19 juillet 1996, Chicoutimi, Québec.
«Une violente tempête, marquée par des pluies diluviennes et de forts vents, a ravagé l’Est du Québec, de vendredi à hier soir. Le premier bilan est déjà lourd : trois morts, dont deux enfants au Saguenay, au moins cinq disparus, des milliers de personnes sinistrées ou évacuées et des dégâts matériels qui se chiffrent en dizaines de millions de dollars. Inondations, glissements de terrains, éboulements, ruisseaux, rivières et lacs rendus furieux, les eaux arrachant tout sur leur passage, ponts emportés ou submergés, c’est tout un coin du Québec qui a connu l’enfer des éléments déchaînés, hier. Des centaines de maisons ont été inondées, déplacées ou détruites, surtout au Saguenay, où des villages ont été isolés...»

Library & Archive, Canada

Mois de juillet, jeux olympiques, Atlanta, vacances... Voilà généralement vers quoi tous les esprits étaient tournés ce soir-là, rien ne préparait la petite bourgade québécoise de Chicoutimi à subir une des pires inondations jamais connue par le Canada. Vanity, qui n'avait alors que 6 ans, et presque pas de dents, une petite fille tout ce qu'il y a de plus banal en somme, vivait dans une petite bicoque à l'extérieur du village. Il était tard, la maisonnette avait recouvert un calme pur, personne ne bougeait, ses trois habitants dormaient profondément. La petite fille, née d'un imprévu, d'un mauvais calcul, d'un foutu hasard, subissait le manque de moyen de ses géniteurs et occupait une pièce sombre, calée dans les combles, seulement quelques mètres au-dessus de ses parents. Le roulis de l'eau, de plus en plus fort, se rapprochant à grande vitesse de l'humble demeure ainsi que les cris des voisins n'éveillèrent les sens ni de Vanity, ni de sa mère, ni de son père. Tellement improbable, mais pourtant vrai. En quelques minutes, l'étage inférieur fut happé par le courant, emportant avec lui deux vies innocentes, celle d’Amalia et Peter Brown.
Réveil en sursaut, panique. Vanity revint soudainement à elle, surprise du vacarme environnant. Le quartier avait toujours était calme, jamais rien ni personne ne l'avait réveillée au beau milieu de la nuit. Elle avait beau être jeune, elle n'était pas non plus totalement sotte, ce qui était en train de se produire n'était pas normal. Prenant son courage à deux mains, parce qu'à 6 ans, il faut bien ça pour affronter les ombres émanant des recoins de sa chambre, elle se dirigea vers la porte, et s'apprêta à descendre lorsqu'elle distingua l'eau, ou plutôt la boue qui avait pris place dans la quasi-totalité de l'escalier. A la télé, elle avait vu ce genre d'histoire, c'était apparemment assez fréquent au Canada que la saison des pluies soit dévastatrice, qui plus est à proximité d'une rivière. Inconsciemment, et sans émettre de vérité absolue à ce sujet, elle le savait. « Maman? Papa? » Sa voix tremblait, et personne ne répondait. Aspirant un grand coup, elle réitéra son appel, plus fort, des larmes dans les yeux. Pas des larmes de deuil, elle n'avait aucune notion de ce qu'était la mort, mais des larmes de terreur. Ses parents ne venait pas à elle, et elle était dans l'incapacité d'aller à eux, elle n'avait pas d'issue, elle était affolée. Elle resta plantée là un certain temps, qu'elle ne saurait définir, criant ponctuellement dans l'espoir qu'ils lui viennent en aide, en vain. L'esprit totalement vidée de pensées, elle s'assit dans un recoin de sa chambre, priant pour que le cauchemar s'achève, perdant peu à peu la conscience de son propre corps. Le seul souvenir qu'elle a de ces instants d'égarements est une sensation d'évasion, à la manière d'un rêve, elle s'imaginait au milieu des airs, admirant le paysage alentour, dévasté mais pourtant si familier quand un homme brisa la petite fenêtre, seul accès à la pièce et la tira de sa torpeur, plus de 12 heures après le début de la catastrophe.
Plus tard, on raconta que si la jeune Vanity avait été sauvée ce jour-là, c'est parce que miraculeusement, elle se serait hissée sur le toit. Sa déjà longue chevelure blonde aurait attiré le regard des secouristes qui survolaient la zone en avion, quand à elle, elle n'avait aucun souvenir de ce soi-disant exploit et elle ne découvrit que bien plus tard tout les mystères qui avait entourés cette soirée, aussi affreuse que révélatrice. C'est donc plus ou moins la première fois qu'elle découvrit qu'elle était capable de se dupliquer, chose qui ne se reproduira que bien des années plus tard.

14 mars 2006, Chicoutimi, Québec.

Vivre dans une bibliothèque, pleine de poussière, de potions et d'ingrédients aux noms à dormir debout, il n'y a rien de mieux pour quiconque possède des facultés surnaturelles. Dans un sens, Vanity ne regrettait en rien la mort de ses parents. Cela peut paraître cruelle, mais 10 ans après leur mort, comment en vouloir à l'adolescente qu'elle est d'aller de l'avant et de laisser le passer derrière elle. Personne ne l'en blâmera, mais cela reflète bien la personne qu'elle est devenue, cynique, insensible, sadique, tellement différente des jeunes de son âge et à vrai dire, tellement différente de tout les êtres humains vivants sur Terre. Oui, certains vont jusqu'à la trouver inhumaine. Elle est certainement hautaine au plus haut point, ce qui a le don d'agacer nombre des personnes qui l'entourent, mais nul n'ose la contredire, c'est que vivre dans une maison de sorcière, ça permet d'apprendre tout un tas de sorts cools et utiles, surtout quand la sorcière à qui appartient la maison penchent vers le côté obscur de la magie. « Grand-mèèèère ! Tu l'as encore mis où ce fichu grimoire? » Et oui, Vanity s'est installée chez la vieille dame, mère de sa mère, est sorcière au même titre que toutes les femmes de leur lignée, ainsi que quelques rares hommes, qui généralement, n'était pas présent très longtemps dans leurs vies, juste le temps d'assurer leur descendance. C'est elle qui depuis toutes ses années lui enseignait la magie, chose que sa propre mère ne souhaitait pas, mais paix à son âme, elle n'était plus là pour l'empêcher de quoi que ce soit. « Sacrebleu ! Vanity, ne hurle pas comme ça à une heure pareille ! On ne t'a jamais appris à respecter les vieillards, épargne mes oreilles veux-tu? » Un sourire se dessina sur ses lèvres, Greta était le seule personne ayant ce don, sans elle, la jeune blonde ne serait pas grand chose aujourd'hui, elle lui en était reconnaissante. Elle, au moins, elle la comprenait. Très complices comme toujours, sa grand-mère avait pertinemment compris à quel bouquin elle faisait allusion. Depuis plusieurs jours, les recherches de Vanity l'avait amené à découvrir de nouvelles formes de magies, pas très positives, mais peu importe, ici, la différence entre le bien et le mal n'avait aucune sorte d'importance, seul le résultat et la puissance atteinte faisait la différence entre un bon sortilège et un mauvais. Cette nouvelle forme de magie consistait à utiliser du sang de vampires pour le soumettre à sa volonté. Le rituel était extrêmement complexe et nécessitait la participation d'un vampire, bien entendu, ainsi qu'un sacrifice humain. Leurs sangs mêlées, soumis à un puissant sort, devrait permettre à la sorcière les buvant de pouvoir prendre possession du corps du vampire tout en conservant sa part d'humanité, ce que le sang de l'humain symboliserait selon ce grimoire. L'interrompant dans ses réflexions, la vieille dame poursuivit. « Mais si tu fais allusion à celui décrivant le rituel destinés aux sangs bleus, cela fait un moment que je le cherche, et il me semble qu'il ait disparu... Comme par magie ! » Très peu satisfaite par cette réponse, Vanity se planta devant la femme, qu'elle dépassait déjà de plus d'une tête en partie grâce à l'artifice des talons compensés, plongeant son regard dans le sien. Elle savait qu'il était inutile de tenter d'user de la magie pour percer les pensées de sa grand-mère, à son plus grand désarroi, l'élève était encore loin d'avoir dépassé le maître. Elle décida donc d'une autre tactique, si la magie ne lui était d'aucune aide, le sarcasme et la culpabilisation pouvait devenir des armes fatales. « Grand-mère, tu deviens bien pire que ta fille. Me priver de la magie, c'est comme arracher les ailes d'un papillon, c'est bien plus sadique que de faire d'une créature assoiffée de sang son esclave. » L'effet escompté ne se fit pas attendre, elle savait qu'elle venait de toucher une corde sensible, mais elle l'avait fait sans le moindre regret. Sa grand-mère n'aimait pas les vampires de toute manière, elle ne s'en voudrait même pas. D'un simple regard, elle sut qu'elle avait cédé. Trop facile ! C'était donc décider, tout serait prêt avant la prochaine équinoxe, manquait plus que le vampire, mais ce n'était pas là que résidait le plus gros du problème, elle avait un fort potentiel de séduction.

20 mars 2006, 18h25, Chicoutimi, Québec.

L'instant fatidique, un moment clé du calendrier solaire, comme le recommandait le vieux bouquin. Au milieu de la forêt, Vanity, accompagnée de sa grand-mère avait formé un cercle spirituel destiné à empêcher le vampire qu'elle avait réussi à amadouer de s'échapper. La lumière n'était pas des plus puissantes, mais il semblait en souffrir, malgré toutes les précautions qu'elle avait prises à son égard. La minute m n'aurait lieu qu'une fois, et le cercle bouclé, il n'était plus possible de reculer. Saisissant une lame en argent, elle s'avança vers la créature qui lui faisait face et lui entailla le bras, laissant le filet de sang coulé dans la vasque. Levant ensuite le récipient vers le ciel, elle commença à réciter l'incantation latine, comme une litanie sans fin. «Jubeo malos spiritos partire fugireque» Sans cesser de réciter la formule, elle se dirigea vers son deuxième sacrifice. Il ne méritait pas l'argent, elle saisit un long couteau de cuisine et lui lacéra le cou sans ménagement, recueillant quelques gouttes de son sang et le mélangeant avec celui du vampire. «Jubeo malos spiritos partire fugireque» Greta, pendant ce temps, purifiait les limites du cercle, renforçant encore plus sa solidité et psalmodiant le même refrain qu'elle. Vanity s'agenouilla, et plongea dans un silence de prière, se consacrant pleinement aux forces alentours. A peine une minute plus tard, elle ressentit la présence des esprits autour d'elle, elle sentait toute volonté quitter le corps du vampire, elle se sentait entrer en lui, elle se sentait vampire. C'était fou toute l'énergie qu'elle possédait, elle savait qu'elle avait désormais des capacités immenses. Se laissant emporter par l'euphorie de la réussite, elle perdit conscience de son humanité, le sang humain ne suffisant pas à annihiler sa sauvagerie.
Ce n'est que quelques heures plus tard qu'elle s'éveilla, allongée sur le sol, aux côté du vampire. Vanity n'avait aucune notion du temps qui s'était écoulé ni de ce qui avait eu lieu. Le trou noir total, c'était affreux. Observant les alentours, elle se rendit rapidement compte qu'elle se trouvait cependant toujours dans la même petite clairière. Aucune trace de sa grand-mère n'était néanmoins visible et les lieux semblaient différents. Le décor était auparavant familier, réconfortant, elle s'y sentait à son aise mais en ce moment, elle avait un drôle de pressentiment. Se penchant vers le vampire, elle la poussa légèrement, il grogna. Il devait encore être en vie, ce qui signifiait qu'elle avait certainement réussi, dans le cas contraire, il serait mort ou loin d'ici. Quand à sa grand-mère, elle ne voyait pas d'explication. Elle ne serait pas rentrée sans elle, elle ne l’aurait pas laissée seule au milieu de la forêt en pleine nuit par ce froid... Elle ne pouvait pas le concevoir. Énervée, elle se dirigea vers leur demeure, maison ne serait pas adapté, ce n'est pas non plus un château par sa taille et manoir, Greta trouvait cela trop prétentieux. Si elle était encore en train de cuisiner une de ses potions immondes qui étaient sensée lui donner de l'énergie, Vanity risquait d'entrer dans une rage folle. Elle n'avait même pas fait trois pas que sa colère s'évanouit, laissant place à un état de choc profond quand elle découvrit son corps sur le sol. Elle ne ressemblait plus en rien à la grand-mère qu'elle avait tant aimée. Son corps était disloqué et les traces laissées facilement devinés la nature de son meurtrier... Les crocs qui s'étaient plantés dans la chair de la vieille dame n'était peut être pas les siens, mais indirectement, Vanity les avait dirigés dans sa direction, entraînant la mort de la seule personne qu'elle avait aimé durant son enfance, elle se retrouvait désormais seule au monde avec un cadavre de grand-mère et un vampire totalement hagard sur les bras. Le pied.

16 juin 2007, Charlotte, Caroline du Nord.

Charlotte, première ville à avoir rédiger une déclaration d'indépendance, un an avant le reste des Etats-Unis. Mais aussi Charlotte, ville aux innombrables ruelles sombres ou le crime pullule autant que les rats new-yorkais. Vanity, qui vivait désormais une vie de vagabonde, usant de tous les moyens en sa possession pour obtenir de maigres revenues, squattait un vieil immeuble dans un quartier malfamé de la ville, en compagnie d'Orsvald, vampire dont elle n'avait jamais su quoi faire. Au moins, il avait eu pour mérite de la protéger et au fil du temps, bien qu'elle ait fait preuve d'une grande cruauté à son égard dans un premier temps, son emprise sur lui s'était relâchée et on pouvait dire qu'une amitié était née entre eux. La jolie blonde savait qu'il avait besoin de certaine chose, jamais elle n'avait eu l'intention de le priver de sang et comme à son habitude, ce soir-là, elle l'accompagnait en chasse dans la ville. Elle n'éprouvait aucun plaisir à l'admirer sucer ses proies, mais elle ne souhaitait pas qu'il se laisse emporter et ne se dévoile à a vue de tous ou pire, ne revienne pas avant l'aube. Il fallait bien admettre que le sortilège qu'elle avait jeté sur lui ne l'avait pas laissé intact et il était toujours incapable de se débrouiller seul.
Aujourd'hui donc, leur victime était une banale jeune fille, surement une traînée. Avec elle, la chose avait été plutôt simple, elle acceptait de se laisser mordre contre un peu de V. Ce genre de deal était devenu la monnaie courante des deux jeunes (enfin jeune ne s'appliquait pas vraiment aux deux...) De plus en plus de monde prenait du plaisir à consommer cette nouvelle drogue, et c'était un avantage de poids pour eux. Cependant, le destin semblait avoir mis sur leur chemin un imprévu ce soir là... Alors que Vanity usait de son don de duplication pour surveiller les alentours, restant à quelques mètres seulement de son vampire. Soudain, quelque chose d'étrange les pris par surprise. Enfin, Orsvald fut certainement le plus surpris des deux... Vanity n'avait vu personne dans un rayon de 50 mètres, elle ne se rendit compte de la présence que quand son vampire commença à se tordre de douleur, délaissant sa proie. Cette douleur était insoutenable, même pour la jeune blonde. Le lien qui les unissait était extrêmement fort, quand il souffrait, elle souffrait aussi. De l'argent... Éberluée, elle revint à la réalité, la vue troublée, incapable de faire un pas tant elle était paniquée. Appelant à elle toute la force qu'il lui restait, elle mit quelques minutes à reprendre ses esprits, cherchant désespérément un moyen d'aider son partenaire, par n'importe quel sortilège. Rapidement, elle parcourut les quelques mètres la séparant d'Orsvald. Au début, elle avait cru que l'absence d'intrus était une simple défaillance de son don, mais une fois sur place, elle se rendit compte que son ennemi n'avait réellement pas de corps... Désarçonnée par cette découverte, elle ne mit tout de même pas longtemps à comprendre qu'elle avait affaire à un sorcier. Usant d'un sortilège qu'elle avait lu il y a des années surement, elle tenta de le rendre visible. Elle ne sut pas si cela fut réellement efficace, mais cela eut pour effet de détourner son attention. Elle vit dans le regard de cet homme d'âge mur qu'il était aussi étonné qu'elle. Rapidement, elle prit la parole. "Lâchez le, il est avec moi. Je suis sure qu'on pourra s'arranger, je peux vous fournir ce que vous désirez, mais seulement si vous vous écartez de lui. Sinon, vous le regretterez." Malgré son air agressif et déterminé, l'homme rit au nez de Vanity, mais laissa tout de même Orsvald se dégageait. "Je ne pense pas que tu sache à qui tu parles. Je vais faire comme si de rien n'était, on va dire que la jeunesse te servira d'excuse. La puissance pourrait aussi en être une. Je ne vais pas y aller par quatre chemin, tu es jeune, tu as l'air d'avoir des dons exceptionnelles, tu es débrouillarde, j'espère que tu seras assez intelligente pour saisir ta chance. Je m'appelle David Adams, et je me ferais un plaisir de t'enseigner la magie." Sans hésitation, elle le suivit, pendant plus de 3 ans, les 3 formèrent un trio, parcourant l'Amérique, vivant à l'écart de la société, dans un calme absolu. Vanity avait beaucoup appris de sa grand-mère, mais cet homme avait repoussé les limites du possible. Depuis son départ, il y a plusieurs mois de cela, elle a élu domicile à Saint-Louis, dans une maison en retrait de la ville. Là-bas, elle use régulièrement de la magie et en tire profit pour gagner de l'argent. Reconnue dans la région désormais, nombreux sont ceux qui achètent ses services ou ses potions, de la plus saine, à celle nécessitant une magie des plus noires. Toujours accompagné d’Orsvald, elle vit de nuit, évitant ainsi d'attirer les foudres de la population, parfois peu réceptive au surnaturel, ainsi qu'à la communauté vampire qui désapprouverait sa relation et ce qu'elle a fait subir à leur compère.