habitude ce soir là. Cette nuit était censée être riche en sorties et en rires. Eric se languissait depuis la veille. Depuis qu’elle était rentrée chez elle afin de se reposer convenablement pour cette nuit là. Planté devant son miroir, le teint pâle et les cheveux ébouriffés (certaines choses ne changent pas), il voulut faire un effort. Il se devait d’être présentable, alors il attrapa le seul costume qui se trouvait dans son armoire et l’enfila. Un costume simple, noir avec une chemise blanche, ça ferait l’affaire. Certains vampires pourraient rire de son accoutrement mais il s’en fichait comme de l’an 40. Eric avait toujours sourit quand Alex lui parlait de ces groupes extrémistes anti-vampires, les membres du groupe eux-mêmes le faisaient sourire. De son vivant, il aurait peut-être pu en faire partie et encore ! Il aurait été plutôt occupé à servir des clients qu’autre chose.
Propre comme un sous neuf, il quittait son appartement pour se rendre dans le quartier où sa chère et tendre habitait. S’il avait su certaines choses, peut-être aurait-il senti que quelque chose n’allait pas. Que quelque chose clochait. Mais ce ne fut pas le cas. Il arriva avec le sourire jusqu’à la porte de son appartement. A peine frappa-t-il contre celle-ci qu’elle s’ouvrit trop facilement à son goût, comme si elle n’avait jamais été verrouillée. Presque immédiatement, il reconnut l’odeur du sang, et ce sang là il le connaissait mieux que quiconque. Si son cœur battait encore, celui-ci aurait manqué un battement tant la panique se fit soudainement trop grande. Sans attendre, il se rua à l’intérieur, et son doute se confirma. La douleur ne fut que plus intense. Si sa respiration n’était pas « fausse », la vue qu’on lui offrait lui aurait coupé le souffle, quitte à l’obliger à se plier en deux pour tenter de décompresser ses poumons. La dernière fois qu’il vit Alex, elle était étendue morte dans ses bras.
Depuis cette nuit là, Eric changea du tout au tout. Il ne prit plus aucun scrupule à rassasier sa soif tant la culpabilité et la douleur la rongeait. Il ignorait encore l’identité de l’assassin, il ne savait pas que c’était l’un de ces fanatiques à deux balles, et il ne valait peut-être mieux pas qu’il le sache. Depuis la mort d’Alex, le jeune vampire subit comme un retour à la case départ, à la différence près qu’il… Assume entièrement son statut à présent.