Il y eu le long bip continu de la fin de vie puis…
« Bonjour, ou Bonsoir d’ailleurs, vous êtes bien sur le répondeur de Vladimir Romanievitch, je suis indisponible ou absent pour le moment, laissez moi un message je vous rappellerais dès que je le pourrais… » Il y eu ensuite un long soupir.
A chaque fois que Vladimir ne répondait pas au téléphone elle appelait son père, ou sa mère, ou même son frère, mais la elle n’en eut pas envie du tout. Elle se passa la main dans ses longs cheveux brun et regarda le cadran de son horloge tandis qu’elle reposait le combiné du fixe de la morgue sur son socle. Huit heure, bon, au boulot. Sylwia attacha ses cheveux en chantant du Nirvana, détendue au possible, elle passa la grosse porte battante de la morgue, son assistant a lunettes la regarda, elle continua tout droit en chantonnant et ouvrit une des chambres froides, tira le tiroir, approcha le chariot brancard, et transféra le corps du bout de ses bras musclés. Elle continua de siffloter, elle avait une heure, largement le temps de terminer cette autopsie là. Elle doucha le cadavre, lava ses cheveux, sa peau, et la sécha consciencieusement, puis elle vernis les ongles, de rouge, c’était la seule couleur qui allait bien avec sa robe noire a cette fille, cette fille ? Oh 25 ans, pas plus, blonde, au yeux verts, la peau un peu hâlée, morte d’une overdose, courant a Las Vegas. Elle épila les sourcils, maquilla la peau bleuie, dissimula sous de l’anti-cerne les traces d’aiguilles. Simple délicatesse. Son téléphone vibra, elle pris le temps de l’étiqueter, ôta ses gants de latex, puis se lava les mains. Son alarme sonnait l’heure. Elle prévint le préposé des pompes funèbre d’une coup de téléphone bref, signa sa décharge pour ressortir, croisa une collègue a qui elle sourit, et sortit de l’Institut Médico-légal.
En prenant son puissant 4x4 américain la jeune femme dévala les routes du Nevada avec une certaine brusquerie, malmenant les plaquettes de freins dans les rares virages. Quand enfin elle coupa le moteur du monstre rouge, la Jeep parut soupirer de lassitude, elle était garée devant un grand bâtiment blanc. Elle songea sérieusement qu’elle vieillissait. Pourtant elle avait la quarantaine sexy, grande et plantureuse, la poitrine généreuse, le ventre plat malgré sa grossesse, elle restait sexy, preuve son répertoire comptait 68% d’hommes et de femmes d’un soir. Non heureuse d’être déjà grande et bien foutue elle arborait un visage avenant, de belles lèvres souvent peintes en rouge bourgogne, des joues encore rebondies, de jolies dents blanches et nacrées. Le tout pendu au dessus d’un joli corps un peu sportif, très appétissant et bien entretenu. Elle poussa la porte, sur sa main droite une cicatrice blanche et nacrée qui traverses l’une de ses jolies mains de pianiste. Elle sourit à l’accueil, signifia qu’elle connaissait le chemin et après un long dédale de couloirs, d’escaliers et de portes elle arriva à bon port. Souplement, tel un chat elle passa la porte d’un mouvement.
« Bonjour Docteur, vous avez passé une bonne semaine ? »
« Assez bonne Sylwia, pardonnez moi de ne pas user de votre titre, posez votre manteau là, et asseyez vous sur le sofa, je me désaltère et j’arrive. »
Sylwia sourit gentiment en acquiesçant, elle ôta son manteau et lissa du plat de la main sa chemise noire, elle avait dormi dedans sans doute car elle était froissée, elle le suspendit au portemanteau de bois ciré, elle éteignit son portable et s’assit sur le divan de velours vert sombre. Elle connaissait bien ce bureau, les murs lambrissés, l’atmosphère lourde, la bibliothèque qu’elle rêvait de piller, et le fameux presse-papier en forme de léopard. Le docteur refit surface, il s’assit sur un gros fauteuil de cuir noir, et se cala au fond confortablement.
« Vous ne vous allongez pas ? »
« Nous en viendront aux intimités si vous me plaisez docteur. »
Elle l’avait dit d’un ton léger et sourit, révélant son sourire étincelant.
« Bien. » Il reprit ses papiers. « Donc Sylwia Szy… Skzy… Syz… »
« Szymankiewicz. Agnessa Sylwia Pernilla Szymankiewicz. Ne vous embêtez pas Docteur, appelez moi Sylwia, comme tout le monde. » Un autre sourire.
« Donc Sylwia, née le… »
« 21 Décembre à Belgrade, heure du déclenchement a 00 :26, sortie a 1h24 du matin, Père Militaire, Mère Infirmière, Notables Serbes, tout deux de la haute société, enfance aisée, trois fractures a l’age de neuf ans suite a une chute de cheval, je me suis également fait renvoyer de mon premier collège parce que j’ai arracher ses cheveux a un petit garçon qui me traitait de ‘Sale Communiste’, la suite de mes études se dérouleras en Allemagne en internat avant de finir mes études en France a l’Université Descartes, en pôle Médecine, puis en spécialisation médico-légale a Harvard, j’ai finit deuxième de ma promotion, enfin j’ai travaillé a New York au pôle Judiciaire de la Morgue, puis a Paris au Quai des Orfèvres en tant qu’assistante, puis je suis revenue ici, je me suis mariée, j’ai eu une fille, qui a actuellement sept ans, puis j’ai divorcé, il a obtenu la garde. Moi je verse une pension, oui moi, parce que mon salaire le permet et pas le sien. Et comme chaque semaine Doc’ vous allez me demander si ce Piotr m’a fait ravaler ma colère, réponse je n’ai jamais été en colère… » Elle croisa les jambes, elle portait une jupe de tailleurs a fine rayures noire. Ses escarpins crissèrent sur le parquet.
« Mais c’est la première fois que je vous vois ! »
« Oui, mais moi j’ai eu deux fois le temps de savoir ce qui serait écrit dans se dossier transmis par votre prédécesseur, que j’ai autopsié d’ailleurs, puisque comme vous l’avez lu j’ai entre autres, une licence de psycho. » Elle fit une pause, posa son coude sur le rebord du divan, ferma son poing et y appuya sa joue. « Et puis docteur si ça vous arrivait, vous seriez aussi un peu contrarié non ? »
Le fameux docteur perdait contenance, il se dandina sur son siège. Il passa son regard marron sur la feuille, il était écrit en toute lettre :
Je dois vous prévenir, elle est perspicace, cynique, légèrement égocentrique, maternelle, directe et très franche…
Il commençait à se demander si finalement la Docteur Ivan Stevenson ne s’était pas suicidé. Il referma le dossier et le balança sur le parquet. Il commençait également a comprendre pourquoi sa hiérarchie avait fait appel a lui pour la mutation de cette femme, il était une vraie cocotte minutes, enfin cocotte seconde là, il n’avait pas la patience. Elle, elle l’avait, en triple, elle souriait paisiblement, le regard clair, l’air détendu, faisant avec ses chevilles des cercles concentriques avec le talon de sa chaussure. Elle était très calme.
« Je vais vous aider, j’en suis a trois psys, de mes journées je ne fais rien, je travaille, je suis gentille avec mon monde, je téléphone a mon ex, je parle a ma fille, j’envoie des mails a mes cousins, je joue avec mon chat, j’arrose mes plantes. Le soir je vais dans des bars et des boites, je bois, je danse, je fait la fête, je m’amuse, je rencontre des gens, on fait étroitement connaissance, je dors et la journée recommence. Certaine nuit, je vais dans des cimetières, je m’amuse, je ressuscite des corps et je leurs demande comment ils sont morts, des fois on fait appel a moi pour ça, parait que je fais parler les gens mieux qu’une décharge électrique, la dernière c’était une histoire d’héritage. J’aime mon métier de Légiste, j’aime mes petits boulots de Réanimatrice, et j’aime coucher la nuit pour me fatiguer un bon coup. Voilà… »
Elle se leva, attrapa son manteau, et en l’enfilant se retourna et lui décocha un énième sourire.
« Vous savez quoi, faite moi muter, je ne sais pas où, mais loin, allez a la revoyure Doc'. »
Et elle quitta la pièce, le psy se rua sur son téléphone et composa, fébrile, un numéro.
« Maman… je veux renter ! »

L'effet Sylwia, la fille neutre, grande figure maternelle a la morgue, celle qui annonce, présente, assiste les familles, la plus énervant et attachante qui soit malgré son alcoolisme chronique. Sylwia gara sa voiture dans son allée, elle descendit, grimpa les marches de son perron et ouvrit la porte, elle entra referma et son répondeur se déclencha.
« Bonjour vous êtes bien sur le répondeur du Dr Sylwia, n’essayer pas de prononcer mon nom de famille, laissez simplement votre message je vous rappellerais si je ne suis pas bourrée ou accompagnée. »
« Sylwia ? C’est Vladimir… Tu es là ? Je sais que tu es là, j’ai vu que tu avais appelé de la morgue, on m’a dit que tu n’y étais plus. Je suis sur que tu es là. Tu as le bonjour de ta fille, tu lui manques… »
Le message se termina, Sylwia le supprima, alla a sa cuisine, aussi propre que la morgue, et se servit un whisky, elle le bu cul sec, et grimpa dans sa chambre en tapotant frénétiquement sur son portable.
« Piotr ? C’est Sylwia, si tu es libre ce soir je sors, si tu connais une boite que je ne connais pas encore j’irais bien danser… »
On entendit juste la porte de la salle de bain claquer et la douche s’enclencher.