Né il y a de cela 26 ans en Oklahoma dans une famille qui était de classe moyenne, j'ai grandi avec l'amour de deux parents généreux et tendres. Mon père était libraire et ma mère femme au foyer, on n'avait pas énormément d'argent, mais la vie était agréable et paisible.
J'aimais cet endroit, j'aimais les gens qui y vivaient, peut-être parce que je n'avais que sept ans et que je ne voyais que ce qu'il y avait de beau, mais pour moi cet endroit avait tout du paradis sur terre. Ma grand-mère maternelle vivait à cinq minutes de chez nous, ma mère était sa fille unique, pour ce qui est de mon père il était orphelin, mais ma grand-mère avait tout d'une mère pour lui. Elle était tellement tendre, rien de plus normale, tout le monde l'aimait. A cet âge là je me disais que tout resterait toujours comme c'était à cette époque, que les gens que j'aimais seraient toujours là, que je m'amuserais toujours autant, pour moi concevoir un instant que tout cela pouvait disparaître était inimaginable. J'aurais dû savoir même à cet âge qu'on n'est jamais à l'abri d'un désastre.

« Maman ! Maman regarde ! »
« Oh je n'ai pas le temps il faut que je range les courses mon chéri »
« Mais Maman regarde ! » répétai-je en tirant l'arrière sa robe pour la faire se retourner.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » Dit-elle en se retournant. Posant son regard sur moi, je vis son visage passer du sourire que je lui avais toujours connu à une expression qu'elle ne m'avait jamais laissé voir auparavant : de la peur. Sous l'effet de la surprise elle laissa même tomber le pot de confiture qu'elle tenait dans sa main et qui s'écrasa au sol dans un bruit de verre éclaté.
Je baissai les yeux comprenant que ma découverte, que j'avais trouvé si géniale, ne l'était peut-être pas tant que ça. Ma mère était au bord des larmes, elle plaça une main devant sa bouche, gardant le silence un instant.
« C'est mal Maman ? C'est pas moi qui l'ai fait tu sais ?! C'est venu tout seul j'te jure ! »
J'enfilai mon t-shirt pour masquer ce qui horrifiait ma mère.
« Monte dans ta chambre, met tous les vêtements que tu peux dans un sac »
J’ouvris de grands yeux, ne comprenant pas ce qui se passait. La situation échappait totalement à mon contrôle et je sentais que ça n’allait faire qu’empirer d’instant en instant.
« Pourquoi ? On va quelque part ? »
« Dépêche-toi de faire ce que je te dis ! On doit partir, maintenant ! » Ma mère me poussa pour m’entraîner au pied de l’escalier qui menait aux chambres.
« Maman pourquoi on doit partir ? » dis-je en geignant comme le gamin que j’étais.

Ma mère ne me donna aucune réponse ce jour-là. L'après-midi paisible qui s'était profilé jusqu'à ce moment devint rapidement un vague souvenir. J'étais monté dans ma chambre, j'avais pris ma petite valise, que j'utilisais quand j'allais dormir plusieurs jours chez ma grand-mère et je la remplis de tous les vêtements que je trouvais dans ma commode. Je n'emportais rien d'autres, pas de jouets, pas d'autres objets auxquels je tiendrais. Sans doute n'avais-je pas encore intégré le fait que c'était un départ sans possibilité de retour. Jamais plus je ne verrais mon père, ma grand-mère, mes amis, ma chambre, ma ville. On partait pour ne plus jamais revenir. Je me sentais coupable, c'était moi qui avais déclenché tout ça sans le vouloir évidemment. Je n'aurais jamais dû lui dire. Je n'aurais jamais dû lui montrer ce fichu dessin apparu sur ma peau. Fichu dessin. Je voulais tant qu'il disparaisse là tout de suite, que Maman ne s'inquiète plus, mais je savais qu'il ne partirait pas, il était là, imprégné sur ma peau, dans ma peau et il y resterait. C'était comme si je le sentais sous mes vêtements, comme si je ne pouvais plus qu'y penser. Il m'obsédait et était en train de m'enlever ma vie.

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On avait pris la vieille voiture de ma mère et on avait roulé pendant des jours, ma mère ne s’arrêtant que quelques heures par nuit pour dormir. J’avais peur. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je savais ce qui avait déclenché notre départ, mais je n’en comprenais pas le sens. Ma mère n’avait pas prononcé un mot depuis notre départ, je ne l’avais jamais vu ainsi. Un soir alors que ma mère me tendait le sandwich qui faisait office de dîner j’osai prendre la parole à mi-voix. « Maman, est-ce que tu m’aimes plus ? » Ma mère me regarda avec de grands yeux, elle avait l’air de se retenir de pleurer. Les lèvres pincées, elle déglutit avec difficulté avant de finir par me répondre. « Bien sûr que je t’aime. N’en doute jamais plus ! Je t’interdis de penser le contraire. Tu es mon fils et tu le resteras toujours quoi qu’il arrive, quoi que tu fasses ! » Nous restâmes silencieux un long moment, ne se quittant plus des yeux. « Alors dis moi ce qui se passe Maman » Elle baissa la tête cherchant à savoir ce qu’elle devait faire. Je pense que si elle hésitait tant à me parler c’est parce qu’elle pensait que j’étais trop jeune, que je n’étais pas prêt à entendre ce qu’elle avait à me dire. Je lui saisis la main et lui adressai un sourire pour l’encourager à parler. Elle soupira fébrilement. Elle avait tellement peur. Dire ce qu’elle s’apprêtait à me dire, rendrait la chose d’autant plus réel et cela la terrifiait « Tu te souviens des histoires que grand-mère et moi on te racontait sur nos ancêtres ? » « Bien sûr ! J’adore ces histoires ! » « Tu te souviens de celle du vilain shaman ? » « Oui !! C'est ma préférée ! » Je sautillai presque sur place, j'adorais vraiment toutes ces histoires. Elles parlaient des ancêtres Cherokees de notre famille. Ma grand-mère me parlait sans cesse d'eux. Il y a de cela longtemps, lorsque les Cherokees vivaient encore au nord de la Géorgie, mes ancêtres faisaient partis d'une petite tribu de Cherokees. On dit qu'il y avait toujours un descendant mal par génération dans ma famille et tous devenaient alors Shamans de notre tribu, des sorciers si vous préférez. « Tu te souviens de la fin de l'histoire ? » Je regardai ma mère avec un petit sourire. Je connaissais ces histoires par cœur. Le shaman dont parlait ma mère était le dernier descendant mal de ma famille, c'était à ce qu'on dit le plus puissant qu'on n'ait jamais vu dans les tribus Cherokees. Ma grand-mère l'appelait le mauvais Shaman ou le Shaman des ombres parce qu'il était devenu ivre de pouvoir. Il avait outre passé sa condition de Shaman et s'était mis à pratiquer de sombres rituels que l'on pourrait aujourd'hui assimiler à de la magie noire. Dans l'histoire qui est racontée on dit qu'il avait tué un tas de personnes des blancs pour la plupart, mais lorsqu'on l'avait découvert il avait massacré la plupart des gens de sa tribu. On ne sût jamais comment les autres membres de la tribu survivants réussirent à venir à bout du Shaman, la théorie qu'avançait ma grand-mère était qu'ils avaient fait appel à plusieurs autres Shaman pour le tuer, mais son corps resta toujours introuvable. « Le Shaman avait demandé l'aide des esprits de la forêt et des ténèbres et ils lui apparurent sous la forme d'un animal. Le Shaman a fait un pacte avec l'animal, pour revenir un jour parmi les vivants et pouvoir se venger des traitres. » Elle serra les dents en me regardant. Elle n'aimait pas le plaisir que je prenais à raconter cette histoire avec tant d'enthousiasme. « Tu te souviens sous quel animal les esprits avaient pris forme ? » « Bhin oui c'était un cerf ! » Je me figeai. « Maman... C'est... c'est juste une histoire pas vrais ? » Elle me prit dans ses bras et me serra contre elle. J'avais peine à respirer, mais je ne savais pas si c'était plus parce que ma mère m'étouffait à force de me serrer si fort ou si c'était parce que je portais sur ma peau le visage d'un cerf.

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"Tous les mois un nouvel état", c’était devenu la devise de ma mère. On ne restait jamais bien longtemps au même endroit et au fil du temps je finissais par apprécier ce train de vie. Certes, c’était toujours difficile de ne pas s’attacher aux gens que nous rencontrions sur notre route, mais je savais que si je le faisais devoir les quitter seraient trop pénible. Ma mère était une sorcière, comme tous les membres de sa famille avant elle, bien qu’eux se disaient Shaman. Elle m’apprit des tas de choses au sujet de la magie, elle ne me donnait pas de limite. Jamais elle ne m’interdit de pratiquer la magie noire, sans doute parce qu’elle pensait que tôt ou tard je l’utiliserais tout de même. Alors, pour ne pas freiner mes pouvoirs, elle fit en sorte que je sache tout sur le sujet, du moins tout ce qu’elle savait. Être sans arrêt sur la route était d’ailleurs un avantage pour mon développement, on rencontrait d’autres sorciers, on faisait l’acquisition de livres sur la magie, des grimoires, plus ou moins intéressants. J’en voulais toujours plus et cela se sentait. Si les vampires ne pouvaient se passer de sang pour vivre, moi je ne pouvais me passer d’en savoir plus sur la magie, d’amasser plus de pouvoir. J’étais littéralement obsédé, s’en était effrayant. Ma mère m’aidait toujours, elle m’aimait tellement, mais il faut l’avouer ses connaissances avaient des limites, ses pouvoirs aussi et elle s'aperçut rapidement que je la dépassais déjà alors que j’avais atteint mes treize ans. Une autre aurait pu vouloir adoucir ma soif, freiné mon ardeur, mais pas elle, elle se disait qu'un jour je finirais par redevenir l'enfant qu'elle avait connu, elle ne voulait pas penser que je devienne... lui. Pourtant, plus je grandissais, plus je ne voyais plus de limite entre ce que je pouvais et ce que je devais faire. J'étais à la limite de souhaiter être réellement celui qui avait décimé une partie de ma tribu, celui qui avait été tant redouté à son époque et dont on avait effacé le nom de toutes les lèvres par craintes. « Maman, dis-moi, comment je pourrais le réveiller ? » ma mère qui était en train de conduire à cet instant, rangea la voiture sur le côté et me fixa un instant le cœur battant à tout rompre. « Pourquoi est-ce que tu veux le savoir ? » J'hésitais un instant. « Juste comme ça... pour savoir. » Elle me fixa encore sans ciller puis fini par dire. « Tu ne peux pas le réveiller à proprement parler... parce que... ce n'est pas vraiment comme ça. » Elle tourna la tête et se mit à regarder au loin. Cherchant la meilleure façon de m'expliquer. « Le rituel qu'il a accompli... que tu as accomplis... » Elle secoua la tête. « ça atteint une magie que personne, pour ainsi dire, n'avait réussi à pratiquer, ça ne relève pas de la résurrection, mais de la réincarnation » « C'est quoi la différence ? » « La résurrection c'est ranimer un corps mort, la réincarnation touche l'esprit, c'est au-delà de tout... Tu es lui, tu ne t'en souviens plus c'est tout. » « Pourquoi je m'en souviens pas ?» « Je dirais que la mort est un acte tellement...traumatisant pour l'esprit, que lorsqu'il réintègre un corps il ne peut pas se rappeler de sa vie antérieur. » « Si je parvenais à me souvenir, je pourrais alors avoir la même puissance qu'avant donc... » Ma mère me regarda en fronçant les sourcils. « Tu voudrais te souvenir de tout le mal commit, de tous les meurtres ? » Je grimaçai. Je me disais que je n'aurais pas dû aborder ce point avec elle, elle était ouverte d'esprit certes, mais elle n'en restait pas moins sensibles à ce genre de choses. Et moi ? Je n'y arrivais plus vraiment, j'avais comme l'impression de ne plus rien ressentir, c'était trop loin de moi. Pour autant je l'aimais elle, même si je n'étais plus sûr de savoir ce que cela voulait dire.

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J’avais atteint un stade où tout ce que je faisais était d’une facilité déconcertante. J’étais las de tout, ma soif d’apprendre n’était toujours pas assouvis, mais rien n’était assez difficilement faisable pour que j’y porte trop mon attention. J’en venais à envier ma mère, elle qui avait des difficultés face à certains sortilèges ou certaines potions qui étaient un jeu d’enfant pour moi. Je jalousais sa faiblesse et m’agaçait de la voir si pathétique.

« Réveille-toi ! Réveille-toi vite ! »
Je grognai et me retournai dans le lit glacial du motel morbide dans lequel nous avions élus domicile depuis quelques jours maintenant.
« Je les ai vus ! Dépêches toi de t’habiller ! »
Je me levai soudainement, inspirant avec férocité.
« Où ? » dis-je avec un fin sourire noir dessiné sur les lèvres. Ma mère me lança mon sac et commença à ramasser mes vêtements au sol. « Tu es fou ! Ils sont trop nombreux on doit y aller ! » « Tu plaisantes j’espère ! Qu’est-ce que ces minables peuvent faire face à moi ? Je les tuerais tous avec grand plaisir ! » Ma mère s'approcha de moi et me gifla. C'était la première fois qu'elle levait la main sur moi. J'aurais pu lui faire payer son geste, l'éviscérer pour avoir osé me toucher, mais quelque part une part de moi m'en empêcha... Moi qui ne me croyais pas capable de clémence voilà que je me surprenais. Elle renifla et je remarquai alors les larmes qui ruisselaient sur son visage. « Très bien, tu veux pouvoir anéantir qui tu le souhaites et moi je veux que tu puisses te défendre face à n'importe quel adversaire qu'importe le nombre. » Elle sortit de la poche de sa veste un petit livre relié de cuir noir et gravé de symbole impossible à traduire pour un étranger, mais aisé pour quelqu'un qui savait lire l'ancien Cherokee comme moi. « Où a tu eus ce grimoire » prononçai-je en serrant les dents, furieux qu'elle ne me l'ait pas montré avant. « Chez Tannigan...» « Quoi ??? Tu l'as depuis plus de trois mois et tu ne me l'as pas montré ! Pourquoi ?? » « Parce que je l'ai lu... et que j'avais peur de ce que tu pourrais en faire » Je lui lançai un regard noir, trop furieux et assoiffé pour me résoudre à tenter de comprendre son geste. « Donne le moi ! » Je tendis la main tremblant comme un junkie. « J'ai déjà fait ce qu'il faut pour que tu accomplisses le rituel. » Elle me passa le livre, mais en dessous du livre ma main entra en contact avec quelque chose de froid. D'instinct je reconnu le métal et me doutai déjà de ce qu'était l'objet. Je m'empressai de lire le livre à une vitesse incroyable puis levait les yeux vers ma mère qui venait de tracer des marques au sol avec ce qui devaient être les essences dont parlait le grimoire.
« Tu vas vraiment me laisser faire ça ? » Dis-je de manière précipitée plus par excitation que par peur. « Je veux que tu puisses vivre. Il n'y a qu'en étant le plus puissant que tu pourras vaincre tes ennemis. » Je me retenais de sourire. J'étais complètement aveuglé par la récompense qui m'attendait, je n'étais plus son fils, je n'étais même pas un semblant d'être humain, j'étais une bête, un véritable monstre. Je n'avais plus rien de différent avec les créatures qui hantent les histoires de monstre. Je prononçais déjà les incantations, un simple sifflement entre mes dents et les bougies que ma mère avait semées dans la chambre s'allumèrent en harmonie. Harmonie ? Il n'y avait rien d'harmonieux avec ce qui était en train de se passer. J'étais en train de tuer la femme qui m'avait donné la vie et elle, elle se sacrifiait par amour. Elle devait être encore plus folle que moi. Je déchirais sa poitrine avec la lame de la dague qu'elle m'avait offerte et déjà ses yeux se fermèrent. Je respirais en haletant comme épuisé par l'effort alors que je m'étais jamais sentit aussi vivant, aussi fort, aussi puissant. C'est fou comme on retombe vite parfois. Un moment ivre de joie, l'autre dévasté par l'horreur.

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J’étais resté plusieurs jours dans la sordide chambre de motel dans lequel se trouvait le corps de ma mère. Je la regardais, je regardais sa poitrine vidée de son cœur, je regardais son visage éteint. L’odeur de son cadavre en décomposition appuyait l’horreur de la scène. J’arrivais à peine à comprendre comment j’avais pu être assez fou pour en venir à cet acte. Ceux qui nous cherchaient étaient arrivés la nuit où je l’avais tué, ils avaient découvert son cadavre et moi… je m’étais caché. Je n’avais plus envie de les tuer. Je n’avais plus envie de rien à vrais dire, si ce n’est oublier ce qui c’était passé. Je me résolu à prendre une douche, pour enlever le sang plus que séché de ma mère qui recouvrait mon corps. C’était comme lui dire adieu. Je ne gardais plus une trace d’elle sur moi. J’avais dû tuer ma mère pour redevenir un être humain, je trouvais cela assez ironique. J’aurais pu me suicider, mais alors la mort de ma mère n’aurait servi à rien et je me disais que c’était un peu trop facile. Il fallait que je souffre, je le devais, c’était ma punition. Est-ce que ma mère savait que je rentrouvrais mon semblant d’âme en la tuant ? J’aimais à le croire. Je n’avais plus que de tendres pensées pour celle qui avait donné sa vie pour son pauvre fou de fils. J’étais désolé pour elle d’avoir mis au monde l’être qui avait causé sa perte et qui l’avait fait souffrir durant toutes ses années en la séparant ainsi de tous ceux qu’elle aimait. Je cherchais à la comprendre, parfois j’y arrivais d’autres fois je me disais qu’elle avait été bien folle de ne pas m’égorger dans mon sommeil dès qu’elle avait découvert ce que j’étais. J'ai pris son corps la nuit venue et je suis parti dans un coin éloigné de la ville. J'ai fini par m'arrêter dans un champ, superbe endroit, elle l'aurait adoré. Là j'ai empilé un tas de morceau de bois et d'herbes sèches pour lui faire un lit funèbre. Sensiblement je lui cueillais un bouquet des plus belles fleurs que je trouvais pour les lui mettre entre ses mains. Je lui avais enfilé la robe qu'elle portait le jour de notre départ et l'avais coiffé de la manière dont elle avait l'habitude de le faire. En la regardant j'avais presque l'impression qu'elle me souriait de son tendre sourire, celui que j'aimais tant, enfin presque. J'ai laissé les flammes consumer sa chaire, je ne reculais pas même quand la chaleur devenait insupportable. J'avais tellement envie de la rejoindre, de m'allonger là juste à ses côtés et de me laisser consumer avec elle en la serrant contre moi. Je pleurais, je n'avais pas pleuré depuis des années et là je pleurais. J'entonnais un chant funèbre Cherokee, le même qu'on avait chanté quand mon grand-père maternel était mort. Ma voix était faible et tressaillait par moment, mais je ne m'arrêtais pas jusqu'à ce que le feu ne s'éteigne et qu'il ne reste plus que de la cendres et une terre brûlée à l'emplacement où se trouvait quelques heures auparavant le corps de la plus belle, de la plus grande Shaman que j'ai connu.

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Après la mort de ma mère je devenais imprudent. Je restais bien plus longtemps qu'auparavant dans une même ville quitte à croiser un de mes assaillants. Je n'étais pas suicidaire, mais j'y ressemblais profondément. Je traînais beaucoup dans des bars, je buvais et fumais à plus que de raisons. Je faisais usage de ma magie sans que celle-ci ne soit utile, j'étais pathétique à voir. Je n'avais aucun objectif, ma soif de pouvoir m'était passé, même si je la sentais prête à refaire face à la moindre tentation. J'étais terrifié à l'idée de redevenir le monstre que j'avais été.?

« Hé toi là ! » Sortant d'un bar où j'avais passé ma soirée je me retournais en titubant. « Moi ? » dis-je complètement ivre. Ça faisait deux ans que ma mère était morte et à peine deux semaines que je traînai dans cette ville et on venait déjà me chercher des noises. « T'es pas un vampire toi ?! » Je plissai les yeux en regardant l'homme qui m'adressait la parole. Un homme tout à fait banal accompagné de deux gorilles en chemises à carreaux. Ils avaient l'air d'une bande de pecnots alors je décidai de passer mon chemin sans plus m'intéresser à eux. « Hé attend une minute ! » Le pecnot en chef se plaça devant moi. « Tu sais que cet endroit est plein de vampire ? » Je reniflai « Franchement, qu'est-ce que ça peut me foutre ? » L'homme posa une main sur mon torse. Je le regardai d'un air interrogateur. Il ne voulait vraiment pas me foutre la paix et j'étais à un cheveu de l'envoyer valser, mais je préférais m'abstenir. Le cocktail magie et alcool ne faisait pas bon ménage, je le sais, j'avais déjà testé auparavant. « Ce sont des créatures du diable. Si tu forniques avec l'un d'entre eux tu iras droit en enfer ! » Je me reculai. « Quoi ? Qu'est ce qu'il me raconte celui-là ? Je fornique avec qui ? Tu te fous de moi là ? » Les deux gorilles, sentant la tension montée et surtout ayant bien saisit que j'étais rond comme une barrique, se placèrent aux côtés de leur leader, prêts à l'action au moindre geste menaçant de ma part. « Tu sais quoi le débile ? Ça te ferait le plus grand bien de baiser avec un vamp... » « Ah Patrick ! » M'interrompit une voix derrière moi. Alors que j'allais reprendre ma phrase un bras se posa autour de mes épaules.« Excusez-le messieurs, il est un peu saoul, il faut le comprendre il se marie demain avec une jeune fille on ne peut plus charmante. » Je regardai le type à côté de moi. Sa tête ne me disait rien du tout. Je ne comprenais pas pourquoi est-ce qu'il se mêlait de ça. « Je m'appelle p... » Il plaça une main devant ma bouche et adressa un sourire aux idiots face à nous. « Bon je le ramène chez lui. Je vous souhaite une excellente soirée messieurs, en espérant qu'elle vous soit....productive. » Sur ces belles paroles l'inconnu m'entraîna plus loin, je me dégageai et lui lançai un regard noir « Qui êtes-vous ? » « Un merci aurez été plus correcte, mais je ferais avec. Je m'appelle Judas et toi quel est ton nom ? » « Pourquoi est-ce que je vous le dirais ? Je ne vous connais pas. » « Hum... dommage. Bon hé bien au revoir dans ce cas. » « Hé attendez ! » Avant même de pouvoir continuer ma phrase je me mis à vomir tout ce que j'avais dans l'estomac sur le trottoir. « Besoin d'aide finalement ? » Me lança-t-il moqueur.

C'était la première fois que je rencontrais Judas. J'aurais préféré quelque chose de plus romantique, mais apparemment le destin voulait que je vomisse devant l'homme qui devint mon meilleur ami/amant... Au départ je détestais l'idée que je puisse m'attacher à quelqu'un, je n'avais pas le droit, pas après ce que j'avais fait. Pourtant, malgré toutes les fois où je l'ai repoussé, toutes les fois où je l'ai insulté, frappé, maudit, que sais-je encore ? Judas est toujours resté à mes côtés. Il m'aime, je le sais, mais je refuse de m'avouer que je l'aime aussi. On a tout d'un couple si ce n'est que je le trompe souvent et qu'il m'en veut à chaque fois. Je le fais pour qu'il me rejette, pour qu'il parte et m'abandonne enfin, mais il reste toujours. Je ne le comprends pas. Ça me dégoûte qu'il m'aime, pas parce que c'est un homme ou qu'il est Nécromant, non juste le fait qu'il m'aime MOI me dégoûte. C'est injuste. Ma mère, maintenant lui, à croire que je ne tombe que sûr des idiots. Enfin, si je voulais vraiment le quitter je sais que je le pourrais, au fond je n'y arrive pas, je ne le veux pas. J'ai même tenté de le faire fuir en lui racontant tout de moi, mais comme je l'ai dit : il est idiot...

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« Raaaah saleté de Nécromant ! »
Une blonde pulpeuse entra dans le petit salon que j'occupais. Elle était d'une grande beauté, peu de femmes pouvaient se targuer d'être aussi belle qu'elle ne l'était. Peut-être que sa qualité de vampire jouait un peu sur mon jugement... mais juste un peu alors.
« J'en peux plus de vivre sous le même toit que cet enfoiré ! » Je levai les yeux au ciel.
« Qu'est-ce qu'il s'est encore passé ? » Se laissant tomber à côté de moi sur la place inoccupé du canapé, la pulpeuse noctambule étala ses jambes sur moi et laissa tomber sa tête en arrière en soupirant. « Ah quoi bon te le dire ? Tu es toujours de son côté ! »
« Moi ?! Mais non voyons, je suis un homme juste et totalement neutre dans quelque conflit que ce soit » Dis-je sur un ton absolument pas convaincant en lui massant les pieds de manière douce et sensuelle. Elle releva la tête et me lança un regard en biais qui voulait signifier qu'elle n'avalait pas cette couleuvre. Amusé je lui tirai la langue. « Allez dis moi... je n'aime pas quand tu es de mauvaise humeur. » Soupirant de nouveau elle concéda cependant à cracher le morceau. « Il a utilisé son pouvoir sur moi... encore » Je grimaçai, il ne m'écouterait donc jamais... Je lui avais pourtant dis cent fois de ne pas s'amuser avec elle. « Je te promets que je lui en toucherais un mot » Bien que je sache très bien qu'il ne m'écouterait pas et que dès que j'aurais le dos tourné il en profiterait pour taquiner encore notre pauvre amie. « Et arrêtez de le faire dans la baignoire ! » Dit-elle en me giflant l'épaule, manquant de me la déboiter au passage... « Qui dit qu'on l'a fait dans la baignoire ? N'importe quoi ! Tes accusations sont offensantes !» « Il me l'a dit » « Ah... Oups... Hum oui c'est possible... je m'en souviens vaguement » Elle arqua un sourcil avec un air mauvais « J'aurais pas dû dire ça... tu vas t'empresser de lui répéter c'est ça ? » « T'as tout compris Sherlock ! » « Des fois j't'aime pas beaucoup toi, t'es au courant ? » Se redressant elle déposa un baiser sur mes lèvres et fila à toute vitesse trop pressé d'aller titiller son ennemi préféré.

Cela faisait deux ans que Nimue, nous avait rejoins, vampire de son état, elle avait plus de soixante ans maintenant et comme sa sœur elle avait été changée en créature de la nuit alors qu'elle avait peine 21 ans. Jamais elle ne nous parla plus en avant de sa sœur, tout ce que je savais d'elle et sa sœur c'est qu'elles étaient jumelles et qu'elles étaient aussi proches que des amantes, elles vivaient l'une pour l'autre et sa disparition avait été et est toujours encore aujourd'hui, le pire des supplices pour Nimue. C'était au cours d'une promenade nocturne que j'avais rencontré ma belle suceuse de sang, elle se nourrissait alors d'une femme d'une quarantaine d'année dans une ruelle sombre. Lorsqu'elle sentit ma présence elle manqua de se jeter sur moi pour me faire payer mon irruption dans ce qui était un moment intime, mais après avoir tenté de se jeter sur moi à plusieurs reprises elle abandonna l'idée et nous nous sommes mis à discuter. Elle était seule et se sentait vide, c'est ce qui me plut en elle, ne lui déplaise, faut dire que je suis devenu un peu trop sentimentale. Selon Judas, les chiens abandonnés ne pourraient pas mieux tomber que de tomber sur moi. Ouai, enfin, je laisse les chiens abandonnés là où ils sont parce que si je les ramène à la maison je sais que Judas voudras s'en servir pour ses sacrifices... pauvres toutous!

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De nos jours

Nous nous étions établi en Arizona depuis plus d’un an maintenant. Judas travaillait en freelance pour plusieurs entreprises privées. Nimue elle… on va dire qu’elle se cherchait encore… à son âge il aurait été temps qu’elle sache ce qu’elle voulait faire de sa vie, mais je ne voulais pas lui forcer la main en l’obligeant à travailler (même si un salaire de plus n’aurait pas été de refus). Pour ma part j’écrivais des romans à l’eau de rose pour des trentenaires en mal d’amour, ce n’était pas du Shakespeare, mais mes livres se vendaient comme des petits pains. A croire que les gens aiment la littérature bon marché. J’utilisais un pseudonyme pour avoir la paix, même si je n’étais que connu des femmes au foyer et des puceaux de plus de quarante ans, il valait mieux que je fasse profile bas vis-à-vis de ceux qui me cherchaient, si tant est qu’ils me cherchent encore après toutes ses années.

« Judas ? »
« Oui ? » dit-il le nez plongé dans un livre.
« Je te dérange peut-être ? Je repasserais plus tard » Il attrapa ma main et me tira contre lui.
« Qu’est-ce que tu voulais ? »
« Hum… bah » J’évitai son regard. « Je me disais qu’on pourrait… déménager à Saint Louis » d’un geste de la main il m’obligea à encrer mon regard dans le sien, comme s’il sentait qu’il y avait anguille sous roche. Moi qui étais certain que j’arriverais à faire passer ma requête comme une lettre à la poste, c’était fioutu.
« C'est elle qui t'as demandé ça ? » Silence. Je déglutis Comment il avait fait pour deviner ? Je me demandais parfois si il ne s'amusait pas à nous espionner en douce ou quelque chose comme ça. « Pas du tout, c'est mon idée. » Bizarrement je sentais dans son regard que je n'étais pas le moins du monde crédible, sans doute à cause du sourire crispé que j'arborais. « Peut-être. » avouai-je à moitié. Même en ne disant rien il savait me faire dire tout ce qu'il voulait. « Est-ce que tu as vraiment envie d'y aller ? » je le regardai légèrement surpris qu'il ne refuse pas d'ambler ma proposition, lui qui détestait ce genre de ville qui pullulait de créatures surnaturelles. « Oui, enfin, ça ou autre part, peut importe pour moi. » Je mentais encore. J'avais une folle envie d'aller à Saint Louis, cette ville était le centre d'une énergie incomparable. Dès que Nimue avait commencé à m'en parler, j'avais été littéralement hypnotisé ; je voulais y aller, du moins la part, qui sommeillait en moi depuis plusieurs années, en avait une folle envie. « Bien, si c'est ce que tu veux, on ira. » « C'est vrai ? » Il se mit à rire. « Ne sois pas si surpris, comme si je t'avais déjà refusé quoi que ce soit. » Je souris et déposai un baiser sur ses fines lèvres si douces. « Je vais me dépêcher de nous dégoter une maison. » « Si on pouvait avoir une chambre suffisamment éloignée de l’autre sangsue ça m’arrangerait » Je levai les yeux au ciel et sans prendre la peine de répondre je me dirigeai vers la porte de son bureau, pour en sortir, en me retenant de danser de joie. Soudain je m’arrêtai et regardai mon amant. « Qu’est-ce que tu lis ? »… « Rien. » Je plissai les yeux d’un air accusateur « Comment ça rien ? » Je me précipitai sur lui à toute vitesse et lui enlevai le livre des mains. Il avait pris soin dans changer la couverture pour que je ne me doute de rien, mais mon instinct avait démasqué la supercherie. « Aha ! » Dis-je en agitant le livre en l’air. « Je croyais que ce genre de livre ne t’intéressait pas ?! Espèce de sale menteur arrogant ! » Judas ne bougea pas d’un cil, totalement neutre. « Je voulais juste savoir ce que tu écrivais c’est tout » J’arquai un sourcil. « Avoue que tu espérais que je parle de toi » dis-je moqueur. « Pas du tout… enfin ça m’aurait pas dérangé non plus. » « J’ai pas envie de faire peur aux gens, c’est des histoires d’amour que j’écris, pas d’horreur » Il me lança un regard noir et me reprit le livre des mains. J’adorais le taquiner et il tombait toujours dans le panneau. « Va chercher ta maison j’ai du travail qui m’attend » « D’accord, mais ne fais pas de cochonneries avec mon livre » Il me lança le livre en plein visage. Heureusement j’avais vu le coup venir et je m’étais rendu aussi palpable qu’un courant d’air. « Même pas mal ! » Sans demandé mon reste je sortais du bureau de Judas avant qu’il ne cherche à m’envoyer d’autres objets à la tête.