-J’aurais besoin d’un sac de sucre, un sac de farine, trois patates et une brique de beurre s’il vous plaît. Hemingway offrit son plus beau sourire au propriétaire du magasin général, qui le lui rendit avant d’aller à l’arrière chercher sa commande. Il était gros, possédait une énorme moustache, mais il était gentil et c’était ce qui comptait pour la jeune irlandaise autrefois beaucoup plus civilisée et polie. Deadwood, 1843. La famille d’Hemingway venait tout juste de quitter l’Irlande pour venir s’installer dans cette petite ville du Dakota du Sud, et ce, depuis deux générations à présent. Son grand-père, travailleur acharné, espérait venir s’installer aux Amériques dans l’espoir de trouver un travail convenable, et ainsi subvenir aux besoins de sa famille. Grand ébéniste réputé d’Irlande, il ne trouve pourtant pas autant de succès de l’autre côté de l’océan, et se retrouve forcé à travailler sur les chemins de fer, ayant ainsi l’impression d’avoir laissé tomber sa femme enceinte. Néanmoins, ils réussissent quand même à survivre et se retrouvent avec un fils… Le propriétaire revint après quelques minutes, les bras chargés par la commande de la jolie jeune femme, qui déposa quelques pièces dans sa main avant de le remercier. Elle le connaissait bien. Depuis son plus jeune âge, sa mère l’envoyait ici pour faire les courses, et à chaque fois, cet homme bien gras mais plus généreux que quiconque, lui donnait un sucre d’orge, ce qui lui avait valut le respect de la gamine d’autrefois, et ça n’avait pas changé depuis. Deadwood était une minuscule ville, qui ne comptait qu’un millier d’habitants environ. De ce fait, tout le monde connaissait Hemingway. Surtout par la gente masculine. Belle, élégante, gracieuse, pleine d’ambitions, mais surtout célibataire, sans époux… Son père n’a jamais eu la réelle chance de travailler, et de faire quelque chose de sa vie. Dès qu’il est assez grand pour se tenir solidement sur ses pieds et manier une pioche, son grand-père décide de l’emmener travailler avec lui sur les chemins de fer, doublant ainsi leurs revenus, et permettant à la petite famille de vivre un peu plus aisément. Néanmoins, n’étant pas très riche, le père de la jeune Irlandaise est contraint de marier une fille de couturière, étant donné qu’aucunes dames de bonne classe sociale ne voulaient marier un simple travailleur. Et vint Hemingway, première enfant d’une famille de cinq. Différente, ambitieuse, la jeune fille se voit rapidement devenir institutrice ou encore médecin, au plus grand bonheur de ses parents, qui voient en elle, un bel avenir ainsi qu’une chance de s’en débarrasser pour subvenir aux besoins des plus jeunes. Brillante, elle excelle à l’école, et rencontre un riche fermier qui fera chavirer son petit cœur d’adolescente. Byron Lockhart. Beau, riche, célibataire et sous le charme de la belle rouquine, cette dernière tombe amoureuse de lui et se voit rapidement offrir une demande de fiançailles, qu’elle accepte sans hésiter. Jeune et stupide, elle croit plus que tout en cette union prévue pour plus tard, et se perd dans les belles paroles de son fermier. Tout était parfait. Hemingway venait de rencontrer l’homme dont elle disait être celui de sa vie, et il lui permettait de réaliser ses rêves d’avenir. Ses parents, quant à eux, étaient aux anges. Leur fille aînée quittera enfin le foyer familial, et s’installera avec son nouveau mari. Une tâche de moins sur les épaules… Néanmoins, tout le monde sait que le vent peut tourner rapidement, et la chance aussi…

Il était partit. Il l’avait laissée seule, désemparée. Deux années seulement après leur promesse de mariage, Byron s’engage chez les confédérés et part pour la guerre de Sécession, en laissant une Hemingway terriblement inquiète et aimante, attendant patiemment le retour de l’homme qu’elle aimait. La guerre… Cette seule pensée laissait la jeune fille apeurée, à l’idée de perdre son fiancé. Pourtant, il revient vivant, mais le pire reste à venir. Il n’était plus le même, il avait changé, et pendant longtemps, l’Irlandaise s’est demandé pourquoi. Plusieurs théories lui venaient en tête. Il avait peut-être été traumatisé par les horreurs qu’il avait vues là-bas, ou alors il avait rencontré une jolie jeune femme, plus attrayante et avait décidé de la laisser… Elle n’avait pas posé la question et s’était contentée de fondre en larmes devant l’annonce de son départ, alors que son fermier lui sort simplement qu’il n’a plus les moyens de s’occuper d’elle et de réaliser ses rêves, les deux familles ayant été ruinées par les conséquences de la guerre. Le mariage tombe à l’eau, tout comme les plans de l’irlandaise qui se retrouve perdue et abandonnée par celui dont elle attendait ardemment le retour. N’ayant presque plus d’argent, et possédant beaucoup trop d’enfants, la famille d’Hemingway décide de la renvoyer de chez elle, conte son gré. Ils lui donnent quelques pièces et un sac. –Ta vie à Deadwood est terminée, ma fille. Refais la, prend un nouveau départ… Ils étaient peu convaincants, mais la jeune femme connaissait bien la situation financière de sa famille, et décide de ne pas argumenter contre son paternel. Beaucoup trop gentille et compréhensive à l’époque… C’est donc une Hemingway qui se sent plus seule que jamais, qui prend la route avec quelques marchands ayant gentiment accepté de la prendre avec eux. Assise derrière le char, vêtue d’une simple robe jaune, elle dit au revoir à sa ville natale ainsi qu’à sa famille et espère gagner une ville lointaine, où elle pourra recommencer sa vie à zéro. Néanmoins, le char des marchands est arrêté quelques kilomètres plus loin par des bandits. Le voyage de la jeune femme vers une nouvelle vie s’achève déjà. Les marchands sont tous tués un par un, sans aucune pitié et la marchandise se fait voler rapidement. Hemingway tenta de s’enfuir. C’est avec toute la force de ses jambes frêles qu’elle s’était mise à courir dans la direction opposée, espérant trouver de l’aide, mais elle se fait rattraper rapidement par les mêmes qui ont massacrés ses compagnons de voyage. –Regardez moi ça. Avait dit un premier homme en l’agrippant sans aucune douceur par sa longue chevelure rousse. –Celle-là, on ne la tue pas… Repris un second bandit, un sourire pervers et carnassier sur les lèvres. Terrifiée, l’irlandaise se débat comme elle le peut, mais en vain. Ils étaient trop nombreux, et la force de la rouquine n’était même pas assez suffisante pour se défendre contre un seul d’entre eux. –Non… J’ai envie de m’amuser un peu. Le troisième agresseur s’approcha d’Hemingway et se mit à défaire sauvagement son corset à l’aide de sa lame, tout en déchirant sa jolie robe jaune. Les larmes roulaient sur ses joues alors qu’elle se faisait violemment plaquer contre un arbre. Tout en pleurant silencieusement contre le bois rude et sec de ce végétal, elle accepta son sort sous les rires gras de ses agresseurs qui décidèrent tous vouloir s’amuser avec elle un peu...

Dix années s’étaient écoulées depuis le jour où la jeune femme se fit violentée par ces bandits. Pourtant, le tout ne s’était pas arrêté là, bien au contraire. Après ce terrible épisode pour Hemingway, ces hommes n’avaient pas seulement décidé de la laisser sur place, livrée à elle-même, non. Mesquins et pervers, ils avaient décidés d’emmener la jeune femme avec eux, et la jetèrent dans un bordel de l’état voisin. Alors âgée de dix-neuf ans, presqu’adulte, la belle rouquine accepte de nouveau son sort et décide de rester dans ce saloon. –Si tu veux rester ma jolie, va falloir travailler. Lui avait brusquement dit une prénommée Marla. Cette dernière détenait le saloon dans lequel Hemingway avait été jetée. Elle eut une longue nuit de réflexion, et en vint rapidement à la conclusion qu’elle ne pourrait jamais trouver mieux. Sa famille n’allait pas la reprendre, Byron s’était tout simplement évaporé dans la nature, et elle ne connaissait personne. Protégée, logée et nourrie par cette Marla, la rousse décide de rester et d’offrir ses services en échange. C’est donc avec amertume qu’elle devient prostituée, et ce, pendant dix longues années. Néanmoins, Marla avait raison. Pendant tout son service, jamais Hemingway ne fut violentée à nouveau. C’était la règle principale de cette sublime blonde propriétaire. Les hommes étaient tous la bienvenue, peu importe leur âge, leur grosseur, leur statut…Mais aucuns d’entre eux ne devait lever la main sur une de ses filles, au risque de se faire bannir à jamais du bordel. Elle voulait tenir un business propre, sans démêlés avec les forces de l’ordre. Elle ne tolérait donc aucune violence, au plus grand soulagement d’Hemingway, qui ne faisait qu’offrir son corps à celui qui voulait bien payer pour… Un soir, alors qu’elle était de sortie, un homme l’interpella. Un homme ivre, qui empestait l’alcool, et qui se trouvait à être un peu trop entreprenant avec la jolie rousse. Ayant terminé pour la soirée, Hemingway se refusa à lui, et le gifla alors que ses mains se faisaient un peu trop baladeuses. En retour, il heurta son poing contre sa joue, et elle tomba au sol. Sonnée, elle n’entendit pas les voix masculines qui se rapprochaient d’elle, jusqu’à ce qu’on la relève brusquement pour la frapper à nouveau. Ils étaient quatre, elle était seule, et Hemingway eut un terrible sentiment de déjà-vu. On aurait dit qu’elle se trouvait dix années plus tôt, mais cette fois-ci, ses agresseurs se contentaient de la tabasser. Puis, l’un d’entre eux hurla, suivi d’un second. Les deux hommes tombèrent raides morts sur le sol, la gorge tranchée. Paniqués, les voyous restants se mirent à fuir, mais furent beaucoup trop rapidement rattrapés par cette silhouette floue. Les fuyards tombèrent tout deux sur le sol, morts. Couchée sur le dos, Hemingway vit l’inconnu avancer vers elle, et la redressa sans aucune difficulté, avant de s’entailler le poignet à l’aide de ses…dents. Malgré ses blessures, l’irlandaise avait pu entrapercevoir les longues canines de son sauveur. Elle avait lu certaines histoires qui parlait d ce genre de créature dans son enfance, mais elle n’y avait jamais vraiment cru. Lentement, il avait approché son poignet de sa bouche, et la rouquine bu docilement le liquide rougeâtre et visqueux. Et puis même si elle avait voulu se dégager, elle n’en avait pas la force. Rapidement, Hemingway commençait à se sentir mieux. Sa vision embrouillée à cause des coups à la tête s’éclaircissait, tandis que la douleur diminuait dans tout son corps. –Qui êtes vous? Furent les premiers mots qui sortirent de sa bouche. Elle voulait savoir, et étrangement, la jeune femme n’était pas du tout effrayée par ses mains ensanglantées et les quatre meurtres qu’il venait de commettre. Elle voyait là, une échappatoire, une sortie de secours à sa vie ruinée. –Asher. Tout simplement. Hemingway s’était redressé, totalement revigorée, comme si ce sang l’avait totalement guérie, et s’approchait maintenant de cet Asher, les yeux remplis de reconnaissance et de curiosité. –Emmenez moi avec vous…Faites de moi ce que vous êtes je vous en supplie… Son ton était aigu et tremblant. Il était sa seule et unique chance de s’en sortir. Pour toute réponse, il lui avait tourné le dos, alors qu’elle lui attrapa vivement le bras pour le retenir, même si la jeune femme se doutait bien que ce n’était pas son étreinte qui allait l’empêcher de partir. Néanmoins, il s’arrêta. –Vous ne savez pas comment les femmes comme moi terminent… Sortez-moi de cette misère… Il la dévisagea longuement avant de prendre son menton entre son pouce et son index. – Crois-moi, tu n’en veux pas. Et il était parti, beaucoup trop rapidement pour ses petits yeux d’humaine. Elle se jura à ce moment de retrouver son sauveur… Et elle essaya du mieux qu’elle le pouvait, avec les moyens du bord, et ses ressources étaient très limitées. En vain…

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