Difficile de dire quand est-ce que l’histoire de Nigel Banks commence vraiment. Il n’a pas toujours été ce qu’il est aujourd’hui et son passé explique pour beaucoup les raisons de sa nouvelle condition. Peut-être serait-il juste de dire que tout à commencé le jour où il a rencontré la famille Griffiths pour la première fois. C’était en 1859, alors que Nigel venait d’avoir quinze ans.
La famille Banks était depuis très longtemps installée à Washington, l’une des principales villes de l’époque. Riches descendants des colons anglais, les Banks participèrent à la Guerre d’Indépendance du côté des natifs américains et gagnèrent ainsi leur place parmi les hauts citoyens de la nouvelle citée. Ce fut lorsque les Griffiths vinrent s’établir à leur tour dans la future capitale que Nigel rencontra Emett Griffiths. De deux ans son aîné, il était beau, avait de la classe et surtout, ses ancêtres avaient combattus aux côtés des siens durant la révolution. Les deux jeunes hommes devinrent rapidement amis et commencèrent à fréquenter les mêmes réceptions et autres festivités. Les Griffiths avaient de l’argent, mais pas autant que les Banks. Pourtant Charles Banks, le père de Nigel, n’hésita pas une seule seconde à fiancer sa propre fille Mary-Ann, à Emett.

Commença alors une sombre période. La Guerre de Sécession fut déclarée et Emett alors âgé de dix-neuf ans dû rejoindre les rangs de l’armée de l’Union. Nigel était encore trop jeune pour être recruté, alors il tenta de consoler le chagrin de sa sœur du mieux qu’il pu. Le jeune fils Banks était furieux de ne pas pouvoir participer à un tel événement, lui qui défendait depuis sa tendre enfance les valeurs d’égalités que lui avaient inculquées ses ancêtres. Et puis le conflit entama sa deuxième année consécutive en 1862. Ayant atteint l’âge de dix-huit ans, Nigel fut appelé à son tour pour rejoindre l’armée nordiste. Heureux de pouvoir retrouver son fidèle ami, il ne fut pourtant pas envoyé sur le même front qu’Emett. En effet, alors que ce dernier fut mobilisé à la Nouvelle-Orléans, nouvellement entre les mains de l’Union, Nigel fut réquisitionné pour la bataille de sept jours qui se déroula à Richmond, capitale des Sudistes. Ce fut un échec cuisant pour les troupes de l’Union qui furent repoussées par le général Robert Lee. Nigel survécu grâce à l’aide d’un homme somme toute particulier qui se nommait Angelo Jenkins. C’était un bel homme robuste qui faisait preuve d’une force hors du commun. Il prit Nigel sous son aile et le protégea jusqu’à sa mort. Tous deux formèrent un duo singulier que les autres soldats avaient du mal à comprendre. Pourtant rien ne semblait les arrêter.
Nigel ne combattit qu’une seule fois aux côtés d’Emett. Ce fut durant la bataille de Wilderness en mai 1864. La guerre touchant à sa fin, Angelo ayant succombé à de lourdes blessures quelques temps auparavant, et le sentiment de victoire imminente, suffirent à rapprocher considérablement les deux amis d’enfances. Et puis l’Union remporta le combat et l’année 1865 marqua la fin de la guerre. Nigel et Emett regagnèrent Washington qui devint alors la capitale des Etats-Unis d’Amérique. Et la vie reprit son cours normal. Emett et Mary-Ann se marièrent et fondèrent leur foyer. De son côté, Nigel entreprit des études d’architecture afin de participer à la reconstruction et l’agrandissement de la ville. Il se maria à vingt-cinq ans avec l’une des filles d’une riche famille voisine. Bien que les intérêts financiers fussent évidents, ce fut pourtant un mariage d’amour dont naquirent plusieurs enfants.

En 1875 Emett et Mary-Ann partirent pour la Californie, afin de faire fortune dans les mines d’or et de pétrole qui venaient d’être découvertes. Nigel et sa famille demeurèrent à Washington jusqu’à leur retour. Emett avait commis une terrible erreur dont il ne voulait pas parler et Mary-Ann était angoissée en permanence. C’est alors que l’impensable se produisit : Mary-Ann tomba grièvement malade mais Emett refusait qu’on se rende à son chevet. Pourtant, Nigel refusa de se soumettre à cette consigne et se présenta devant la résidence Griffiths. C’était un soir d’hiver de l’année 1882, Nigel avait alors trente-huit ans. Attendant devant l’immense porte principale, il n’entendit pas Mary-Ann arriver par derrière et lui planter deux crocs acérés dans le cou. Se rendant alors compte de ce qu’elle venait de faire, Mary-Ann donna son sang à Nigel et le vampirisa. Après la transformation, elle le conduisit jusqu’à celui qui lui avait fait subir le même sort. Il s’appelait Caïn. C’était un vieux vampire dont les origines demeuraient inconnues. Il avait vampirisé Mary-Ann pour qu’elle tue Emett qui l’avait offensé. Voyant son infant revenir avec un autre jeune vampire, Caïn concéda par charité à les prendre sous son aile. En réalité, c’était la nouvelle nature débauchée de Nigel qui séduisit le vieux vampire. Mais il avait une servante qui le suivait depuis plusieurs années déjà.
Par jalousie, parce qu’elle souhaitait plus que tout devenir une vampire elle aussi, elle tua Mary-Ann dans son sommeil diurne. Fou de chagrin, Nigel voulut venger la mort de sa sœur mais Caïn l’en empêcha et jura de le tuer. Le descendant Banks prit alors la fuite pendant plusieurs années. Durant son exil vampirique, il retourna voir Emett qui lui révéla alors sa nature de sorcier. Il était anéanti par la mort de Mary-Ann mais ne se sentait nullement coupable d’avoir offensé Caïn. L’ordre auquel il appartenait, le Talamasca, avait exigé de lui qu’il étudie le vampire et il n’avait fait qu’obéir aux ordres. Nigel se sentit trahi par l’aveu de son ami et l’indifférence qui affichait face à sa mort et celle de sa sœur. Une haine à l’égard de la famille Griffiths commença alors à poindre dans le cœur de Nigel qui jura de tuer ses descendants dès que l’occasion lui serait donnée.

Cela fait à présent quelques années qu’il a rejoint le clan Newrewell de la Nouvelle-Orléans, afin de s’assurer la protection des vampires sûrement aussi vieux et puissants que Caïn. Quant à la présence intempestive de membres de la famille Griffiths dans la ville, il s’en accommode malgré lui, ayant découvert qu’un esprit de la nature protège ses descendants.