Le 03 mars 2012

A la Nouvelle-Orléans,
Dans la maison de Darius Von Verlagen

Apple était perdue dans ses pensées. Pourquoi fallait-il qu'elle se remémore des souvenirs de son enfance ? Elle était assise, les jambes croisées, sur le sofa et attendait impatiente le retour de son maître. Apple soupira et laissa sa tête tomber lourdement contre le rebord du canapé.
Darius lui avait laissé un peu de monnaie pour aller manger mais elle n'avait pas faim. D'ailleurs, lui devait sûrement l'être et elle devinait qu'il soit parti chasser ou trouver de nouvelles proies. Est-ce que parce qu'elle ne lui suffisait pas ?
Apple soupira une seconde fois et secoua la tête. Non.. Elle savait qu'elle avait de l'importance pour son maître. Sinon pourquoi l'aurait-il gardé avec lui depuis tout ce temps ?

Voyant qu'elle n'arriverait à rien en restant assise, elle décida de se lever, d'un air décidé. Elle longea le couloir et atteignit les marches de l'escalier qu'elle gravit en quelques secondes. La première marque lui prodiguait des sensations qu'elle n'aurait jamais éprouvé jusqu'à maintenant. Elle avait l'impression d'être plus forte, d'être plus résistante et surtout plus endurante. C'était vraiment une sensation agréable et la jeune femme en voulait plus. Elle voulait attendre la quatrième marque et de ce fait, devenir immortelle... mais son maître refusait d'aller plus loin et la sorcière savait qu'elle userait de tous les moyens qu'elle avait à sa disposition pour qu'il cède à ses avances.

Une fois en haut des escaliers, elle se dirigea d'un pas lent vers sa chambre. S'il y avait bien une chose pour laquelle elle savait qu'elle n'avait pas à se plaindre, c'était bien ses conditions de vie. La jeune femme avait le droit à sa propre chambre, à trois repas chaud dans la journée et à un minimum de discussion venant de la part de son maître. Que demander de plus ?
Elle balaya rapidement la pièce d'un seul regard et s'assit sur le bord de son lit. Elle fut rapidement attiré par la vue d'un bout de carton qui dépassait légèrement de son armoire. Elle se leva et tira doucement sur celui-ci. Elle recula légèrement, désemparée. Dans ce carton, se tenait tous les souvenirs qu'elle avait gardé son enfance, de sa vie dans son pays natal. Une vague de nostalgie l'envahit et elle prit le carton soigneusement en revenant sur ses pas.

Assise en tailleurs, elle fit un rapide constat : le carton ne possédait que des photos et des lettres de sa grand-mère depuis son départ. Elle se saisit d'une photo et esquissa un sourire. Apple, une dizaine d'années en moins, se tenait assise sur les épaules de sa grand-mère et elle souriait. Un sourire franc mais qui cachait tellement de peine et de douleurs. Elle approcha la photo vers son visage et elle exhala l'odeur du papier froissé et ancien. Elle ferma les yeux et se laissa emporter dans ses souvenirs.

25 décembre 1996

« La petite Apple, âgée de 8 ans, se pencha davantage vers son gâteau et souffla bruyamment sur ses bougies. Tous ses invités se mirent à l'applaudir et la petite était aux anges. Être née un 25 décembre avait ses avantages, comme ses inconvénients. Sa mère se plaça derrière elle, une énième fois pour prendre des photos et elle intima à son mari d'en faire de même. Sauf qu'il ne bougea pas d'un pouce. Il restait debout et continuait à fixer sa fille dans ses moindres faits et gestes, comme s'il s'attendait à ce qu'elle fasse quelque chose d'inattendue avec ses mains. Apple croisa le regard de son père et lui fit un signe qu'il ne lui rendit pas... »

17 janvier 1998
Apple claqua la porte de sa chambre et s’affala sur son lit, en laissant coulant ses larmes. Elle n'en pouvait plus... Elle ne supportait plus le regard fuyant et assassin de son père. Qu'avait-il contre elle ? Pourquoi la regardait-il tout le temps comme un monstre ? Apple se releva et sécha ses dernière larmes à l'aide de sa manche. Qui était-elle vraiment pour que son père ait aussi peur d'elle ? Elle fut interrompue dans sa réflexion quand son père ouvrit brutalement la porte et alla à son encontre en lui tirant les cheveux.

- Espèce de monstre ! Qu'est-ce que tu as fait à ta mère ? Tu vas répondre dis !

Apple criait au fur et à mesure qu'il tirait de plus en plus fort sur sa poigne. Elle sentait la moindre racine s'arracher brutalement de son crâne. Elle suppliait son père de la lâcher et lui priai de croire qu'elle n'y était pour rien. Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait. Qu'est-ce qui était arrivé à sa mère ?

Pendant plusieurs jours, son père la battit et lui fit comprendre que tout était de sa faute. C'était à peine si la petite tenait encore debout. Ce n'était que le soir même qu'elle sut que sa mère était décédée...

14 mars 2004

« Je le sens au fond de moi. Je sais que je ne suis pas comme tous les autres... Je ne suis pas une fille ordinaire. ».
Apple posa son crayon et referma lentement son journal. Elle était à la fois abasourdie et fascinée par ce qu'elle avait appris. Quelques jours plus tôt, en nettoyant la chambre de son père, elle était tombée sur un vieux journal qui appartenait à sa mère. Elle l'avait pris et l'avait feuilleté avec passion et intérêt durant toute la nuit. Apple était une sorcière... Elle en était convaincue.
A partir de cette découverte, Apple commença à s'entraîner à son tour, comme sa mère jadis. Plus les jours avançaient et plus sa passion pour la magie devenait une obsession. Elle apprit de par le grimoire que sa grand-mère était comme elle. Un coup de téléphone et là voilà en compagnie de sa grand-mère à s'entraîner encore et encore à faire des petits tours.
Apple n'avait alors qu'une chose en tête : Faire revenir sa mère de l'au-delà.

16 mai 2006

Son père l'a trahit. Pire encore ! Il l'a vendu au narcotrafiquants pour combler son désir du vice. C'était la période du trafic de drogue et le président du Mexique Calderon avait lancé l'opération «  Guerre contre les narcotrafiquants » Son père aimait la richesse au point d'aimer ce vice plus que sa propre fille. Il avait alors saisi l'occasion pour vendre sa propre fille à ces gens. Lorsqu'ils vinrent la chercher, elle n'oublia jamais le regard qu'il lui avait lancé ce jour-là. Un regard de haine, de mépris et surtout de victoire.
Elle n'oublia pas non plus les dernières paroles de son père qui restèrent à jamais graver dans sa mémoire.

«  J'espère que tu rejoindras ta salope de mère ! Vous les sorcières, vous n'êtes qu'une honte, qu'une abomination ! Disparais à jamais fille de satan »

Apple reposa ses vieux démons dans le carton et essuya une larme qui s'était échappée de son œil droit. Après tout se passa très vite. Devenue prisonnière, elle n'eut droit à son salut qu'à l'arrivée d'un vampire, Darius Von Verlagen. Il représentait tous ses espoirs et elle s'était jurée de le séduire pour arriver à ses fins. Elle y était parvenue et ils avaient entamé une relation durant quelques mois. Elle n'avait toutefois pas prévu qu'il ferait d'elle sa pomme de sang. Elle était devenue son esclave et lui devait obéissante et servitude. Petit à petit, elle commençait à ressentir une autre émotion que celle de la servitude. Non c'était beaucoup plus que ça... Apple commençait à tomber amoureuse de son Maître sans le vouloir. Puis vint l'épisode du Sire de Darius. Foutu télépathe, il avait réussi à découvrir le pot au rose. Un soir, il prit Apple à part et lui intima de partir, de laisser tranquille Darius. Il avait tenté de lui expliquer qu'elle ne lui apportait rien de bon et que Darius ne devait pas avoir de «  faiblesse ».
Elle avait bien tenté de s'opposer à lui mais c'était compter qu'il était un vampire ancien et de ce fait très puissant. Rendant les armes, elle quitta son Maître mais se jura de le retrouver.

Apple sursauta lorsqu'elle entendit la porte du salon claquée. Elle s'empressa de ranger le carton à sa place habituelle, vérifia que tout était en ordre et descendit lentement les escaliers. Darius était là. Il lui tournait le dos mais Apple le connaissait depuis assez longtemps pour connaître son corps et ses postures dans les moindres détails.
Elle esquissa un sourire. Oui.. Elle avait tenu sa promesse et avait réussi à le retrouver à la Nouvelle-Orléans. Elle n'en était que plus heureuse, surtout qu'il avait accepté ( sûrement à contrecœur d'ailleurs) d'entamer la première marque et de faire d'elle une servante officielle.
La jeune sorcière n'avait absolument pas l'intention d'en rester là ! Elle avait une vengeance à tenir, une morte à ressuscitée et surtout elle voulait l'immortalité. Elle avait la première marque, manquait plus que les trois autres !
Son plan était en marche...

Voyant qu'il ne bougeait pas d'un pouce, Apple saisit l'occasion pour se coller à lui et prendre sa main, restée près de son corps dans la sienne. La jeune sorcière n'avait alors pas besoin de talent de médium pour connaître la suite des évènements. Son maître se crispa et se délogea de l'étreinte. Apple n'avait même pas besoin qu'il parle. Son regard, froid et meurtrier, parlait amplement pour lui. Elle soupira et croisa les bras. Bah alors quoi ? Elle ne l'avait pas vu de la journée et c'était comme ça qu'il la saluait ?

- Bonsoir finit par lâcher Darius de manière à lui faire montrer que les mots qu'il avait prononcé avaient dû énormément lui coûter.

La sorcière n'eut pas le temps de lui répondre qu'il s'était déjà éclipsé. En voilà des manières ! Apple serra les poings. Son côté " je veux plus de pouvoir " prenait le dessus sur elle et elle s'empressa de le rejoindre.

- Je crois que je mérite plus qu'un simple bonsoir non ? dit-elle en lui renvoyant son regard hostile.

- Et moi je pense que c'était déjà amplement suffisant. Maintenant, laisse moi, j'ai des choses à régler.

- Tu crois vraiment que je vais... Apple ne put achever sa phrase. Le regard de son maître l'avait complètement tétanisé.
Bon décidément, ce n'était pas le bon soir pour lui parler. Le problème était qu'elle assistait à la même scène la majorité du temps. Elle lui tourna le dos et quitta la maison en n'oubliant pas de claquer la porte.