« Des éclairs illuminaient le ciel assombris par quelques nuages obscurs dont l'immensité cachait le soleil qui se couchait à peine. Le tonnerre qui hurlait sauvagement laissait les villageois dans une ambiance aussi bien terrorisante que vibrante. Pourtant, les yeux écarquillés face à ce spectacle électrique laissant rêveur tes yeux d'enfants, tu te sentais en sécurité derrière cette fenêtre sur laquelle dansaient les ombres du feu de cheminée qui réchauffait l'atmosphère de votre salon familial. Ton regard d'un bleu pénétrant pétillait devant cette énergique céleste qui prenait vie dans les bois et effrayait ainsi les plus faibles créatures qui peuplaient les environs. « Grand-Pa ! Grand-Pa ! » répétais-tu avec tout l'engouement qu'un gamin pouvait avoir quand la curiosité animait ses pupilles infantiles. « Raconte-moi une histoire, s'il te plaiiiit. » supplias-tu pendant que tu t'installais sur les genoux de l'homme aux cheveux grisonnants. Arborant une moue plus qu'attendrissante, tu obligeas ainsi le senior a abdiqué devant tes caprices enfantins. Dernier descendant de cette lignée renommée, tu étais un enfant choyé et aimé plus que l'entendement. Un trop plein d'amour que c'était à se demander comment aujourd'hui tu pouvais en être autant dénué. Chacune de tes bêtises étaient pardonnées, chacun de tes mots étaient applaudis. Enfant roi, nul ne pouvait rêver d'une enfance plus joyeuse que la tienne. Et même si la reconnaissance t'écorchait la gorge, au plus profond de ton âme arrogante existait une flamme qui brulait pour cette famille qui t'avait donné la vie. Jamais ô grand jamais, tu n'oserais taire ton nom prestigieux. Jamais tu ne passerais sous silence ton appartenance à la famille Mayfair. Même si cette fierté devait éveiller les pires craintes dans l'esprit tordu de ceux qui croyaient encore à ces légendes ancestrales. Même si cela te condamnait à suivre les traces maudites d'une lignée dangereuse. En aucun cas, tu ne supporterais de renier tes origines encore moins depuis que tu savais l'étendu de votre pouvoir. Sombre sorcellerie et dépendance funeste, tu étais destinée à de grandes choses.

Dans votre demeure aux allures de château royale, tu étais assis sur ces genoux confortables où tu somnolais à l'écoute de cette étrange histoire qui t'était conté. Créatures sanguinaires, bêtes poilues ou magiciens expérimentés, tu ne comprenais pas encore toutes les métaphores romancées de cet ouvrage familial. Tu aimais simplement te laisser bercer par ces contes ensorcelés qui attisait une curiosité maladive dans ton esprit intéressé. Tu écoutais sagement l'homme mature cependant ton regard était accaparé par ces pages manuscrites qui se tournaient par magie. Les mains de l'homme étaient fermes et on pouvait apercevoir à son index droit une pierre rouge dont l'éclat n'était pas sans rappeler les couleurs foudroyantes d'un phénix qui renaissait de ses cendres. Héritage ensorcelé, il avait fallu attendre la fin de ton apprentissage pour que toi aussi tu puisses arborer fièrement cette chevalière puissante. Depuis, jamais elle n'avait quitté ta main de sorcier, la chaleur de son éclat contrastait sublimement avec la froideur de tes yeux azurs. Pendant toute ton adolescence, ce grand-père au petit soin avait été l'homme de ton éducation enchantée. Si c'est à lui que certains aimeraient en secret se plaindre de l'homme manipulateur que tu étais devenu, toi tu lui étais d'une reconnaissance sans borne. Entre Prince Charmant et Prince Maudit, la frontière n'a jamais été aussi étroite. En apparence, on te donnerait le bon dieu sans confession. Un ange aussi innocent que le gamin que tu étais à l'époque. En profondeur par contre, tu étais comme ces orages qui grondaient dehors. Imprévisible, éblouissant, dangereux bien que incroyablement fascinant. C’était un paradoxe difficile à expliquer par les mots mais qui était pourtant d’une évidence indéniable en ta présence majestueuse. Au final, tu avais tout d’un Mayfair. Séduisant et maléfique.






« Putain arrête ! Arrête tes conneries Sev' !! » S'écriait-elle tout en te secouant comme si les soubresauts de ton corps qu'elle provoquait avec ses poings fragiles pouvaient bien stopper la folie qui t'emportait. Bien au contraire, sa peur grandissante accroissait tes désirs les plus noirs dont on pouvait lire les plus sombres desseins dans tes prunelles habituellement si lumineuses. La sérénité qui t'habitait rendait d'autant plus terrifiante la scène qui se déroulait dans ce sous-sol lugubre de votre fraternité clandestine. Des éclats de verre brillaient autour de votre cercle en total perdition. Ta concentration inébranlable n'avait d'égale que l'affolement dont faisait preuve tes comparses en longue robe noire. À vingt ans, vous étiez cette caricature risible d'adolescents gothiques en proie à quelques frissons ensorcelés. Si eux n'avaient que peu foi en ces formules latines que vous prononciez les soirs de pleine lune, tu étais de ton côté bien trop enjoué par cette pratique de la magie en solitaire - ces bons-à-rien ne t'étant d'aucune utilité si ce n'est qu'ils te servaient de puits humains dans lesquels tu puisais secrètement une énergie plus importante. Tu te sentais si fier de déployer tes propres ailes qui, pour sûr, auraient été d'un noir de jais si quelques plumes avaient pu naitre à l'arrière de ton corps somptueux. Tu sentais les vibrations de magie ancestrale hanter tes veines maudites jusqu'à l'essoufflement. La puissance de ta pratique n'avait d'égale que l'ancienneté de ton héritage et les légendes terrifiantes qui courraient sur votre famille avaient tout d'une réalité honteuse. Mais votre patronyme vous rendait bien trop fiers pour fuir devant un destin qui vous échappait ce qui laissait une place incommensurable pour une assumation arrogante. Debout dans cette robe sombre qui ne laissait entrevoir que les traits cubiques de ton visage illuminé par tes yeux bleus, tu ne cillas pas malgré les supplications de la pleurnicharde.

« Idiote. » lâchas-tu dans un murmure qui glaça l'échine de celle qui croyait naïvement avoir une place de choix dans ton cœur si froid. Alors que seuls dédain, dégout et répugnance coulèrent amèrement de ton regard si cruel envers la jeune étudiante. Mais ton charme envoutant l'emportait visiblement sur ton caractère exécrable puisqu'elle était incapable de résister à ta gueule d'ange. Tes yeux azurs la réduisirent au silence si soudainement que son obéissance résonnait comme une soumission étrange. Comme si ton charisme seul suffisait à inspirer une autorité que tu ne méritais nullement. Déjà à vingt ans, la plupart des hommes te vouaient un respect qui dépassait l'entendement. Était-ce le prestige de ton nom ou bien ton assurance inébranlable qui les plaçaient dans une confiance aveugle ? Nul ne saurait le dire mais le résultat était là. Et cette situation n'aidait en rien à calmer ton égo démesuré. « Elle a raison mec. À te prendre pour le roi du monde, tu vas finir par nous tuer tous ! » S'interposa un blondinet dont la carrure n'avait rien à envier à la tienne tant on devinait des muscles parfaitement dessinés derrière cette voix virile. Dos à lui, tu ne pus t'empêcher de sourire malicieusement à ses mots qu'il pensait vainement être des reproches. Ta tête bouscula alors légèrement en arrière pendant que, les yeux clos, tu te délectais du battement des mots 'roi du monde' qui tambourinaient dans ton petit cœur égoïste. Immobilisés par la peur, les cinq autres adolescents se jetèrent des regards discrets dans l'attente d'un geste de ta part. Geste qui ne sut tarder même si l'invisibilité de celui-ci renforça son imprévisibilité. Tu avais tourné ton regard vers celui qui avait osé te défier et sans un mot on pouvait entendre une lame fragile fendre l'air électrique. L'athlète blond porta une main à son visage à l'instar d'un cri étouffé qui confirma que tu avais habilement atteint ta cible.

Pendant que les yeux des jeunes adultes naïfs s’écarquillèrent à la vue du mince filet de sang qui s’échappait sur la joue de l’homme, tu en profitas pour t’éclipser à la lueur de la lune. À peine éclairé par la lumière des étoiles, tu jetas ton habit d’apprenti sorcier à terre pour te laisser glisser dos à un mur. Frustration et colère se mêlaient à fierté de ce massacre. Tes boucles brunes chatouillaient tes doigts quand tu enfouis ton visage dans tes mains passionnées. Ton souffle était saccadé. Le sang qui affluait dans ton corps malmenait ta tête endolorie et donnait à ta cage thoracique l’impression d’être au bord de l’éclatement. Tu avais beau nié l’évidence de ta faiblesse royale, réfuté l’emprise qu’avait la magie sur ton corps, mettre en doute le besoin maladif que tu ressentais à chaque heure du jour et de la nuit pour cette énergie mystique, quand le lampadaire sous lequel tu te trouvais s’éteignit par ta simple pensée pour te plonger dans une pénombre rassurante, il n’y avait plus aucun doute. Tu étais une ombre parmi la nuit dont la solitude se nourrissait d’une puissance cosmique dont tu n’apprendrais jamais à contrôler totalement. Esclave de ton héritage maudit, tu n’avais d’autre choix que de suivre le chemin de ta destinée monstrueuse. L’adrénaline retombant peu à peu laissait un large sourire se dessiner sur tes lèvres. Le suivie de tes ambitions malhonnêtes et de tes désirs passionnés étaient bien plus qu’une simple lubie, c’était une obsession dont tu ne pouvais, ni même ne voulais, te défaire. Ton être entier était rythmé par les embardés de magie noire et addictive qui coulait dans tes veines. Prisonnier de ta cage d’or et d’argent, tu acceptais cette fatalité terrifiante avec bien trop d’enthousiasme. Bien trop enjoué à l’idée d’enflammer le monde avec tes beaux yeux brulants.






« Les néons lumineux éclairaient la ville jusqu'à éblouir le voisinage qui se faisait de plus en plus discret à mesure que la Nouvelle-Orléans sombrait dans une certaine décadence surnaturelle. Alors que certains pleuraient leur innocence perdue dans l'incompréhension générale, de ton côté tu prenais un soin tout particulier à cultiver cette débauche cosmique faisant des vices et de la perversion un leitmotiv alléchant. Quand les éclats de lunes commençaient à naitre à la tombée de la nuit, les lumières éclatantes de ta propriété scandaleuse s'y unissaient à merveille attirant les plus sombres créatures dans ton antre luxurieux. Il suffisait de déposer un seul pied sur les longs tapis d'un rouge sanguinaire pour commencer à entendre les exclamations de la foule et le bruit des pièces de monnaie se perdre dans les jeux luxueux qui dévoraient les clients généreux à l'affut d'un coup de chance. « Bonsoir Monsieur Mayfair, puis-je vous servir un verre ? » questionnas une sublime employée dont la plastique n'avait d'égale que l'élégance qui l'habillait. Tu déclinas la proposition silencieusement tout en déposant une main délicate à l'embrasure de ton cou là où tu resserras élégamment le nœud de ta cravate soigneuse. Le Harrah's Casino qui était désormais tiens était tout à ton image : élégant, luxueux et sournoisement mortel. Tu n'aurais pu rêver plus beaux cadeaux d'anniversaire que cet immense complexe de vices offert fièrement par Grand-papa à l'aube de tes trente ans. Pendant des années, des murmures s'étaient répandus sur le propriétaire de cet établissement fortuné. Certains disaient qu'il était la possession d'une bête nocturne et qu'ils n'avaient jamais pu l'apercevoir un soir de pleine lune. Tu ne savais guère comment Mayfair Senior avait réussi ce changement de main en sa faveur, la vérité était que tu t'en foutais royalement pourvu seulement que tu sois aujourd'hui l'unique maitre de ces lieux. Couloirs assourdissants et bruyants, tu flânais autour des tables de jeu, le regard pétillant et le sourire radieux.

Hommes et femmes de toutes races se mêlaient à cette excitation financière qui vibrait en eux comme tu exultais de magie. Ton regard clair mais ténébreux s'arrêtaient avec séduction sur ses femmes que tu déshabillais des yeux. Joues rougies par la flatterie et la culpabilité que tu leur offrais, tu te régalais de cette emprise perverse. Si nul doutait que ton physique charmeur en avait décontenancé plus d'une, c'est encore la chasse qui t'intéressait plus que tout. Et dans ton esprit, tu avais encore en tête cette petite créature fragile que tu avais recueillie mais pas encore assujettie. Cette gamine frigorifiée qui, un an auparavant, s'étaient laissée emporter dans tes bras après que tu aies découvert le corps refroidi d'un homme mort à quelques mètres d'elle. Les raisons de ta présence dans cette ruelle sombre d’Écosse étaient bien trop étranges pour être honnêtes. Le recueil de cette jeune femme à peine plus jeune que toi était un geste bien trop généreux pour que tu n'en attendes rien en retour. Tour du monde, voyage d'affaire, personne ne savait pourquoi tu étais en Europe cette nuit-là, mais la scène de crime t'avait offert la soumission d'une sorcière Montgomery encore si secrète face à ton savoir que là encore, on ne pouvait croire à une coïncidence. Mystérieux et malsain, tu gardais pour toi ton envie sauvage de la pervertir à ta sorcellerie puissante. Tu avais toujours aimé agir seul afin d'en ressortir une plus grande fierté, et si tu étais hautain comme le Diable c'est que tu croyais pouvoir rivaliser de cruauté avec lui. Il ne manquait qu'à ton costume de grand couturier français que les cornes et la queue pointue.

Fierté débordante et assurance charismatique, tu n'en étais pas moins entouré de petits voyous qui satisfaisaient la moindre de tes requêtes. Tandis que l'humanité naïve te rebutait, les créatures surnaturelles te fascinaient. De l'intimité à l'inintimité, ton installation à la Nouvelle-Orléans avait assouvis ton désir de t'approprier des connaissances qui dépassaient les livres d'histoire. Et le Casino était l'endroit idéal pour recevoir tes magouilles malhonnêtes. Que ce soit sorciers, vampire ou lycanthropes tu ne faisais aucune distinction raciale tant est qu'ils t'étaient utiles dans ton ascension maudite. Entre les cartes retournées et les roulettes tournoyantes on discernait à peine les fioles échangées, les grimoires vendus et les mains serrées. Entre secrets malfamés et explosion de richesse, il était difficile de savoir quel chemin emprunter dans ce dédale de vices. C'était fascinant de voir à quel point il était facile de sombrer dans cette vie nocturne. Tu croyais pouvoir maitriser cet essaim de péchés en un claquement de doigts. Mais tu te trompais jusqu'à la moelle. Il n'y avait que la magie noire pour te guider. Que cette puissance princière pour faire palpiter ton cœur maudit.