« Alice, ne t’éloigne pas de moi. » Un ordre donné d’une voix basse et pressante, comme la jeune femme resserrait sa prise sur la main de l’enfant. Même si elles étaient maintenant sur le sol américain, cela ne voulait pas dire qu’elles étaient hors de danger. A vrai dire, Alisha n’était pas sûr qu’elles le soient un jour. Mais au moins, rejoindre l’Ulfric lui permettrait de souffler un peu. Un coup d’œil aux alentours, usant de ses sens de loup garou pour tenter de calmer sa panique grandissante, elle prit une profonde inspiration pour tenter de se calmer. Rester immobile n’était jamais bon quand on tentait de fuir, mais après tout, elles étaient au milieu d’un aéroport bondé, bien loin de ses poursuivants. Elle pouvait se permettre d’attendre leur unique sac de voyage sur le tapis roulant. C’était tout ce qui leur restait de leur ancienne vie. Tout ce qu’elles avaient prit le temps d’amener avant de partir au milieu de la nuit. Si elle avait été plus courageuse, la jeune femme aurait sans doute programmé leur fuite bien plus tôt. Elle aurait tout organisé de manière minutieuse, pour ne rien laisser au hasard. Mais parfois, les évènements ne laissaient guère de choix. Lorsqu’elle avait vu l’Ulfric à la télévision, donnant une interview pour une raison qui lui était inconnue, son sang n’avait fait qu’un tour. Il était sa seule chance de mettre leur fille à l’abri, et cette simple constatation avait suffit pour la faire agir, peu importaient les risques. Elle détestait pourtant agir sans réfléchir et se précipiter, c’était le meilleur moyen pour faire une erreur, pouvant même être fatale. Mais la louve devait reconnaitre que prendre par surprise son ancien alpha avait peut être été leur seule chance de fuite. Tapotant le bout de son pied sur le sol, la jeune femme ne relâchait pas sa garde, surveillant toute personne s’approchant un peu trop près à son goût. Avaient-ils déjà remarqué sa fuite ? Probablement. Avaient-ils pris l’avion suivant pour la suivre sur le sol américain ? Il y avait de fortes chances. Mais au moint, elles avaient quelques heures d’avance, normalement, ce qui était un avantage non négligeable. Car elles pourraient disparaitre dans la nature et peut être même refaire leur vie. Avec un peu de chance. Enfant, Alisha dévorait les livres et vivait dans son propre monde, qu’elle s’était inventé à l’image des aventures qu’elle vivait au travers des pages qu’elle lisait. Un monde féérique, où le prince venait sauver sa princesse sur son destrier blanc. C’était probablement ce qu’imaginait la plupart des petites filles, puisque ses parents ne s’étaient jamais inquiétés outre mesure. Elle était leur fille unique, et c’était à elle qu’ils devaient enseigner la magie qui coulait dans ses veines. Puis elle est devenue cette jeune fille dont les parents n’avaient de cesse de lui enseigner son héritage de sorcière. Et elle était douée, comme si tout cela était une seconde nature chez elle. Ce qui était probablement le cas. A la fois rêveuse et érudite, rien ne semblait jamais pouvoir l’arrêter une fois adulte. Alisha semblait avoir gardé cet étrange mélange entre une innocence enfantine et une soif de connaissance sans faille. Construire une vie parfaite, voilà ce qu’elle avait toujours voulu. Épouser un homme respectable et fonder une famille, transmettre à ses enfants l’héritage familiale et tout ce qu’elle savait. Et elle l’avait effleuré du bout des doigts, alors qu’elle était fiancée à ce jeune inspecteur. L’espace d’un instant, elle avait été heureuse. Puis le conte de fées était devenu un monde empli de violence et de sang, l’Alpha de la meute locale mettant à mort son fiancé parce qu’il avait été trop curieux, avant que ses loups ne s’occupent de son cas à elle. Les loups n’étaient pas réputés pour jouer avec leurs proies, ce n’était pas des félins. Ils tuaient vite et sans faire dans le détail, parce qu’ils étaient des prédateurs. Mais cette nuit là, elle avait été leur jouet, jusqu’à ce qu’ils décident qu’elle ferait une louve idéale. Les femelles étaient rares dans leur race, la transformation étant des plus violentes. Mais sa volonté de vivre avait été probablement plus forte. Aujourd’hui encore, elle n’était pas parvenue à faire le deuil de cette vie qui aurait dû être la sienne. Mais comment aurait-elle pu, alors qu’elle avait été obligée d’intégrer cette même meute ? Obligée de vivre au milieu d’eux comme si rien n’était, obligée de subir les menaces de l’ulfric et de céder à ses caprices pour protéger sa fille. La jeune femme les avait rejoint lorsqu’elle avait compris que seul l’alpha pourrait l’aider à comprendre et maîtriser sa nouvelle nature. Aujourd’hui, elle comprenait que c’était sans doute ce sur quoi ils comptaient tous, son intégration dans la meute. Elle avait plaqué son métier d’hôtesse de l’air et même sa famille qui lui était si chère. C’était le prix à payer pour ne blesser personne. Si cela n’avait tenu qu’à elle, la jeune femme serait partie au moment même où elle était parvenue à maitriser sa lycanthrophie. Mais lorsque l’alpha avait menacé sa fille, elle avait courbé l’échine, devenant la parfaite louve soumise qu’elle n’était pas.

« Maman, et si on ne veut pas de nous là-bas aussi ? Qu’est ce qu’on fera ? » La voix innocente de sa fille la sortit de ses pensées, comme la jeune femme lui adressa un sourire qui se voulait rassurant. Une confiance qu’elle était pourtant loin de ressentir. « On s’en sortira, peu importe ce que l’on va trouver à Saint Louis. Je ne veux pas que tu t’en fasses, d’accord ? Je m’occupe de tout. » Si seulement tout pouvait être aussi facile que de rassurer une enfant. Cela faisait dix ans. Dix ans sans nouvelle de Connor, dix ans qu’ils avaient passé une nuit ensemble, dans cet hôtel à New Delhi. Ils s’étaient rencontrés complètement par hasard, se séduisant mutuellement. Il n’y avait même pas d’histoire entre eux, et il n’y aurait du jamais avoir de suite, si Alisha n’était pas tombée enceinte. Et contre toute attente, elle avait décidé de mener la grossesse à terme. Même si elle ne regrettait en rien son choix, alors qu’elle la tenait fermement contre elle, elle ne saurait l’expliquer. Peut être était-ce une raison complètement égoïste, elle qui était seule dans une meute qu’elle n’avait pas choisie, au milieu de ceux qui avaient détruit tous ses espoirs de mener une vie normale. Ou alors était-ce parce qu’elle était le premier signe d’espoir qu’elle avait réussi à voir depuis sa transformation. Une décision qu’elle n’avait jamais annoncée au père, qui devait même être à mille lieux de se douter de leur arrivée. La jeune femme avait misé sur l’esprit protecteur que semblait avoir tous les loups garous, ou presque. Il ne pourrait pas repousser sa propre fille, n’est ce pas ? Dans tous les cas, les jeux étaient déjà faits. Attrapant le sac lorsqu’il se présenta devant elle, Alisha ne traina pas pour tourner les talons et entrainer sa fille dans son sillage. « Viens vite, on a encore de la route à faire. »