Je suis un soldat. Humain, je m’étais engagé à l’armée. C’était quelques années avant la guerre d’Indépendance des Etats-Unis. A l’époque, ces batailles étaient en fait des colonisations, les treize colonies d’Amérique tentaient de s’agrandir, malgré les restrictions de l’Empire d’Angleterre qui avait la mainmise de ces terres à l’époque. La révolte n’était pas encore là, loin de là, mais quelques colonies – dont la mienne – combattaient déjà pour s’étendre. Enfant, je souffrais d’hyperactivité, pour le plus grand malheur de mes parents qui ne savaient pas comment canaliser toute cette énergie débordante. Adolescent, cette hyperactivité se mélangea à mon goût prononcé pour le risque et l’adrénaline devint mon moteur premier. Pour vous signifier qu’à partir de cet instant, mes parents laissèrent tomber, priant juste pour que je ne finisse pas par me tuer avec mes jeux dangereux. J’entrais à l’armée à seize ans, fis mon service et me réengageait à la fin de celui-ci. Les instructeurs eurent beaucoup de travail avec moi, je n’étais effectivement pas facile à canaliser. Je fus éclaireur avant de devenir fantassin et je finis dans la cavalerie. Mais rien ne m’exaltait plus que d’aller en première ligne et être dans les premiers à me jeter dans la gueule de l’ennemi. Ma bonne étoile eut beaucoup de travail avec moi, aujourd’hui, je suppose qu’elle a laissé ma nature vampirique prendre le relais. Evidemment, mon humanité ne fut pas régie uniquement par les guerres, malheureusement, l’Angleterre savait voir quand le vent tournait. Je m’engageais dans les troupes d’élites, pour des petites missions « commando » comme on dit, et quand je n’étais pas de service, je jouais sur les limites du système. Non, je ne me fis pas beaucoup d’amis et les femmes me trouvaient trop imprudent pour faire un bon mari. Qu’à cela tienne, l’amour était un jeu bien trop dangereux que pour prendre la première femme qui passait comme épouse. Je voulais le vrai amour, le danger, la passion, le risque. Je ne voulais pas d’une vie rangée, je ne me suis donc jamais marié.

L’apogée de mon existence humaine fut sans nul doute ce moment funeste où mes proches me perdirent pour toujours. Ma mère finit par pleurer une mort réelle, je pense que jamais elle ne fut plus furieuse contre moi que ce jour-là. J’étais arrivé à mes fins en quelque sorte, j’avais repoussé de plus en plus les limites de ma vie et du système colonial. Je fus pris par les indigènes, lors d’un combat pour récupérer une minuscule parcelle de terre inutile en soi. J’avais juste répondu présent. J’avais trente ans quand les derniers souffles de ma vie humaine s’échappèrent de mes lèvres. Le seul souvenir distinct de ce jour qui me revient, c’est d’avoir vu ce visage d’ange, si beau, jeune et pur se pencher au-dessus de ma carcasse mutilée.

Marlene Valentyne était une enfant à sa transformation. Elle ne devait pas avoir plus de seize ans à l’époque. L’innocence, la beauté, la pureté, la virginité aussi. Mais le mal incarné. Aujourd’hui encore, elle est la plus grosse prise de risque de mon existence, je n’ai encore rien connu de plus dangereux. Marlene n’était pas seule, nous étions cinq en plus d’elle. Snow, une femme d’un certain âge, une vraie machine à tuer. Silas, un traqueur hors pair, il n’y a plus âme qui vive qu’il n’ait trouvé et tuer. Micah, qui était capable de vous faire voir vos pires craintes par un simple contact visuel. Et puis Jason, l’amoureux. Oui, non ce n’était pas son don, en réalité, je pense que, exceptée une vitesse exceptionnelle – même pour un vampire - Jason ne possédait pas de réel don. Je pense que Marlene était tombée sous son charme, tout simplement, ou alors qu’elle jugeait qu’il ferait un appât particulièrement utile. Jason avait une véritable gueule d’ange, c’en était presque effrayant combien son visage semblait sculpté dans le marbre. Marlene n’avait pas de don non plus, mis à part qu’elle était une grande manipulatrice et était extrêmement douée pour couvrir ses traces. Nous étions là pour compenser ses manquements. Pour vous dire qu’ensemble, nous eûmes très peu de difficultés à avoir ce que nous voulions. Nous l’adorions tous Marlene, nous la craignions également.

Elle fit de nous ses pantins, nous utilisant pour avoir ce qu’elle voulait et ne pouvait avoir pour elle toute seule. Un vrai petit règne de terreur. Nous restâmes sur le continent, l’aidant à s’imposer comme une vampire puissante et respectée, et échappant aux soupçons du conseil grâce à quelques tours de passe-passe. Je pense que nous savions que ça allait tourner au vinaigre un jour ou l’autre, mais nous ne nous sentions pas prêt pour vivre sans elle. Comprenez, sans elle, que serions-nous devenus ? Elle nous avait convaincu que seuls, nous mourions tous. Je fus coincé avec elle pendant presque soixante ans pendant lesquels je fis ce dont j’étais programmé à faire : la guerre. Bon petit soldat Morgan. J’étais la pièce maitresse de ses plans, l’ultime pantin à posséder – non, je me flatte moi-même, elle avait juste besoin d’une personne en plus. Nous ne commençâmes nos petites guerres qu’à partir du moment où je fus prêt pour la guerre, façon CESS, disons une quinzaine d’années. A l’époque, seules mes mains dégageaient de l’électricité. Evidemment, tant de pouvoir ne resta pas ignoré du Conseil. Marlene en voulait toujours plus, elle ne se contentait plus de voler les territoires d’autrui en les chassant, elle voulait les anéantir ou les asservir. Un jour, il en fut assez et je rencontrais le Conseil et ses gens pour la première fois. Et j’espère bien la dernière. Marlene fut exécutée ainsi que tous ceux qui se mettraient au travers de la route des Agents. Snow fut la première à tenter de la défendre, Silas suivit. Micah et moi restâmes en retrait, nous étions les plus jeunes arrivés, les seuls à contester encore les ordres de notre Sire de temps à autre. Quand nous vîmes l’occasion pour nous de vivre par nous-même, nous la saisîmes. Jason par contre, ne voulut pas nous écouter et se jeta dans les flammes qui consumèrent sa bien-aimée. Quand je vous disais que l’amour était extrêmement dangereux. Pour ne pas avoir seulement prononcé un mot contre la sentence du Conseil, Micah et moi furent épargnés et quand on nous laissa partir, je puis vous jurer que l’on a fait tout notre possible pour mettre le plus de distance en nous et le lieu de la sentence.

A deux nous retournâmes aux colonies anglaises, qui depuis, avaient récupérer leur indépendance suite à la Boston Tea Party. La deuxième guerre d’Indépendance était en marche et nous participâmes ensemble à cette guerre. Le plus dur fut de trouver une équipe qui ne s’occupait que des missions de nuits, mais ce fut exaltant et j’oubliais très rapidement Marlene et ses envies de conquête. Micah me suivait, entrainé par mon énergie, mes extravagances et mes singeries. Nous fîmes ensemble la guerre de Sécession et la révolution de Cuba avant que les choses ne se tassent et que la paix finisse par l’emporter sur le continent. Nous avons alors commencé à explorer toutes les terres, moi entrainant mon ami dans des situations peu envieuses qui finissaient mal aussi parfois. Souvent. Il me détestait et m’adorait en même temps pour ma nature impulsive et dangereuse. Il savait néanmoins reconnaitre la gravité dans mon regard, il y avait des choses pour lesquelles je ne jouais pas, je sais reconnaitre les moments où la raison est requise. C’est ainsi que je lui fis mes adieux. Je pense que je ne fus jamais aussi sérieux que quand je lui demandais de rester au Brésil avec cette jeune femme qu’il avait rencontré un soir. Une jeune vampire, quelques années de moins que nous. Selena, si je me rappelle bien de son nom. Enfin, je le laissais au Brésil et quittais le continent pour la vieille Europe qui, à l’époque, se préparait pour la toute première guerre mondiale. Je participais à cette dernière, à celle qui suivit également. Avant de rentrer avec les troupes américaines dans mon pays natal. Je n’ai pas voyagé à travers le monde, il est vrai. Mais laissons le temps au temps, j’ai toute l’éternité pour découvrir le monde.

J’ai vécu en nomade jusqu’à aujourd’hui. Seul et sans attache. Ma présence à La Nouvelle Orléans ne tient qu’à un nom : Meredith. Ne me demandez pas ce qu’il m’a pris ce soir-là, c’était une impulsion, comme toujours. J’ai vu cette jeune femme se faire saigner sur le trottoir et je n’ai pas pu la laisser mourir là. Je l’ai prise, hurlant aux passants que j’allais l’emmener aux urgences, que ça irait bien plus vite que d’attendre l’ambulance. Et au détour d’un coin de rue, j’ai disparu à leur regard et j’ai emmené la petite brunette dans la chambre d’hôtel que j’avais louée à l’occasion. Je ne savais pas vraiment comment je devais m’y prendre, néanmoins, le lendemain, elle était devenue vampire et je me suis retrouvé à la charge d’un nouveau-né.

L’expérience est grisante. Il n’est pas facile d’éduquer un jeune vampire, mais je pense que je me débrouille pas mal, malgré une certaine impatience de ma part. Un peu trop d’exubérance, pas assez de sérieux je pense. Voilà pourquoi je suis venu ici et que j’ai demandé l’hospitalité à ce vampire, Asher Blackstone et à son clan. Je pense qu’un environnement stable palliera à l’instabilité de mon esprit et sera bénéfique pour Meredith. Oui, je sais. C’est la première fois qu’une aussi bonne idée germe dans mon esprit. Mais que voulez-vous, il faut bien une première fois à tout. Il n’y a plus qu’à voir combien de temps je tiendrais coincé au même endroit pour au moins… pfiouu, quelques années je dirais.