« Ocean ? Ocean ! Réponds ! »

Cachée sous l'escalier, je croise les bras. Je ne répondrais pas cette fois. Maman m'a encore interdit d'aller jouer dehors sous prétexte qu'il fait nuit. Je ne vois pas où est le problème, les lampadaires dans le jardin l'éclairent suffisamment et en plus il y a Pauvre Nanaaaa pour me garder. Pauvre Nanaaaa c'est Feina, une louve qui dort souvent à la maison. Elle est drôle, elle reste le plus souvent sous sa forme animale et fait parfois semblant de vouloir me manger. Mais je l'aime bien, c'est ma nounou attitrée, du moins quand elle daigne montrer le bout de son museau. Ce qui n'est pas le cas ce soir. Je ne comprends pas pourquoi maman s'inquiète autant. Moi dans le noir, je n'ai jamais peur. J'arrive à faire briller mes petites bulles dans l'obscurité la plus totale.

Maman est une sorcière. Je me souviens qu'avant, nous vivions juste toutes les deux, en Australie. Là-bas, le soleil brille tout le temps et il fait chaud. Mais nous sommes venues à la Nouvelle-Orléans. Il pleut parfois, c'est moins joyeux, plus dangereux que l'Australie et les kangourous. L'océan me manque, j'aimais me baigner, mais dans les marais c'est pas franchement possible. En plus il y a des alligators. Je sors discrètement de ma cachette alors que maman est allée me chercher à l'étage. Discrètement, j'ouvre la porte d'entrée et file dans le jardin. D'un pas léger, je trottine jusqu'aux fleurs d'hibiscus et tends la main pour en cueillir une. Un grognement sourd s'échappe d'un buisson et je pousse un cri perçant avant qu'une ombre ne me jette à terre. Immédiatement mes bulles lumineuses apparaissent et éclairent la scène. Je soupire de soulagement et éclate de rire.

« Tu m'as fait peur grosse bête ! »

Feina me lèche le visage et je proteste à grands cris alors qu'elle tente de me ramener à la maison. Je m'accroche à un arbre et elle sera obligée de céder si elle ne veut pas déchirer mes vêtements. Je suis vraiment intelligente !

« Ocean, je peux savoir ce que tu fais ? »

Oh oh... La grosse voix de papa me fait lâcher le tronc et Feina s'en va à l'intérieur de la maison, l'air très contente d'elle-même. Bourrique ! Je suis sûre qu'elle va encore mettre plein de poils sur le canapé et prendre toute la place, comme d'habitude. Je regarde même pieds alors que papa me fait les gros yeux et commence à me sermonner. Oui je sais, j'ai fait peur à maman et si elle ne veut pas me laisser sortir c'est pour mon bien parce que la nuit il y a de drôles de créatures et même la journée je ne devrais pas sortir seule. Je n'ai pas le choix ou du moins papa ne me laisse pas le choix. Je lève vers lui des yeux brillants, les yeux du chat potté. Je le sais, il est incapable d'y résister. Je le vois lutter puis céder rapidement, comme d'habitude. Je vais me blottir dans ses bras et ne proteste pas trop alors qu'il me ramène à la maison. Maman nous attend sur le pallier et quand elle nous serre dans ses bras, elle en oublie de me gronder tant elle paraît soulagée. Je saute des bras de papa et après un bisou à maman, je cours vers le salon.

« Mamaaaaaaaan ! Feina est encore allée sur le canapé ! »