→ Si l'on venait à me dire que ma vie n'était qu'un poisson d'avril, je répondrais simplement qu'ainsi je pourrais me mettre dans le dos tout ce qui me blesse, et continuer à regarder devant.

J'ai eu la chance de naître dans une famille bienséante autant financièrement qu'affectivement. Fille de deux parents attendrissants, cadette de deux jumeaux tumultueux, et aînée d'une petite dernière aussi blonde que le blé. Une vie rêvée pour toute jeune fille moderne. D'un côté le père, assidu et rigoureux dans ses affaire, le mentor idéal, de l'autre la mère, chaleureuse et passionnée de littérature. Tellement passionnée qu'elle m'en donna le goût dès le plus jeune âge. Bien évidemment, j'étais bonne élève, contrairement aux deux tyrans qui me servaient de frères. Jeune, lettrée, et déjà assoiffée d'histoires et de rêves.

Le fantastique, c'était mon péché mignon ! J'inventais souvent mes propres contes (comme une bonne partie des enfants de bas-âge vous me direz), me forçait même à les rêver la nuit. Enfant comme adolescente, je m'imaginais déjà dans les bras du prince charmant, m'enlevant sur son dragon couleur fauve. J'imaginais son regard, si noir, ses prunelles, si ténébreuses, et pourtant si bienveillantes.

Mon monde était bercé d'inventions et de féerie, presque irréel. Petit à petit, je devins la fille au charisme nébuleux, décalé. Cela ne me déplaisait pas, au contraire, j'aurais aimé à cette époque que mon monde s'élargisse autour des autres.

J'aurais pu vivre ainsi longtemps encore, mélancoliquement plongée dans une sphère qui m'étais propre. Mais, car il y a toujours un mais, cette sphère inviolable fut écourtée, le temps d'une illusion.

J'avais alors 19 ans, et lui plus de la 20aine, je ne savais même pas exactement, je m'en fichais. J'avais découvert ce qu'éperdument amoureux signifiait. Il était tout, tout sauf raisonnable. Beau, charismatique, mystérieux, attachant. Au début, j'étais la plus coincée des jeunes femmes, mais rapidement sa fougue eut raison de ma timidité. S'il voulait tout je lui offrait tout. Car c'était le seul qui aie jamais renversé mon cœur de rêveuse. Il s'empara et de mon innocence, et de mes émotions. Tout ce que j’espérais, c'était que j'en faisais de même pour lui.

Il fallait croire que non, car il parti sans dire un mot lors de l'hiver de mes 21 ans. L'hiver me parut très long, le temps très loin, la vie si monotone. Si à cette époque, je n'avais pas eut mon meilleur ami pour me servir de béquille, j'aurais mis beaucoup plus de temps à me remettre sur pied.

Aujourd’hui j'ai retrouvé mon courage d'antan, cela m'arrive de sortir avec quelqu'un de temps en temps. Même si ce n'est plus de l'amour, c'est au moins une consolation et un baume pour mon cœur. J'ai emménagé depuis peu à la Nouvelle Orléans. Ma soif de surréalisme m'aura poussée à suivre les ragots que j'entendais par-ci par-là. Toutes ces histoires de surnaturel, moi, ça me donne de la force et de l'ambition !