→ Pasteur, un métier inutile, en voie d’extinction, et complètement ringard ? Là réside le tort de celui qui oserait croire pareilles sottises. S’ils ne servaient à rien, les pasteurs seraient déjà enterrés et reconvertis en acteurs de cinéma, autre forme de croyance en plus glamour et sexy. Les hommes ont toujours eu besoin de croyances afin d’avoir un but à leur vie : croire en leurs proches, croire en Dieu, croire en eux. La religion perdure depuis des millénaires, si elle avait été démodée, on l’aurait enterrée depuis longtemps. Pour la relancer, un bon coup de peinture suffirait, comme lorsque la maison est repeinte pour paraître comme neuve. La religion fonctionne de la même manière : murs d’une nouvelle couleur, nouveaux fidèles. Les hommes avaient besoin que leur voix soit entendue, que quelqu’un fasse quelque chose pour les sauver, que ce soit pour réduire les impôts ou retarder la retraite, l’humain attendait qu’on l’aide. Joaquin serait donc là pour servir leur cause, pour servir Dieu.
Il avait tout compris pour fidéliser un maximum de personnes à sa cause : plutôt que d’être acteur et inutile, il userait de son charisme et de son physique à en tomber par terre pour devenir pasteur et rendre une image attractive à sa religion.

Il connait chaque coin et recoin de la Nouvelle Orléans, pour y avoir passé toute sa vie. Ses habitants, il sait très bien qui ils sont, comment ils sont. A l’office du dimanche, il détecte les fidèles habituels, les retardataires, les nouveaux venus. Il les connaît tous. Chacune de ses brebis est connue personnellement par son berger ; dut-il en égarer une que le chagrin le tuerait. La confession est pour lui le meilleur atout de sa fonction de pasteur : Comment apprendre les derniers ragots, commérages et autres aveux de la semaine que par cette voie là ? Dieu lui offrait la possibilité d’entendre chacun parler de ses pires péchés, en échange de son silence et de l’accord de l’absolution évidemment –appelé aussi pardon ou rémission des péchés-. Luther et Calvin avaient eu la bonne idée de considérer que la confession privée était importante pour tout bon chrétien, aussi profitait Joaquin de ces séances pour connaître tous ses habitants dans le détail, jusqu’à même leurs faiblesses et peurs. Pas besoin de poser de questions, les fidèles parlaient d’eux-mêmes. C’est ainsi qu’il eut vent de l’existence du Talamasca. Pauvre fidèle ayant commis un énorme péché et qui se confessa au pasteur. Joaquin en fut ravi. Sa fonction avait parfois du bon, et puis, homme de foi, personne ne risquait de l’accuser de quoi que ce soit. Presque vénéré comme un saint, si quelqu’un venait à douter de lui, il changerait d’avis par la force de ses arguments accompagné de son charisme étonnant, sans oublier le pouvoir de guérison que Dieu lui avait donné.

Jamais Joaquin n’avait pensé faire un autre métier que pasteur. Même dans son enfance, il fut très tôt attaché à la religion, communiquant relativement souvent avec Dieu par la prière. Héritage familial également, ses parents inculquèrent à leur fils unique le sens et les valeurs du protestantisme. Enfant solitaire, il fit relativement tôt confiance à Dieu qu’il considérait comme son intermède et en qui il se confiait quand le besoin s’en faisait sentir. Certains enfants solitaires de son âge avaient des amis imaginaires, lui avait Dieu. Chacun son truc.
Surprotégé par ses parents qui craignaient pour sa vie, l’enfant comprit bien vite que la ville était dangereuse. Vivant dans le quartier français de la Nouvelle Orléans, celui-ci étant peuplé de vampires -les plus civilisés soi-disant -, ou encore de sorcières vaudous. Charmant quartier que celui d’un futur pasteur. Des meurtres à répétition, des attaques inexpliquées, la crainte de la population la nuit … toutes sortes de faits étranges se tramant dans cette ville. Chacun avait sa propre vision des choses, son propre avis pour expliquer la cause qui avait tué leur proche. Pas d’explications rationnelles et scientifiques, plutôt des racontars, des légendes tournant autour de vampires, loups-garous et sorcières, autant de fabulations qu’un bon croyant ne voulait croire. Dieu n’avait pas crée ces créatures au commencement du monde, elles n’étaient donc pas réelles. Si pourtant elles l’étaient, alors elles venaient de Lucifer en personne, ange déchu par Dieu lui-même à cause de son besoin de pouvoir. Autant dire que dans la tête de l’enfant, les créatures des légendes n’étaient pas censées vivre.

Adolescent, c’est en rentrant par une nuit d’hiver qu’il l’aperçut. Un vampire en plein repas, se délectant sa proie. Joaquin était loin, peu éclairé par la nuit, et lorsqu’il le vit, il se fit tout petit pour ne pas finir comme sa proie. Ce fut une évidence quand il observa la scène, comme s’il s’était attendu à ce que la scène devienne réelle, sortant tout droit de son imagination pour vivre. Les légendes n’en étaient pas, Joaquin en fut à moitié étonné. Pour lui, elles étaient des erreurs de la nature, des créatures du diable. Sa foi en fut quelque part renforcée. Il fallait faire quelque chose pour protéger l’humanité en péril. La situation de la Nouvelle Orléans ne pouvait pas durer ainsi. Joaquin comprit alors la mission que Dieu lui avait donnée : faire la lumière sur cette ville, pour que cette Nouvelle Orléans de l’ombre retrouve paix et prospérité. Motivé dans ce sens, il effectua des études de théologie pour accomplir le rêve de sa vie : devenir pasteur. Ses parents furent très fiers de lui, et l’encouragèrent à s’affirmer et convaincre ses idées. Sa manière de parler et son argumentation faisaient de lui un excellent orateur capable d’attirer les foules. Si ses brebis savaient que pour convaincre, il n’usait que de simples techniques de paroles dignes des orateurs grecs… Sa passion pour la cause qu’il défendait aidait également à persuader et convertir même ceux qui d’emblée le prenaient pour un pauvre fou. Tous étaient unanimes pour que la ville retrouve son souffle d’antan.

Tous ceux qui le supportaient usèrent de leur potentiel pour l’aider dans sa tâche. Pas besoin de savoir manier une arme ou traquer une proie quand un chasseur venait se présenter à Joaquin pour lui proposer son aide. Rien que par cette aide venue de nulle proposée, Joaquin créa la Causa Mortis, société secrète réunissant les chasseurs de la ville, dont l’unique but consistait à se débarrasser des créatures surnaturelles, plus communément appelées CESS. Ces dernières avaient été particulièrement étudiées par Joaquin qui usait de sa culture et de son savoir pour guider les chasseurs dans leur traque. Après tout, il était le cerveau et co-fondateur de la Causa Mortis, les chasseurs le respectaient et l’écoutaient. C’est un pasteur, un chic type, un gars qui ne défend que la cause pour laquelle il a été envoyé : la protection des innocents humains. D’une certaine mesure oui, et ce fut une des principales règles de la société, où les innocents ne sont jamais pris pour cible. Le révérend a pour autant d’autres idées en tête ; cette option semble trop lente à son goût, vampires et loups ayant largement le temps d’agrandir respectivement clan et meute en transformant des humains innocents en créature de la nuit.

Une autre idée germa en lui : rien de bien concret tout d’abord, puisque personne ne devait en connaitre l’existence. Il commença à en parler à quelques potentiels candidats parmi ses fidèles. Si l’envie leur venait de parler à quiconque, Joaquin le savait automatiquement à la confession comme s’il était une autre personne, non pas le révérend mais l’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Parfois, il considérait se fidèles comme de vrais moutons. Qu’à cela ne tienne, il n’eut pas d’incident de ce genre et créa son propre mouvement extrémiste, qu’il baptisa les Humains d’Abord, ou HA. Certains évènements sont déclencheurs dans la vie d’un homme : L’attentat au Bloody-mary fut le début des HA. Les humains avaient peurs, très peurs. Plus l’existence de ses monstres se dévoilait au grand jour, plus l’agitation se faisait importante. Joaquin n’avait dans la panique générale aucun mal à convaincre n’importe quelle brebis égarée dans tout ce capharnaum. Certain d’être le représentant de Dieu sur Terre, apportant la lumière divine qui convaincra les hommes de le suivre, Joaquin œuvre de son côté, comme si de rien n’était, entre la Causa Mortis et les Humains d’Abord. Pas de temps pour autre chose, sa cause occupe tout son temps, de jour comme de nuit, même s’il dissimule très bien les apparences.

Il aimerait bien faire fusionner Causa Mortis et les Humains d’Abord, mais son sens de l’observation lui intime qu’il n’y parviendra pas, la première société n’adhèrera sans doute pas à sa cause, et contrarier des chasseurs avec ces idées extrémistes n’est pas forcément la meilleure idée qui soit. Dans ce cas là, il s’occupe de l’évolution des HA, s’entourant de personnes qu’ils jugent de confiance, bien qu’il n’accorde celle-ci à personne entièrement. Ses fidèles sont pour la plupart d’entre eux, prêt à se sacrifier pour le salut de Dieu. Il aura besoin de ses personnes pour accomplir son but. Il défendra corps et âme les américains du mieux qu’il le pourra. Pour convaincre un fidèle, rien de plus simple : une cuillère à soupe de joli discours argumenté, un soupçon de guérison pour les proches et la famille grâce à son don, une pincée de charisme, mélanger le tout pour obtenir une adhésion à la HA !