« Je m’appelle Isleen McKeller. Je suis Écossaise comme mon nom vous l’indique et je suis née le onze Septembre 1560 à Édimbourg de parents eux-mêmes Écossais. Ma naissance ne fut pas de tout repos. Elle tua ma mère, manqua de me faire plonger moi aussi et poussa mon père à me détester. Mon enfance aurait pu être heureuse mais il n’en fut pas ainsi. Mon père possédait un immense manoir dans lequel nous vivions… à deux. Sans compter les domestiques. Chaque jour, je le passais à l’extérieur dans une cabane construite en plein milieu de la forêt… »
Septembre 1578 ; Que représentent donc les anniversaires ? N'étaient-ils pas censés être fêtés chaque année ? Pour moi, ils n'avaient jamais rien représenté pour la simple et bonne raison que mon père m'interdisait de tout en ce jour. Pour lui, cela aurait été comme fêter la mort de sa femme, la seule et l'unique qu'il fut capable d'aimer depuis sa naissance. Mon père a toujours été un être très distant, craintif sous ses grands airs, et froid envers tout le monde. Même envers sa propre fille. J'étais pourtant née dans l'amour, j'avais été une enfant désirée. Mais il fut parfaitement incapable de m'aimer pour deux. Il disait souvent me détester pour ce que j'avais fait et j'ai d'ailleurs mis beaucoup de temps à comprendre quel crime j'avais bien pu commettre. Toutefois, sa haine n'était pas tout à fait réelle. Car au plus profond de lui, il était incapable de me détester comme on déteste le meurtrier de sa bien aimée. J'étais sa fille, sa chair, le fruit de sa femme et de lui-même. Par conséquent, sous ses diverses insultes et reproches, je savais qu'il m'aimait tout de même. Ce n'était toutefois pas une situation facile à supporter. J'avais aujourd'hui dix-huit ans, et je ne fêterais pas cet anniversaire avec mon géniteur. Comme presque chaque jour, j'allai lui annoncer mon départ pour le marché. Comme toujours, il ne lèverait même pas les yeux vers moi et se contenterait d'un grognement. Mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'après m'être rendue au marché, j'allais prendre la direction de la forêt dans laquelle attendait ma petite cabane adorée. Seul endroit où je me sentais encore chez moi.
Je pris deux paniers vides non loin de la porte d'entrée, dans le hall. L'un de nos domestiques s'avança dans le but de m'assister mais je refusai poliment son aide. Je n'avais pas besoin de lui, ni de personne d'ailleurs. Tous les trois jours, je me rendais au marché et à chaque fois, il me proposait son aide. Cela devait lui sembler parfaitement normal, étant donné qu'il avait aussi été engagé pour cela. Mais il me fallait absolument une raison de sortir avant de me rendre dans la forêt et celle-ci était parfaite. « Cessez de constamment me proposer votre aide. » Je jouais à la petite peste histoire de ne pas passer pour une compatissante. J'imitais mon père en quelque sorte et ce, afin qu'il ne me traite pas de la pire façon. Il ne manquait plus qu'il trouve une raison de porter la main sur moi ou de me toucher. Il était hors de question pour moi de prendre le moindre risque. « Bien mademoiselle. Je serais au premier étage en cas de besoin. » Je me stoppai alors devant la porte. Le faisait-il exprès pour le simple plaisir de me voir m'énerver ? La mâchoire crispée, je tournai la tête lentement mais déjà, il avait parcouru la moitié des escaliers. Je soupirai avant de franchir la porte et de la laisser se refermer lourdement.
Après plus d'une heure de marché, je pris le chemin de la forêt, chargée comme un âne. Je ne cessai de m'arrêter, ayant trop mal aux bras. Finalement, après plus d'une quinzaine de minutes à souffrir comme pas possible, je lâchai enfin les deux paniers devant une cabane de bois. Je regardai cette dernière en soufflant durant quelques instants. Elle était tellement agréable cette cachette afin de m'exiler loin de mon père et de sa prétendue haine. Passant ma main sur mon front, je soupirai un bon coup puis voulu reprendre mes paniers. Ces derniers avait disparus. Intriguée et paniquée à la fois, je tournai la tête dans tous les sens avant de regarder derrière. Là se tenait un jeune homme qui me fixait. Son visage était quelque peu dans la pénombre mais je parvenais à saisir le moindre de ses traits. Brun, cheveux mi-long, les yeux d'un noir profond et la peau mate. Il me sourit et je remarquai qu'il tenait les deux paniers à bout de bras. « Bon anniversaire. » A mon tour, j'affichai un sourire avant de me jeter à son cou. Cela faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu. Jack, mon meilleur ami, mon petit ami, mon amant, tout ce que vous voulez. Il était tout pour moi. Ne relâchant pas mon étreinte, je l'embrassai fougueusement si bien qu'il en tomba à la renverse, entrainé par le poids des deux paniers.
Allongée dans l'herbe fraîche à l'arrière de la cabane, j'avais le visage posé sur le torse de Jack. Ce dernier fixait le ciel sans rien dire. Je savais qu'il allait m'annoncer quelque chose. Cela pouvait sembler paradoxal, mais dès qu'il avait quelque chose à me dire, il se taisait durant de longues minutes avant de se lancer. Je le sentais gêné et m'attendais donc au pire. Il fit glisser le bout de ses doigts sur mon visage, allant jusqu'à mon cou avant de se stopper. « Je quitte la ville. » Mes yeux se fermèrent. Je le savais. Je savais qu'il fallait que je m'attende au pire. S'il partait, il ne me restait plus rien. Je n'avais plus aucune raison de vivre sans lui. Devant mon absence de réponse, Jack se redressa, me forçant à faire de même. Il voulut croiser mon regard mais je persistai à vouloir fixer l'herbe qui pliait sous la brise. Je sentais déjà les larmes qui montaient. Qu'allais-je devenir ? De nouveau, les doigts de mon amant vinrent caresser mon visage avant qu'il ne me soulève doucement le menton. Impuissante, je le laissais faire sans protester puis croisai ses yeux. Contrairement à ce que j'avais pu croire, ses iris n'affichaient ni tristesse ni regret. Inquiète, je voulu lui demander où il comptait se rendre et pourquoi, mais je fus devancée. « Accompagnes-moi. » Il sécha la petite perle au coin de mon œil avec un sourire. « Jusqu'au bout du monde. » Le lendemain, je pliai bagage.
Dernière édition par Isleen McKeller le Dim 1 Aoû - 1:55, édité 2 fois
« Le temps a passé et j’ai su me débrouiller sans l’aide de mon père. Comme prévu, je me suis enfuie avec Jack. Nous avons donc quitté Édimbourg pour nous rendre près de Glasgow. Il me promit que là-bas, nous serions enfin tranquille et que mon père ne saurait jamais nous retrouver. J’ai vécu de belles années en sa compagnie et puis, il me demanda en mariage. Sans hésiter, je lui annonçai que la réponse était positive. Afin de fêter nos fiançailles, il m’emmena dans un endroit qu’il appelait Le Cabaret. Il me disait être fasciné par cet endroit, et j’espérais qu’il en soit de même pour moi. »
Juillet 1585 ; La chaleur étant au rendez-vous, je n'eus aucun mal à me débarrasser de mon pardessus. Plusieurs sifflements me parvinrent et un sourire se posa sur mon visage. Dans cet endroit, il y avait deux immenses pièces principales. Avec Jack, nous les avions louées pour la soirée afin d'y fêter nos fiançailles. Le plus drôle dans tout cela, c'est qu'il se trouve dans l'autre pièce. En ce milieu de soirée, nous allions passer du temps avec nos amis respectifs. Beaucoup d'inconnus avaient réussit à entrer et ce n'était pas pour me déplaire, j'aimais ce genre de soirée. Tout le monde avait prit soin de se vêtir en conséquence. Pour ma part, je portais une somptueuse robe bouffante rouge et noire. Elle m'avait été offerte par Jack pour l'occasion. Si je m'étais débarrassée de mon pardessus, ce fut, comme je l'ai dit, à cause de la chaleur étouffante des lieux. Le deuxièmement vous surprendra peut-être. Grimpée sur une estrade, j'étais en train d'offrir un joyeux spectacle aux peu d'hommes présents dans la pièce. Je voulais voir chacun de leur regards envieux posés sur moi. J'avais envie de me sentir désirée avant de retomber dans les bras de l'homme de ma vie. C'était en quelque sorte, un passage qui allait marquer la fin de ma vie d'avant et j'avais envie de m'y amuser. Et, je n'étais pas seule sur l'estrade, mais nous étions trois. Les deux autres femmes étaient blondes et l'une d'elles, voluptueuse, parvenait souvent à me voler la vedette.
Après cette soirée, nous avions prévu de nous rendre à Londres avec Jack et de nous y marier. J'étais tellement impatiente. « Isleen, un jeune homme te fixe depuis un petit moment. » Voilà ce que venais de me chuchoter l'une des blondes en gloussant, un petit sourire malicieux étirant ses lèvres. Je me contentai de soupirer doucement, souriant moi aussi, puis je repris là où je m'étais arrêtée. Doucement et d'un geste sensuel, je dénouai le ruban retenant mon corset. Les deux autres demoiselles étaient déjà prêtes à se retrouver en jarretelles. Curieuse, je fixai le "public" afin de chercher celui qui me regardait soi disant depuis tout à l'heure. Je continuai cependant de bouger, les hanches, la tête, les bras, tout cela au ralenti et avec le sourire. Enfin, je croisai son regard. Son incroyable beauté me surpris sur le coup. Je m'étais presque figée et sans le coup de coude de ma voisine, j'aurai sans doute arrêté pour de vrai. Doucement, je détachai mes cheveux puis esquissai un mouvement de la tête. Une fois les yeux de nouveau levés, l'inconnu avait disparu. Intriguée, je repris ma danse en me demandant qui il pouvait être. Alors que je m'apprêtais à lancer ma seconde chaussure à tous ces morts de faim, je fus prise d'un violent mal de tête ainsi que de vertiges. La dernière chose que je pu voir fut la chaise sur laquelle j'étais en train de tomber. Pourtant, il n'y eut apparemment aucun choc. Puis, j'eus terriblement froid et enfin, je m'endormis.
J'étais étonnement fatiguée et mes yeux eurent terriblement de mal à s'ouvrir. Il me fallait me relever. Pourtant, ce sol était bien confortable. Ce sol ? Je me retournai sur le dos avant de poser ma main droite sur ce que je croyais être le sol. De la soie ? Mes yeux s'ouvrir alors immédiatement. La première chose qui je pu voir fut le haut d'un lit à baldaquin. Ma respiration soulevait ma poitrine de façon très rapide, je commençais à paniquer. Où étais-je ? Doucement mais surement, je parvins à me redresser. L'endroit où je me trouvais ressemblait fort à une chambre. D'hôtel pourquoi pas. Les murs étaient fait de magnifiques boiseries sombres et le reste de la pièce semblait tapissé de velours carmin. Je penchais la tête de façon à voir dans la pièce voisine mais mes muscles refusèrent d'aller plus loin. « Jack ? » Tentai-je. A l'extérieur, la nuit était largement tombée. Nous devrions déjà être sur la route de Londres. Pourquoi diable m'avait-il donc emmenée dans un hôtel ? Et puis, comment la soirée s'était-elle terminée ? Je ne me souviens pas avoir rejoins Jack dans l'autre pièce pour finir en beauté. Je passai une main sur mon visage. Je tremblais, c'était ignoble. « Bon, ça ne me fait plus rire maintenant, Jack, à quoi tu... » Mes mots se perdirent au bord de mes lèvres. A la porte venait d'apparaitre le magnifique inconnu qui m'avait fixé à la soirée. « Mais... Pourquoi vous... Qui... Qui êtes... C'est vous qui... » Impossible d'articuler une phrase correcte. « Chut. » Souffla-t-il en posant son indexe sur ses lèvres.
J'étais terriblement attirée par lui. C'en était indécent. Où était donc passé Jack ? Lorsque l'inconnu fit un pas vers moi, je reculai instinctivement et vint heurter le mur derrière moi sur lequel le lit était appuyé. Ma respiration n'avait toujours pas reprit son rythme normal et allait sans doute continuer ainsi un bon bout de temps. Soudain, je remarquai ce verre qu'il tenait dans sa main gauche. Il venait de me kidnapper et buvait du vin pour fêter ça ? Quel cinglé. Je serrais tellement les poings que je m'enfonçais les ongles dans mes paumes. Je grinçai ensuite des dents. Doucement, l'homme s'installa sur le lit après avoir posé le verre sur une petit table en bois. « Que voulez-vous... ? » Soufflai-je en me plaçant à genoux sur la soie noire. Sans ciller, je fixais l'inconnu droit dans les yeux. Yeux étranges d'ailleurs. « Tu as de la chance. Beaucoup d'humains vendraient père et mère pour connaitre ce que tu t'apprêtes à vivre. » Murmura-t-il à son tour. Exaspérée, je tentai de fuir en me jetant hors du lit. Pourtant, en une fraction de seconde, l'inconnu m'avait déjà attrapée par le bras et plaquée contre le lit. Son visage était à seulement quelques centimètres du mien. Son halène était glacée, tout comme ses mains bloquant mes poignées au dessus de ma tête. J'étais à la limite de la crise. Je ne savais pas si je devais hurler ou me jeter sur ce type. Mais pourquoi aurais-je envie de lui ? Ses yeux, ses lèvres, sa peau... Tout me donnait envie chez lui. Il était pourtant très différent de Jack. « Laissez moi ! » Tentai-je en me débattant mais il était bien plus fort que moi.
De façon très inattendue, il plaqua violemment ses lèvres contre les miennes. Incapable de me défendre, je laissai mes yeux se fermer. J'avais terriblement envie de pleurer. Mais aussi, de prolonger cette étrange étreinte. Contre toute attente, mes poignées furent libérés alors que notre baiser devenait de plus en plus profond. Il se savait sûr de lui pour lâcher mes bras. Je fus là aussi surprise par mes actions. L'une de mes mains vint vagabonder sur le dos de l'inconnu tandis que la seconde appuya simplement sur sa nuque. Satisfait, il se redressa avant de sourire. Je secouai la tête. Qu'étais-je en train de faire. J'étais littéralement pétrifiée tandis qu'il prenait soin d'enlever le peu de vêtements qui me restait. Je l'accompagnais ensuite dans ses actions en le libérant des siens. Finalement enfouis sous les draps de soie, je me laissai aller à la tentation. Moi qui avait froid, je pu sentir mon corps se réchauffer tandis que notre étreinte était désormais complète et en pleine danse. Nos mains se scellèrent. Après plusieurs minutes, je ne savais plus qui j'étais. Des impulsions contradictoires m'animaient. J'étais déjà largement tombée du côté obscur. La peau du jeune inconnu semblait toujours aussi glacée tandis que j'avais l'impression d'être en feu. Je sentais qu'il tentait de freiner le moment final mais je ne pouvais attendre, c'était insupportable. Je plantai mes ongles dans ses mains qui appuyaient de nouveau fermement sur les miennes lorsque je commençai à perdre pied. Après avoir croisé rapidement mes yeux, l'inconnu s'appuya tout d'un coup fortement sur moi, plongeant son visage au creux de mon cou. Moi qui pensait qu'il tentait de retarder le moment de la déflagration, je perdis mon souffle lorsque je la pris en plein visage. Je ne savais pas ce qu'il venait de faire, mais il était hors de question qu'il s'arrête. Parvenant à libérer l'une de mes mains, je vins appuyer sur sa nuque afin qu'il continue. Je retins un cri, me contentant de gémir avant que tout se fige et que ma vue ne me fasse défaut.
J'avais beaucoup de mal à respirer. Ma vue, trouble, commençait à revenir lentement. Une douleur lancinante provenait de mon cou, du côté gauche. Je levai alors la main pour tâter l'endroit et me retrouvai avec un verre. Intriguée, je plissai les yeux pour tenter de voir ce qu'il se passait. L'inconnu était toujours là, c'était lui qui m'avait mis le verre dans la main. « Tu te sentiras mieux après avoir bu le contenu de ce verre. » Sa voix était décidément parfaite. Mais j'étais trop faible, je lâchai alors le verre pour me laisser retomber sur le lit. Possédant apparemment d'excellents réflexes, il le rattrapa avant qu'il n'atteigne le sol et le porta à mes lèvres. Il commença à me faire boire puis, ma main retrouva sa force et je pu boire moi-même. Je n'ai plus de souvenir par la suite. Je suis persuadée avoir terminé de boire, après quoi, je fus prise de spasmes. Puis, plus rien. Plusieurs semaines passèrent et après avoir découvert ce que j'étais devenue, j'ai réussi à récupérer mes affaires durant une absence du vampire qui ne m'avait toujours pas fait part de son identité, avant de m'enfuir de cet endroit qui s'était avéré être un Manoir. Nouvellement vampire, j'étais terrifiée et j'aurais été capable d'aller n'importe où.
Dernière édition par Isleen McKeller le Dim 1 Aoû - 2:06, édité 1 fois
« Le premier siècle qui suivit ma transformation fut des plus difficiles. J’étais devenue sanguinaire et sans limite, n’ayant eut aucun maître à qui demander conseil. Toutefois, j’ai directement fuit le pays pour prendre la direction de la France. J’ai tout d’abord erré sans but puis, au début du XVIIIe siècle, je pris enfin confiance en moi et parvins à modérer ma soif de sang. A Paris, je trouvais un Cabaret. Il me rappela terriblement Jack, qui était aujourd’hui mort et enterré. Pour lui, je parvins à y entrer et commençai à y travailler comme danseuse. Je compris vite que j’étais source de jalousie pour les femmes ainsi que source de désir pour les hommes. Après plus d'une dizaine d'années à travailler au Cabaret, il me fallut trouver une autre solution, car bien vite, mon non-vieillissement serait remarqué… »
Octobre 1715 ; Les premières notes de musique retentirent. Au fond de la pièce peu éclairée, on pu apercevoir une silhouette derrière une sorte de drapeau. Ce dernier, immaculé et éclairé de l’autre côté, reflétait les ombres de la danseuse qui s’y trouvait. Cette dernière esquissait des mouvements lents et sensuels, proportionnels à la musique. La plupart des hommes présents ne manquèrent pas de relever la tête afin d’admirer le spectacle. Ce dernier, ils le connaissaient depuis un petit moment maintenant mais pourtant, ils étaient incapables de s’en lasser. Certains venaient spécialement pour voir cette partie. C’était en effet un show des plus intéressants. Après avoir violemment décroché le drapeau, la danseuse semi-nue s’y emmitoufla et avança vers son fidèle public. Pas une ride n’avait abimé son visage de marbre. Elle semblait avoir atteint l’age parfait et avoir décidé d’y rester. De ne plus vieillir. La plupart des gens qui pensaient cela l’imaginaient en riant, bien peu sérieusement. Et pourtant, c’était la vérité. Cela faisait désormais huit ans que je m’étais installée à Paris et qu’un Cabaret m’avait ouvert ses portes. Mon tout nouveau statut de vampire me permit de beaucoup voyager avant de venir, même si ces années furent pénibles.
La musique accéléra légèrement et, portée par cette dernière, j’entamai une nouvelle phase de ma petite danse. Me débarrassant du drapeau, je me mis à reproduire ces mêmes mouvements que j’avais exécutés en étant partiellement cachée. Les centaines d’yeux fixés sur moi me rassuraient encore sur ma puissance de séduction. Un sourire mesquin apparut au coin de mes lèvres. Les hommes étaient si facilement manipulables. « L’unique et l’inoubliable Lady Von Keller ». Voilà par quoi se terminaient chacun de mes shows. L’annonce de mon pseudo choisit pour l’occasion avec bien peu d’originalité – toutefois, cela n’empêchait pas ma popularité de grimper. Un dernier demi tour après une danse fatigante de plus de vingt minutes, un basculement de hanche, avant de disparaitre derrière le rideau rouge qui séparait cette pièce de celle dans laquelle les autres danseuses et moi devions nous préparer.
Cette danse était ma dernière. Il me fallait déserter le coin. Je n’avais prévu une telle montée de popularité. J’aurais du rester discrète à la base, mais mon physique en avait apparemment décidé autrement. « Tu n’en as pas marre de t’exhiber ? Prends ta retraite. » Cette voix me fit serrer les poings. Pourtant, même si les talons que je portais m'enflammaient les chevilles, je pris le temps de me retourner vers une jeune femme rousse. Elle m’avait toujours considérée comme une rivale depuis son arrivée il y a deux ans de cela. De mon côté, je l’ignorais et elle n'appréciait pas spécialement. « M’exhiber ? Ce n’est pas moi qui finit à quatre pattes devant ses messieurs à l’arrière du bâtiment. » Je venais de lui cracher mon venins, depuis le temps que j’en rêvais. De toute façon, je ne la reverrais jamais. Me débarrassant enfin de mes chaussures, je pris la direction de la chambre dans laquelle je logeais. La rousse resta bête quelques instants mais devint encore plus bête en m’y rejoignant. Sans doute voulait-elle en rajouter une couche ? En une fraction de seconde, elle s’était retrouvée la gorge tordue transpercée par deux crocs acérés. Cinq minutes plus tard, elle gisait exsangue sur le sol de pierres. C’est que j’avais la dalle ces temps-ci.
Je pliai bagage dans l’heure qui suivit et aucun d’eux ne me revit plus jamais. Je n’avais aucune idée de destination. Je n’étais qu’une âme perdue cherchant à combler son éternelle existence. J’avais besoin de vivre des choses et la routine, ce n’était décidément pas pour moi. Il me fallait de l’aventure et de la nouveauté. Ainsi, je pris la décision de ne rester plus de deux années consécutives au même endroit. Après avoir visité l'Écosse, j’étais allée en Angleterre et aujourd’hui, en France. Mon plus grand rêve ? M’échapper vers le nouveau monde : l’Amérique. Ce continent me faisait toujours autant fantasmer. Si je n’étais restée qu’une simple humaine, un voyage dans cette direction aurait été tout bonnement impossible. Mais voyager seule ne m’intéressait que peu. Heureusement, j’étais tombée sur un humain bien naïf. Ce dernier, prétendant être amoureux de moi, prenait n’importe quel prétexte afin de me donner de l’argent. Certes, j’en trouvais facilement. Mais avec lui, j’avais une sorte de couverture sociale. Il ne me fallut que peu de temps avant qu’il n'accepte de m’emmener en Amérique. Ayant décidé de ne cependant m’attacher à plus personne, je notai dans un coin de ma tête qu’il me faudrait le tuer une fois arrivés à bon port. Ce fut fait. Et d’ailleurs, ce fut un vrai festin.
Je parvenais à m’effrayer moi-même parfois. Je me trouvais tellement cruelle, vile, méchante, sadique, manipulatrice ou autre, qu’à la base, j’étais censée me détester. Car c’était des caractéristiques qui m'insupportaient au plus haut point autrefois. Mais il m’était impossible de changer de nouveau. Ma condition de vampire devait modifier en moi beaucoup plus d’éléments que je pouvais l’imaginer et je n’étais tout simplement pas assez forte pour la combattre. Cela me plaisait mais me faisait peur aussi. Après près de trois siècles à vivre ainsi, je commençais toutefois à en prendre l’habitude et surtout, à apprécier ce genre de vie. Aujourd’hui, je ne l’échangerais avec ma vie d’avant pour rien au monde. Même pour le retour de mon ex-fiancé. Jack. Ce dernier, je n’y pense d’ailleurs presque plus. Il finira bien par sortir de mon esprit. En Amérique, il y avait de quoi me distraire, je le savais. En revanche, une certaine tension se faisait ressentir et j’avais de plus en plus de mal à sortir sans me faire poursuivre. Apparemment, les vampires étaient connus ici. Et, désireuse d'une "vraie" nouvelle vie, je me jetai avec joie dans ce piège tentateur.
Dernière édition par Isleen McKeller le Dim 1 Aoû - 2:12, édité 1 fois
« Ce fut sans aucun doute la période la plus passionnante de toute ma vie. Certes, cette dernière est longue et n’est pas prête de prendre fin néanmoins, la guerre de Sécession qui faisait rage aux États-Unis n’était pas capable de m’empêcher de m’amuser. Elle était même alors à l’origine de mon amusement. Après avoir fuit la côte Est peu avant le début de la guerre, je pris la direction de l’Ouest sans destination précise. Une fois la guerre déclarée, j’eus beaucoup plus de mal à me déplacer, si bien que je pris la décision de m’arrêter quelques temps dans une petite ville du Nebraska… »
Décembre 1863 ; J’avais voyagé plusieurs mois avant d’arriver ici. C’était un coin plutôt tranquille et la ville était petite tout en regorgeant d’humains appétissants. Après quelques jours passés à découvrir les environs, j’ai finalement trouvé une crypte dans le cimetière. Certes, cette dernière était ‘habitée’ mais la personne qui s’y trouvait attendait patiemment l’arrivée du reste de sa famille. Je pu aisément m’installer dans un coin pour quelques jours. Je ne comptais pas rester éternellement. Je n’étais que de passage. Après avoir égorgé quelques habitants, je serais sans doute bien vite chassée du coin. Pour le moment, il n’y avait que deux morts. Ou plutôt, deux mortes. Elles passèrent presque inaperçues. Ce fut quelques jours après mon installation que je pris conscience que j’avais hérité d’un don. Je ne l’avais jamais remarqué avant. Par la simple force de mon esprit, j’étais capable de déplacer objets et êtres vivants. De la télékinésie en somme. C’était une capacité plutôt utile même si je peinais à l’utiliser.
Une nuit, je voulu tenter de perfectionner ma maîtrise de ce pouvoir. A l’abri des regards indiscrets, j’ai pénétré dans la forêt afin d’y trouver un coin tranquille. Là, je me suis entraînée sur diverses choses ainsi que sur des animaux. Je parvins à les faire léviter ou même à les repousser. Au début, il me fallut l’aide de ma main puis avec l’entraînement, un simple plissement d’œil caractéristique d’une extrême concentration fut suffisante. Toutefois, je ne pu connaître les limites de mon pouvoir en ce jour, car je fus déranger. Tout un groupe d’hommes à cheval semblait arriver dans le coin. Ils étaient à l’entrée de la forêt, je pouvais les entendre de l’endroit où je me trouvais. Ce fut mon nez qui se plissa cette fois. Depuis combien de temps n’avais-je donc pas fait de petit festin ? Installée sur une pierre, je me suis retrouvée debout et cachée derrière un arbre près des hommes en une fraction de seconde. Un canasson passa près de moi en reniflant mais je n’ai pas bougé.
Un bref regard m’informa sur le nombre d’hommes présents. Une bonne dizaine. Je ne pourrais tous les tuer, ils étaient tout de même armés et je n’avais pas spécialement envie de me faire trouer de plomb. Ils avaient l’air de militaires, sans l’être à la fois. Intriguée, je compris qu’ils cherchaient quelqu’un lorsque l’un d’eux s’exclama ; « Les chevaux le sentent. Il y en a un dans le coin. » Un quoi ? Un vampire ? Les chevaux étaient en effet particulièrement sensibles à notre odeur. C’était sans doute moi qu’ils avaient remarqué. Je serrai les dents, m’empêchant de leur sauter dessus. Ils me doublèrent finalement et j’observai leur progression tout en riant de leur incompétence et de leur courage ridicule. S’ils savaient qu’un vampire se terrait dans cette forêt, ils étaient bien idiots de s’y aventurer avec si peu d’armes et d’hommes. Ils avaient peut-être l’impression d’être puissants mais ils étaient de simples fourmis pour moi. Et j’avais bien trop faim pour leur laisser la vie sauve. De plus, s’ils en voulaient à la ‘vie’ d’un de mon espèce, je ne pouvais les laisser continuer leur quête.
« Il est là ! » hurla l’un des miliciens en se retournant. Un autre voulu lui demander ‘où ça’ mais je lui plantai mes crocs dans la gorge à la vitesse de l’éclair. Je ne le vidai cependant pas, le laissant giser sur le sol, la gorge déchirée et le sang arrosant les plantes environnantes. Celui qui avait hurlé se retrouva mort sans même le comprendre. Sa colonne vertébrale venait de se briser sous la pression de mes mains. Une arme se pointa ensuite sur moi mais, voulant tester mon pouvoir en situation réelle, je ne manquais pas de lui balancer une claque à distance. Il vola à une dizaine de mètres. Les autres me fixèrent, terrifiés, avant de prendre la fuite en courant, ou à cheval pour ceux qui n’étaient pas descendu.
Un rire s’échappa ensuite de ma gorge dans laquelle glissait une substance semi-liquide et délicieuse. Je m’en léchais les lèvres tout en regardant les miliciens s’enfuir. Ceux-là ne reviendront plus dans le coin. J’étais en train d’éponger mon visage lorsqu’un ‘crack’ retentit dans la nuit, suivit d’un bruit sourd et d’une liste de jurons. Plissant de nouveau les yeux, je scrutai les alentours pour découvrir un homme sur le sol. Un milicien encore vivant ? En une demi-seconde, j’étais à son côté. Il grommela des mots difficilement compréhensibles puis je remarquai qu’il s’agissait d’un vampire. Un sourire étira mes lèvres. Depuis le temps que je n’en avais pas croisé ! Je l’aidais rapidement à se remettre sur pieds avant de le contempler. On faisait difficilement plus beau. C’était d’ailleurs le plus bel être doté de canines acérés que je croisais. Évidemment, nous dégagions tous une aura nous rendant bien plus beaux que dans la réalité mais là, c’était autre chose. Ses prunelles glacées me fixèrent un instant tandis que mes iris azurs examinaient le moindre détail de son visage. Il s’appelait Asher. Et celui-là, je comptais le garder un bon petit moment.
Dernière édition par Isleen McKeller le Mar 3 Aoû - 19:07, édité 2 fois
« Avec Asher, nous avons vécu beaucoup de choses. Je l’ai aidé à se cacher des miliciens puis, nous avons parcouru le pays à la recherche de gorges fraîches. Nous avons passé pas mal de bon temps mais bien vite, l’armée nous est tombée dessus. Nous avons dû bosser pour elle, débarrassant le pays d’un maximum de sudistes. A la fin de la guerre, nous pensions être libres mais ils nous pourchassèrent, si bien que nous avons du nous séparer. J’ai commencé à refaire ma vie du côté de Philadelphie, jusqu’à la Révélation… »
Janvier 2002 ; J’étais désormais installée à Philadelphie depuis un an. Et pour tout vous dire, au début, ce n’était pas trop la joie. J’avais quitté Asher sans même pouvoir lui dire au revoir de la façon dont je l’aurais souhaité et j’avais du fuir le territoire dans lequel nous nous trouvions. Nous ne l’avions pas fait avec joie mais il en était ainsi. Peut-être le reverrai-je un jour ? J’avais l’éternité devant moi et je ne doutais pas de nos futures retrouvailles. J’avais de nouveau joué les aventurières solitaires en allant de villes en villes et puis, j’ai finalement décidé de m’arrêter ici quelques temps. En effet, un an, c’est assez inhabituel pour moi mais sans réellement m’y plaire, j’étais bien dans cette ville. Elle regorgeait d’humains délicieux et j’avais déjà eu l’occasion d’y croiser plusieurs vampires. La plupart menaient des vies étranges. Ils vivaient comme des humains en somme, avec des boulots de nuit. Moi, ça ne me plaisait pas du tout. J’aurais pu accepter, ayant bossé dans un cabaret de nombreuses années, mais après avoir passé autant de temps à jouer à Bonnie & Clyde façon vampire avec Asher, impossible de me décider à de nouveau faire semblant d’être humaine.
Pourtant, si je voulais un tant soit peu m’intégrer, j’aurais à me forcer. « Parfait ! J’adore cette couleur ! Le rouge te va vraiment très bien. » J’esquissai un maigre sourire au maquilleur devant moi. Non non, je ne m’étais pas recyclée en tant qu’actrice, mais modèle. Un jour, ce type était venu dans le bar que squattais souvent et m’avais abordée avec cette réplique. « Enfin je vous trouve ! C’est vous qu’il me faut ! Vous dégagez tellement de mystère. » Sur le coup, je cru qu’il voulait parler à quelqu’un qu’il connaissait et donc, qu’il me confondait avec cette personne. Mais non, en fait, il était photographe et cherchait justement quelqu’un pour un photoshoot. J’acceptai avec l’intention de m’en servir comme repas mais je me surpris à aimer ce job. De plus, il me proposa un contrat. Je l’ai accepté sans pour autant vouloir aller jusqu’au bout. En ce jour glacial de Janvier, John – c’était son prénom – eut une idée pour le moins… farfelue. D’où mon peu de vivacité. « Tu sais quoi ? J’ai envie de tester une nouvelle ambiance. Tu penses quoi d’un truc assez sombre, style vampirique. Belle robe, maquillage sombre, etc ? » J’avais acquiescé, quelque peu mal à l’aise devant sa proposition. « Hm. Ça me semble… intéressant. »
Vêtue d’une magnifique robe bleue, je commençai à prendre la pause sur un lit datant du XVIIe siècle. Si j’avais su, j’aurais gardé tous mes meubles pour les revendre. « Penches un peu la tête ? Magnifique ! » Flash. Mes yeux se plissèrent légèrement. Je trouvais ce moment étrange. Un vampire qui se fait passer pour une humaine qui se prend pour un vampire. C’était à s’y perdre. Toutefois, je parvenais à être moi-même, chose que John semblait vouloir sans réellement le savoir. « Poses ta tête dans tes mains et regarde là-bas. » Je m’exécutai. « Comme ça ? ». « Oui, c'est exactement. » Flash. Ce que je regardais là-bas, c’était la télévision qui était sans cesse allumée sur la chaise musique durant les séances photos. « Tournes toi un peu. Fais ce petit sourire là, tu sais, celui qui pousserait même Jésus à vendre son âme au diable. » Sa réplique m’amusa et je souri de toutes mes dents. Lorsque le mot ‘vampire’ parvint à mes oreilles, je cru d’abord qu’il s’agissait de collèges de John qui discutaient de notre shoot avant de remarquer qu’il s’agissait de la télévision.
Flash spécial. Les vampires venaient de se montrer au grand… euh jour. « Oh putain ! » m’exclamai-je soudain en me relevant. Pourquoi n’étais-je donc pas au courant ? Il faut dire que je n’avais que peu de lien avec les autres vampires mais un évènement pareil aurait dû arriver jusqu’à moi tout de même ! « C’est une blague ? » Lança John. « Ahah, ça tombe bien, c’est le thème de notre shooting ! » Il riait. Comment ne pouvait-il pas y croire. Ce type à la télé montrait les crocs. Je toisai alors John avant de me lever. « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un canular. » Il se retourna doucement vers moi et dû relever la tête pour voir mon visage, était donné qu’il était accroupi devant le lit. « Ne me dis pas que tu crois un truc pareil ! Je te pensais moins idiote ! » Ajouta-t-il. Ce fut comme un réflexe que je ne pu empêcher. Mes crocs apparurent devant mon énervement et un feulement m’échappa. « Je te retourne la réplique, Johnny. » La tête penchée, je m’avançai alors doucement vers lui, le regard fixé sur sa jugulaire qui palpitait à cause de sa peur montante. « Bordel de merde ! » Il s’était levé et avait commencé à courir. Et moi, je me mis à rire. Certains films sur les vampires disaient vraiment de la merde sur nous, mais le don de célérité, on le possédait tous. John fut réduit à l’état de peau morte vidée de son sang en quelques secondes.
Philadelphie, je te dis au revoir ! Même si nous étions désormais connus des humains, je préférais de ne pas rester ici. Cela faisait trop longtemps que j’y étais et je n’avais même plus d’employeur. Mais sans regret, il avait été délicieux. D’après ce que j’avais entendu, les humains auraient accepté de créer des lois pour nous, et de nous reconnaître en tant que citoyens à part entière. Cela nous enlèverait un lourd poids mais un amusement en plus. C’était amusant de tomber sur un humain ne connaissant pas l’existence des vampires. C’était excitant de parcourir le monde en se sentant comme une sorte de criminel. J’allais perdre tout cela… Ou pas. Dans une petite ville du Missouri, je retrouvai Asher, après plus d’un siècle sans le voir. Nos retrouvailles furent sanglantes. Il prit la direction de Saint-Louis après avoir tué son dirigeant et devint Maître de la Ville. Ne souhaitant plus nous séparer, il me nomma Bras Droit. En fait, je n’ai que peu de chose à faire, mais cela me convient, du moment que je n’ai plus à ‘vivre’ sans celui qui a rendu ma vie de vampire plus… amusante.