Il y a des gens chez lesquels la simple certitude de pouvoir les satisfaire fait naître des besoins spontanés. G. Couteline.

« Vivre c’est naître, avant de finir par crever, alors à tout prendre, autant dénicher du plaisir même dans la plus vile soumission. Les autres ne le comprennent pas, comme si toute ma vie leur paraissait d’un illogisme sans nom. Parce que je recherche du plaisir sous la morsure des vampires, que j’aime les servir, me soumettre à leurs pieds… mais n’est-ce pas ce que je suis au fond ? Un jaguar soumis pour mon plus grand plaisir ; pas aussi bas dans la hiérarchie que je me laisse sombrer, mais je n’ai rien d’un alpha et n’en aurai jamais le charisme, ni la puissance. Je rampe, je baise, et je prends du plaisir autant dans la douceur que dans la douleur. Je serais même malade de ne plus jamais ressentir de douleur…

Certains ne comprennent pas vraiment que l’on puisse aimer souffrir, aimer cela, mais les coups et les lacérations sont pourtant une exquise caresse à mes yeux, de toute manière je guérirai… de toute manière, on m’évitera toujours d’aller trop loin, ces anges gardiens qui font parti de mon existence. Certains également, prétendent savoir pourquoi j’agis ainsi, que voir la mort d’aussi près, de devoir ma vie sans doute à ce sang contaminé qui coule dans mes veines depuis ce fameux jour à l’hôpital, en est la cause. Peut-être. Peut-être pas. Qu’est-ce qu’on en a à faire au fond ? Je ne suis que ce que je suis, et pour l'instant, j'aime ce que le miroir me renvoie. »

Promenons-nous dans les bois, pendant le que monstre n’y est pas…

Vivre c’est naître, avant de finir par crever… un jour. Aux yeux de Zane, c’est bien un peu ce qui s’était autrefois produit, l’amenant sur une nouvelle venelle à arpenter, douloureuse réalité qu’un adolescent ne devrait jamais avoir à étrenner seul. Mais revenons donc aux premières lueurs de son existence, celles qui ne le destinèrent aucunement à la vie dissolue qui est à ce jour la sienne, ou peut-être dans l’ignorance de celui qui se prendrait alors pour son père durant plusieurs années. Celles qui l’avaient vu naître une petite cuillère en argent dans la bouche sous l’œil attentif de parents plus qu’aimant. Mais il suffit de le regarder à présent pour se douter que quelque chose s’est un jour produit… ses cheveux bruns foncés retombant sur son visage sous une désinvolture douceâtre, comme s’il ne le faisait pas entièrement exprès, puis sont regard bleuté, digne de ces azurs enveloppés d’une noirceur annonçant la nuit. Mais surtout… surtout… prêtez donc attention à ces vêtements qu’il est capable de porter, ceux-là même qui pourraient faire rougir certaines demoiselles pourtant trop peu pudiques, tout comme sa propre nudité dévoilée aux regards des autres ne le gêne en aucun cas. L’on pourrait avancer qu’il s’assume parfaitement, que les lignes tendres de son corps étaient plus qu’agréables à regarder, après tout… Pourtant, n’importe qui ne pourrait travailler au Narcisse Enchaîné.

Pourquoi affichez-vous donc ces mines surprises ? Que pensiez-vous qu’il faisait de son existence ? Qu’il était bel et bien devenu avocat comme le destin original l’aurait voulu ? Mais non, son amante l’ironie avait fait ce qu’il fallait pour le laisser glisser sur la douce pente d’un pays aux saveurs insoupçonnées par la plupart des hommes. Vous ne comprenez pas ? Alors laissez-moi vous raconter son histoire… vous éclairer sur les véritables origines du gamin dont le regard innocent se lèverait vers vous. Si l’homme qui l’éleva le considéra toujours comme son propre fils… du moins dans les premiers temps, il ne fut jamais celui qui donna ce qu’il fallut pour qu’il vienne au monde. Le nettoyeur de piscine s’en chargea, un jour où son épouse se trouvait seule dans leur grande villa, tandis que lui se trouvait à New York pour affaire. Un simple nettoyeur de piscine, pas aussi humain qu’elle ne le pensait alors… un jaguar sous la caresse lancinante de la lune. Un jaguar qui sous les ordres de sa nimira se chargeait de lancer quelques petites graines par-ci, par-là. Puis de surveiller les gamins, ceux-là même qui même s’ils ne portaient pas encore le gène, rejoindrait un jour ou l’autre le pard.


Renaissance : Parce que même si la génétique est contre nous, on s’acharne toujours à remporter la partie contre elle.

••• père : « Où est mon fils ?
- On s’occupe de lui monsieur.
- Je veux… je veux… le voir… » bredouilla-t-il une nouvelle fois, vaguement sonné, mais il n’avait rien de bien grave, c’était comme s’il le sentait, simplement shooté par les médicaments que l’on venait de lui injecter pour calmer la douleur, tandis que son fils avait été emmené dans un autre brancard, dans une situation bien plus critique que la sienne, il avait vu ce sang s’esquiver de son front, il avait vu la plaie à auteur de son ventre, il… s’il y avait bien un jour où l’on devait prier, Charles Drayson pensa que c’était celui-ci, la culpabilité rongeant presque entièrement son âme, puisqu’il se savait responsable de l’accident. Il devait vivre… pour lui permettre de le faire également.

••• Zane : La douleur était là, suffocante, éreintante, brimant son âme et son esprit de la moindre logique, ses doigts paraissant chercher une accroche dans une mer de venin à la noirceur abyssale. Et ce frileux sifflement qui martelait à ses oreilles, l'écho tourbe qui tournoyait autour de lui sans qu'il ne parvienne à s'y attarder, à tenter d'en déchiffrer la signification. Car il… il… ne voyait plus, ses pupilles papillonnaient, mais rien, il n'y avait rien que l'opacité sournoise d'un aveuglement qu'un flash transperçait par instant. Était-ce cela l'expérience imminente ? Allait-il voir un ange ou son grand-père ? L'attendait-on là-bas ? Il n'en savait rien, et son esprit se brouillait à mesure que les secondes s'étiraient, songeuses…

••• mère : L'inquiétude lacérait ses entrailles tandis que l'homme n'avait pas l'air extrêmement pressé de la guider… mais brusquement elle comprit pourquoi dès qu'elle entrevit le corps de son petit garçon, étendu, inerte sur un brancard, plusieurs blouses blanches penchées sur lui, la laissant pousser un cri tout en se précipitant sur la porte. La tension, l'inquiétude, redoublant ses forces pour lui permettre de repousser l'homme qui cherchait à la faire quitter la pièce dans laquelle elle venait de pénétrer, ses prunelles croisant celles noircies de sang de son unique enfant. Savaient-ils… oui, savaient-ils seulement qui elle était ? Mais en fin de compte, cela n'avait aucune importance, il paraissait si faible, si…

« Faites-là sortir ! Et non d'un chien ! Où est-donc cette foutue perf ? » vociféra le chirurgien penché sur le corps du jeune garçon dont il cherchait à stabiliser l'état pour le monter au bloc.
« Elle arrive docteur. » déclara calmement une infirmière, un bloc de sang à la main, un sourire tout aussi languissant que ses courbes, plaqué sur les lèvres, tandis qu'elle se rapprochait, laissant derechef les autres s'occuper du petit blessé, quand l'une de ses collègues s'en empara pour la relier à la seringue déjà enfilée sous la peau du patient se situant sur le rebord de cette falaise vénéneuse qui cherchait à l'attirer à lui.

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Un jour, il a juste suffit de clore un instant ses paupières pour expier la douleur et un enfant, faire entendre ce cri perçant d’une vie qui venait subitement de mettre un pied dans la réalité. Elle était là, serrant désespérément la main de son époux qui portait un masque sur son visage, affublé d’une misérable blouse verte destinée à protéger la mère et l’enfant, mais également le costume qui était le sien. L’homme d’affaire ayant tout de même fait l’effort de venir jusqu’à cette clinique pour soutenir son épouse qui s’apprêtait à mettre au monde leur premier enfant, le seul que lui-même connu avant de les quitter lorsque sa nature éclipsera sa noble richesse. Une larme glissa sur la joue de la jeune femme, exhalant à travers elle la douleur et ce frileux soulagement d’y être arrivé, de ne pas avoir baissé les bras malgré la fatigue qui étreignait ses courbes misérablement fragiles, mais surtout de ce bonheur indicible lorsque l’on vint déposer contre son sein le chétif bébé dont la peau si ridée le faisait ressembler à une pomme de terre desséchée… Et ce fut bel et bien la première pensée de cette mère qui laissa un rire cristallin s’esquiver de ses lèvres crevassées par le manque d’eau.

Zane venait de naître… Zane et une multitude d’autres prénoms dont il oublierait jusqu’à la plus infime des résonances à l'exception de Rafaël. Lui, l’enfant bercé par ce grand avenir qui finirait fatalement par l’étreindre… n’était-il pas un Drayson après tout ? Tout comme son père avant lui, il brillerait sur le chemin du droit, il emprunterait la richesse et les facilités que son nom lui apporterait, ouvrant des portes ou solutionnant des situations à priori insolubles. Il serait ce petit garçon que l’on guiderait de la main, que l’on pousserait vers des passes étroites pour parvenir à d’autres bien plus lumineuses, car il était loin d’être sot, parfaitement capable de réaliser les désirs impérieux de ses riches parents, peut-être trop absents, trop demandeurs pour l’enfant qu’il était alors malgré que les années s’égrenaient sur le fil fragile de la destinée. Son enfance se passa donc ainsi, le laissant accepter parce que cela ne lui déplaisait pas vraiment, parce qu’au fond… qu’aurait-il fait sinon ?

D’autant plus que sa jugeote plaisait, que ses plaisanteries parfois stupides avaient tendance à faire sourire, à dédramatiser une situation quelconque, persuadant ainsi son admirable paternel qu’il ne se trompait pas en le lançant sur le chemin de devenir orateur. Il aurait le caractère… du moins le pensait-il, il s’affirmerait dans son effronterie, dans sa ténacité, chose qui ne pouvait être plus vraie au fond. Il s’était même déjà trouvé une petite amie, une petite copine plutôt, qui plaisait beaucoup à ses parents, tant elle était jolie et délicate, telle une rose que l’on effleure à peine de peur de la briser. Rien de sérieux, un petit flirt enfantin… d’autant plus que Zane se rendait chaque jour dans la même école privée que la sienne où les uniformes allaient de pair avec la discipline. Une horreur au fond, il n’aimait pas leurs règles, ayant l’impression que l’on cherchait à le formater, à le façonner comme d’autres aimeraient qu’il soit… cette image, son image à ce moment-là, il l’aurait volontiers froissée et mise à la corbeille sans le moindre remord.

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C’était peut-être un peu de ma faute si mon père avait dû venir me chercher ce fameux matin, peut-être un peu de la sienne si ce dernier fulminait littéralement dans la voiture, et me lançait de fréquentes œillades appuyées en négligeant la route, peut-être un peu de celle de ma mère si mon paternel qui n’avait pas conscience que je ne lui ressemblais pas pour une bonne raison ; je n’étais pas son fils. Mais lui comme moi l’ignorions alors, même si je me sentais différent. Je n’était pas comme lui, le monde ne semblait pas vouloir me convenir, il m’enfermait, me tuait à petit feu tandis que je rêvais de liberté, de découvrir de nouvelles choses. J’avais mal répondu à un professeur, j’avais été injurieux et obscène selon cette dernière, une prude et vieille fille. Je détestais cette saloperie d’école où j’avais l’impression d’étouffer. Mais ce matin-là, peut-être était surtout la faute de mon père, parce que ce dernier oubliait les règles élémentaires de la conduite : être attentif à chaque obstacle qui pourrait se présenter face à soit. Mais la confiance, l’habitude, est un tord. Une subtile confiance qui les emmenait exactement là où d’autres personnes le désiraient. Celles qui attendaient un peu plus loin. Celles qui… Charles connaissait trop bien la route, il se souvenait de chaque virage, de chaque aspérité du chemin, même si la pluie perçait les nuages de sa propre tristesse, même si l’écho lointain de son courroux s’écroulait de temps à autre sur le sol, frappant un arbre, un rocher, la terre.

« Att… » eu-je à peine le temps de m’écrier en apercevant, du coin de l’œil, une bête énorme, un animal comme je n’imaginais jamais en voir en dehors d’un zoo alors. Elle formait un barrage naturel d’une longueur impressionnante sur la route longeant la Forêt nationale d'Apalachicola, alors qu’il désirait tout simplement quitter Tallahassee et ses alentours, ville près de laquelle se trouvait mon école. Forme imprévisible, sombre et monstrueuse qui ne laissa à la voiture qu’une seconde pour tenter de s’arrêter, de dévier de sa trajectoire première, avant que le capot ne s’écrase en un bruit sourd contre l’écorce d’une souche qui s’ébranla en un craquement sinistre, mais ne céda pas.

Le monde, mon monde, ma vie… sembla brutalement défiler devant mes yeux, me laissant revoir la mollesse de cette dernière, rendant cet instant plus intense malgré la douleur qui sembla s’immoler dans mon ventre, tandis que la voiture passait par-dessus l’arbre mort, poursuivant sa course sous l’esquisse de plusieurs tonneaux qui semblèrent ne jamais trouver de fin. Bientôt, oui, bientôt, tout serait fini, le sentiment de plaisir s’insinuant à cette idée, voguant parallèlement à la blessure de ma tête contre le toit de l’habitacle cabossé et rabaissé, du tableau de bord collé contre le bas de mon corps. Pourtant, c’était bel et bien l’instant le plus jouissif de toute mon existence, celui où je me sentis enfin vivant comme jamais auparavant, plus conscient que je n’avais jamais été que ma vie ne tenait plus qu’à ce fil ténu que l’ironie, maîtresse du destin, froissait de sa main gantée et vaporeuse.

Ce n’était qu’un piège, un putain de piège. L’animal, mes blessures… ils auraient pu me tuer, mais de cela ils s’étaient tout simplement moqué, lascivement soumis à la Nimira du Pard local qui l’avait simplement ordonné. Tout comme le fait d’être emmener dans cet hôpital où justement elle travaillait, où elle amena son propre sang en sac. Du sang contaminé pour s’assurer que j’étais bel et bien des leurs, et ainsi éviter que je finisse par mourir dans un lit d’hôpital quelconque. Elle me voulait vivant… tout comme je me souviens de ses doigts glissant sur la peau de ma joue, telle une caresse porteuse de promesse inavouable aux oreilles trop humaines. Ce jour-là, déjouant le destin, je ne suis pas mort… mais seulement parce que le virus s’y développa… ou peut-être s’y développait-il déjà.

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« Les analyses ne mentent pas ! CE N’EST PAS MON FILS !
- Je…
- ET NE VIENS PAS ME MENTIR ENCORE TU M’ENTENDS !
- Mais qu’est-ce…
- LA FERME ! » s’écria l’homme que j’avais toujours pris pour mon père en pénétrant dans ma chambre, la porte rebondissant brutalement contre le mur qu’elle percuta en un bruit sourd, me laissant sursauter. Mais la première chose que mon regard rencontra, celle dont je ne pus détourner les yeux était cette arme à feu qu’il tenait entre ses mains et qu’il braquait avec obstination sur moi. Aussi ne remarquais-je pas immédiatement les marques sur le visage de ma mère qui se précipitait à sa suite. Je n’étais peut-être pas l’enfant de l’homme qui se tenait dans l’embrasure de la porte, obligé d’y laisser une main sous l’instabilité passagère de son pas sur le sol. J’avais guéri bien trop vite et je n’étais pas de son sang, et dans ses yeux, je pouvais lire l’horreur que je lui inspirais. Ce rejet maladif qui ferait qu’il ne supporterait même pas que je pose ne serait-ce qu’une main sur son bras.

« Papa… » hasardais-je tout de même en faisant mine de vouloir descendre de mon lit, mais cela n’eut pour effet que d’entendre le cliquetis caractéristique du chien que l’on actionne, me figeant comme seul un animal en serait capable j’imagine. Mais je n’en avais alors pas conscience. Louise s’était montrée trop subtile jusqu’ici pour que je la crois, adolescente que la Nimira m’avait envoyée pour que je prenne conscience de ma véritable nature, de mes véritables désirs, de cette sensation qui vous brûlait jusqu’aux entrailles, consumant jusqu’à la dernière illusion que l’on pouvait avoir, et qui ne tarderait pas à se manifester. La lune était proche de sa rondeur, tellement grosse de son amant le soleil qu’elle mettrait bientôt bat de toute une portée de félin affamé. Ainsi, j’avais eu ma première fois avec cette fille l’après-midi même, alors qu’elle cherchait en vérité à m’attirer jusque dans le pard, ne cessant de répéter que ma famille finirait par me prendre pour un monstre. Et même si du haut de mes quatorze ans je détestais ma vie, ne me sentant bien qu’au contact de cette fragrance qu’elle portait à même sa peau lorsque je l’humais, je n’arrivais à m’arracher de la présence de ma mère. Mais ce soir, je regrettais… je le regrettais vraiment.

Bougeant plus rapidement que je m’en pensais capable, j’évitai la balle avant qu’elle ne s’échappe finalement de l’arme, me laissant disparaître par ma fenêtre. Sauter du premier étage sans me faire la moindre blessure, alors qu’un dernier regard s’élevait en direction de ma chambre, avant que je ne me mette tout simplement à courir… courir… sans m’arrêter jusqu’à finalement tomber sur mes semblables par un heureux hasard qui ne devait pas vraiment en être un. La Nimira avait tout simplement tout prévu.

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Cela faisait près de quatre ans qu’il se trouvait avec la meute à présent, près de trois ans qu’il avait appris à contrôler son jaguar, devenant l’un de ses membres à part entière du pard de Floride, même s’il restait un soumis, un être qui ne se battrait jamais pour une place sur le devant de la scène. Il n’était pas de ceux qui savent pleinement se défendre face à d’autres prédateurs plus imposants, il n’était que lui… Lui qui presque immédiatement s’était rapproché de sa dominante, sa lourde chevelure auburn enveloppant ses traits délicats, celle qui avait en sorte qu'il devienne ce qu'il était à ce jour, celle qui avait placé de son propre sang dans la transfusion ce fameux jour à l'hôpital. Cruelle créature qui prenait énormément de plaisir avec ce jeune chaton qui rampait à ses pieds juste pour qu'elle lui offre ce délictueux plaisir qu'elle aimait tant offrir sans parcimonie à ses animaux les plus proches. Mais on ne pouvait pas dire qu'il l'aimait... elle était sa Nimira, celle qui l'avait damné dans cet univers et qui savait éveiller ses sens à fleur de peau. Rien de plus. Rien de moins.

Pourtant… au bout de ce maigre temps où il lui semblait être revenu une nouvelle fois à la vie, comme si son ancienne existence n’avait finalement jamais existée. D’ailleurs, il n’en parlait jamais, d'autant plus qu'il n'avait jamais revu ses parents depuis cette fameuse nuit. Sa mère avait crié à la fugue, mais personne n’avait jamais remis la main sur ce gamin qui tournait mal selon les dires de bien des personnes, mais qui finalement acceptait bien plus facilement sa bête qu’il n’y paraissait. Il s’abandonnait à cette nouvelle vie qu’il aimait jusque dans les tréfonds de ses entrailles. Ici, parmi les siens, il pouvait réellement se laisser aller à ses plaisirs, qu’ils soient ou non malsains, personne ne lui faisait de réelles réflexions de toute manière, personne. Après tout, la Nimira n'était-elle pas pire encore, modèle de déviance qu'il aimait tant satisfaire ? Il s’offrait volontairement aux manies suaves de la folle qui les dirigeait, apprenait, savourait… rampant à ses pieds en une soumission qu’elle adorait.

Une nuit pourtant, il ne fut nulle question de domination, mais la folie incarnée trouva la mort sous la main d’un chasseur. Et bien que ce dernier finisse entre les crocs d’une autre créature du pard, elle n’exista plus. Les autres jaguars étaient aussi… faibles que lui, si ce n’était bien plus, ne le laissant retrouver aucune forme de domination, le condamnant à devoir la retrouver d'une autre manière, chez une autre personne. Aussi ne resta-t-il plus rien qui le retenait dans cette ville. Plus rien du tout, et il décida de partir, de tout quitter pour une nouvelle ville. Se jouant du hasard, il piocha sa nouvelle destination en fonction de ce qui s’y trouvait. Le Narcisse Enchaîné… à peine arrivé, il s’y présenta pour y demander un travail. Il était déjà trop tard pour que l'enfant qu’il avait été, ait encore l’ombre d’un éclat d’innocence au fond de ses prunelles océanes. Il avait été mutilé jusque dans les profondeurs de son âme, dans ce que l'on pouvait qualifier de non catholique et d'immoral. Mais il n'en parlait jamais, laissant dans l'ignorance ce qui avait pu se passer dans les méandres de Tallahassee.

Zane était devenu de plus en plus tactile, de plus en plus pervers, dragueur… le temps ne l’arrangeait nullement, et son apprentissage auprès de son ancienne Nimira n'avait fait qu'aggraver les choses. Peut-être était-ce la raison de… ses déviances… son plaisir dans la souffrance… son corps délicieusement sculpté de finesse et de force, son visage aux attraits juvéniles, ainsi que son agilité, sa manière de se mouvoir qu’il avait et qui captivait les regards, ainsi que les vêtements qu’il portait parfois, parfait reflet de la décadence de son existence, puisqu’il n’avait à priori aucune pudeur. Ainsi, oui, peut-être était-ce la raison pour laquelle il fut embauché au Narcisse, se révélant être un stripteaseur de talent, alors que son intelligence, son maniement des langues auraient pu le mener bien plus haut que dans ce bas de l'échelle qui à ses yeux n'en était pas un.

De cuir, de mailles, de laine… tout sur lui semblait s’empreindre d’un parfum appelant à la débauche et à l’obscénité, mais il n’était pas que cela, fort heureusement. Il s’accordait quelques instants à pratiquer de la guitare, ou à lire un livre… ce qui avait tendance à gâcher l’effet de base, l’image qu’il cherchait à renvoyer. Son grand-père s’en retournerait dans sa tombe s’il pouvait voir à quoi ressemblait son indécente descendance. C’était une vie qu’il aimait, une vie à laquelle il s’adonnait, la parsemant de débauche et de douleur, jusqu’au jour où elle atteignit sans aucun doute son paroxysme lorsqu’il reçut la première morsure d’un vampire, un plaisir malsain auquel il s’abandonna avec jouissance… adorer cela serait encore trop faible pour retranscrire ce qu’il ressentait. Une vie décadente, une vie dissolue, celle qui était la sienne… Celle qu’il aimait, dont il savourait chaque seconde, qu’elle soit faite de douleur, de douceur… Et que ceux qui jugeaient trop vite s’accommodent de leurs consciences, il aimait… il adorait ce que l’Ironie, amante du destin, avait fait de son existence. Ne vous l’avait-il pas dit d’ailleurs ?

« Vivre c’est naître, avant de finir par crever, alors à tout prendre, autant dénicher du plaisir même dans la plus vile soumission. »