Comme tous les crépuscules qu'il vivait, Gabriel ne ressentait aucune fatigue. Son corps n'en avait aucun besoin apparemment mais son esprit lui rêvait de s'évader, d'échapper au quotidien qui le hante jour pour jour tout comme ces souvenirs. Il avait fini plus tôt son travail à la maison de la culture et était donc rentré chez lui. Tout être humain normal aurait profiter de ce temps pour s'abandonner aux bras de Morphée, à croire qu'on voulait le faire culpabiliser toute sa vie. Le jeune homme chercha sans regarder son paquet de cigarettes près de lui, en sortit délicatement une et la fourra dans sa bouche aussitôt. Il se releva tranquillement pour être en position assise sur son lit. Le regard dans le vide, il sortit son briquet de sa poche et entendit le grésillement du bout de sa cigarette au contact du feu. La lueur attira son regard et il se perdit dans les méandres de ces souvenirs.

La fumée s'élevait si haut ce jour-là qu'il était difficile de ne pas l'apercevoir. Tous les voisins, curieux et alertés de savoir ce qu'il se passait encombraient la route tandis qu'une sirène se rapprochait rapidement. Des murmures horrifiés percèrent l’atmosphère lourde qui pesait alors. Des cris s'élevaient de la maison. Des cris d'enfants qui s'évanouissaient en quelques secondes tandis que le feu se propageait à travers toute la maisonnée, n’épargnant personne. Le choc céda à la panique si bien que quand les pompiers arrivèrent, il fallut appeler la police. Tout le monde connaissait la famille Hawkins, pour l'avoir invité de nombreuses fois chez eux, pour avoir participé aux messes du dimanche, pour avoir pincé les joues gonflées des enfants Hawkins. Deux adultes, les parents, si gentils et attentionnés mouraient sous leurs yeux. Et leurs trois enfants avec. Une tragédie dira-t-on. Qu'elle fut leur réaction quand l'aîné de la famille de seulement douze ans débarqua et s'approcha de la maison en pleurs. La foule criait, pleurait, avait pitié de ce pauvre gamin devenu orphelin en un instant. Ce gamin n'était autre que Gabriel Hawkins. Lui-même.

« Ton oncle a été prévenu, petit. Il ne devrait pas tarder. » Ce furent les premiers mots qu'on lui dit suite à l'incendie. Un policier qui n'avait même pas un regard, pas un mot réconfortant, pas une tape affectueuse ou simplement compatissante. Rien. Figé, le petit garçon qu'il était s'était réfugié au sol, entre ses bras comme si sa mère le prenait elle même entre les siens. Il fallut une heure ou deux avant que l'oncle en question arrive. C'est la seule famille qu'il lui reste après tout mais il ne l'a jamais aimé. Il a toujours été froid voire effrayant. Sa mère ne l'a jamais aimé et c'est pourquoi il n'était jamais invité. Comment allait-il réagir en prenant la garde de ce neveu qu'il n'a pratiquement jamais vu ?

« Gabriel ! Tu m'écoutes ? » Tournant la tête vers son oncle il hocha la tête d'une façon hésitante. Dans quelques jours il allait être majeur et enfin avoir la vie qu'il voulait. Il avait passé exactement sept longues années sous le joug de son oncle qui avait essayé tant bien que mal à en faire son petit jouet qui aurait les mêmes valeurs et convictions que lui. Il avait bien perdu son temps. La seule chose qu'avait faite l'oncle Hawkins, a été de le terroriser toutes les nuits en parlant des vampires et de tout ce qu'ils faisaient aux humains. Ce n'était pas totalement par hasard qu'il est devenu insomniaque. En plus de tous les cauchemars qu'il faisait encore à propos de l'incendie il ne lui avait pas fallut longtemps avant de refuser de fermer les yeux, avant de ne plus pouvoir les fermer.

« Non, je ne reviendrais pas. Je ne veux toujours pas faire partie de ton stupide mouvement alors laisse moi tranquille maintenant. » Silence puis la voix rêche d'Edouard Hawkins reprit soudainement vie. Furieux d'avoir laisser sa curiosité sur ce que son oncle avait bien à dire après deux ans sans nouvelles de lui l'emporter, il raccrocha son téléphone et le rangea soigneusement sur la table. Le bourdonnement de son portable le rendirent teigneux et il le coupa définitivement en le balançant à travers la pièce. Ignorant les regards désapprobateurs des personnes présentes dans le Lunatic Café, il attrapa sa bière et la vida avant d'allumer une nouvelle cigarette. Jetant un regard bref sur l'horloge, l'heure lui indiqua qu'il devait prendre le travail de barman immédiatement. Il n'aura eu pratiquement que peu de temps pour fumer sa clope tranquille entre son métier du jour et son métier de nuit. Il avait choisi cette vie, alors pourquoi s'en plaindre ?