La scène semblait tout droit sortie d'une romance du XVII siècle. Le cercle lunaire, haut et complet ce soir-là, se reflétait sur les eaux calmes et tranquilles de la rivière bordant la lisière de la forêt. Celle-ci baignait dans une étrange quiétude, un silence enchanteur qui n'était brisé que par les chants langoureux des cigales cherchant à séduire une gente dame. La brise était douce et légère, automnale, et quelques feuilles bourgeonnes et marrons quittèrent leur perchoir pour valser lentement avec le vent avant de toucher le sol. Et alors que tout semblait pur et inviolé dans cet endroit qu'on aurait qualifié de merveilles, un rire s'élève, faisant taire les insectes chanteurs et brisant le silence mythique qui régnait en maître il y avait de cela quelques instants seulement... Là, sous un saule pleureur bordant la berge, deux corps étendue côte à côte, roulant pêle-mêle dans un bruissement de feuilles mortes. Le vent se lève brusquement, transportant la nature morte avec elle et agitant les bras pendant du saule, qui caressent le sol et les corps légèrement vêtue de nos deux intrus. Puis, de nouveau, tout redevient calme... Le silence reprit ses droits, l'aura mythique des lieux réapparut, et désormais, tout sembla tourner autour des deux tourtereaux. La silhouette masculine, au-dessus de celle aux courbes sulfureuses mais peu prononcés, dévore des yeux le visage de sa douce.

« Savais-tu, douce Raïssa, que le reflet de la lune créer de subtiles paillettes d'argents dans les deux joyaux bleus qui te servent d'yeux ? » De nouveau, le même rire s'éleva. « Tu es fou, Mikhaïl. » Et il sourit en silence, son regard tranquille valsait des yeux couleur Lapis-Lazuli à la bouche rose et pleine de sa compagne. Son souffle chaud et contenu balayait les mèches blondes cendrés des traits fins qui qualifiaient si bien le visage de la demoiselle. Sa main droite vint se poser sur sa frêle nuque, que ses doigts massèrent l'espace de quelques instants. Puis, il se rapprocha lentement -une longue chute vers l'abîme aux sensations, et ses lèvres tombèrent sur les siennes.

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Je ne me souvenais plus pourquoi j'avais quitté en douce la demeure familiale cette nuit-là. Oh certes, je savais bien que c'était pour aller rejoindre Mikhaïl au point de rendez-vous. " Cette nuit, à minuit. Sous le saule pleureur près de la rivière, " avait-il dit. Et autant dire que des saules, il n'y en avait pas des dizaines dans les environs, alors même si pendant tout le chemin menant à l'endroit prévue, j'avais remis en question ma décision d'aller rejoindre Mikhaïl, je n'aurais tout simplement pas pu aller au mauvais arbre pour me donner bonne conscience. Au final, il fallait l'avouer : C'était en pleine connaissance de cause que j'étais passer par la fenêtre de ma chambre. Je savais que ça n'était pas prudent. Je savais que je n'aurais pas dû, et je me souvenais également que mes très chers parents m'avaient "défendus" de fréquenter Mikhaïl, en dehors des formalités qu’exigeaient les rapports dans la meute. Néanmoins, je n'avais pas réussis à résister. Confiner dans ma chambre, assise sur le rebord de la fenêtre, je n'avais cessé de penser à ce qui se serait passé si j'aurai eu l'audace de sortir par cette fichue fenêtre et d'aller le rejoindre sous ce saule. Puis, sur un coup de tête, j'avais envoyer chez le diable toutes ces satanés restrictions paternelles et maternelles, m'étais convaincue que ce qui devrait arriver, arriverait, et j'avais -oui, finalement ouvert la vitre pour sauter pieds nus et en nuisette sur le sol, m'enfonçant dans les bois sans un regard en arrière, sans un regret.

Je l'eus découvert se tenant debout et immobile sous l'arbre aux branches pendantes. Celles-ci s'agitaient au gré du vent, se balançant d'avant en arrière jusqu'à caresser les flancs de la berge à l'herbe courte et jaunâtre recouverte d'un tapis de feuilles mortes. Simplement vêtu d'un vieux jean délavé et d'une chemise à boutons ouverte laissant entrevoir son torse taillé, il me regardait d'un drôle d'air, le visage calme et la bouche étiré d'un sourire discret. Je m'arrêtais devant le rideau de feuillages qui entourait le tronc du saule, comme s'il fut un sanctuaire dont je n'osais profaner par ma seule présence. Même si le regard ténébreux de Mikhaïl fut fixé sur moi, je gardais le mien baissé vers le sol, les joues en feu, le corps secoués de tremblements. Avais-je froid ? Pourtant la brise, quoi que fraîche, ne me gênait pas. J'entrevis le sourire du jeune homme s'élargir alors qu'il s'avança vers moi, écartant les branches du saule et s'arrêtant à quelques centimètres seulement de mon corps. Je sentis sa respiration qui s'engouffra dans ma chevelure, ses yeux d'encre rivé sur mon visage, et puisque je ne daignai toujours pas poser mon regard sur lui, ses doigts prirent délicatement mon menton, le soulevèrent et obligèrent mes yeux à rencontrer les siens. Ses iris étaient tels deux lacs d'encre sur lesquels sa chevelure presque noire tombaient en mèches raides et rebelles. Son index se promena quelques instants sur les reliefs de mon visage, glissant le long de mon nez, dessinant le contour de ma bouche, s'exaltant de voir mes joues prendre une couleur d'avantage écarlate. Alors seulement, son propre visage s'abaissa vers moi, lentement, tout doucement...Je fermai les yeux, résolue, mais Mikhaïl ne sembla pas presser de me voler un baiser. Il embrassa chastement le bout de mon nez, sourit d'avantage lorsque je le regardai d'un air hébétée, et il laissa tomber sa chemise déboutonné au sol en tournant les talons. Il se retourna après quelques pas en se moquant toujours de mon expression ébahis, et je détournai brusquement le regard lorsqu'il retira son pantalon et tout le reste, mais compris enfin ce qu'il faisait en même temps que l'éclat de son rire et le bruit de sa course sur le tapis de feuilles mortes. Je finis par en faire de même en me soulageant de mes vêtements lorsque je fus sûr qu'il eut disparut dans les bois. De toute façon, je le rattraperai bien assez vite...
Je m'élançai à sa suite, courant à travers les bois quelques secondes avant de me propulser dans les airs, le corps soudain brûlant, la vision trouble, avant de retomber sur mes pattes pour poursuive Mikhaïl dans sa course folle vers une liberté que seule la lune pouvait nous offrir...