“Ne bouge pas” une femme lui murmura à travers un rideau et Nao, bon joueur, ne bougea pas un muscle.

Ses yeux noirs suivaient la forme à travers le rideau. Ses mains dans ses poches, dans une habitude qu’il n’avait pas perdu, il était pourtant tendu. Naoko Nishimura n’était pas un grand homme. À peine cinq pieds six pouces, il ne toisait pas beaucoup de personnes. Cette femme cependant, était plus petite que lui.
Un plus!
Il sourit, l’expression douce sur un visage dur. Il ne souriait pas souvent, ce Nao et quand il le faisait, la chaleur ne montait pas dans ses yeux. Naoko n’était pas bâti pour se battre au corps à corps, et la femme l’avait compris lorsque les bras de Nao s’étaient refermés sur elle, doucement. Pourtant, dans les muscles effilés du loup-garou, il y avait une tension, une assurance qui racontait que Nao pouvait très bien tuer. Il avait été créé pour la vitesse cependant. Son corps était effilé dans ses jeans troués aux genoux, et dans ses chandails trop larges pour sa forme. Ses cheveux étaient noirs et aujourd’hui, encore plus que d’habitude, ils lui tombaient devant les yeux.
Il ne bougea pas pour les replacer cependant. Sur ce point, il tenait sa promesse.

“Enlèves ton chandail” Nao pencha la tête, révélant son cou. Il hocha la tête, sourit une nouvelle fois et ses doigts agrippèrent son chandail pour le passer au-dessus de sa tête, révélant un corps ferme. Un phoenix naissait sur sa hanche droite pour se perdre entre son épaule et son cou. De couleur d’oranges et d’ors, il n’y avait que le bec de l’oiseau immortel qui était de couleur rouge... Sang.
La femme l’observa et une lumière s’alluma dans ses yeux.
“Tes pantalons”

Nao avait une taille effilée qui nécessitait une ceinture. Ses jambes tendaient le tissu de ses pantalons troués et le loup-garou, tout sourire, tout flamme, détacha sa ceinture d’un coup de main habitué. Le tissu tomba sur le sol et Nao, calmement, se déplaça d’un pas. Il n’avait aucune gêne à se tenir devant la jeune femme. Elle était belle, elle aussi.
Quoique Nao ne se qualifierait jamais de beau. Il était petit, vif et rapide, avec un phoenix pour narguer les gens.

Après une nuit plus que satisfaisante, après des baisers et des soupirs dans le creux d’un oreille, après la satiété d’un appétit sexuel décuplé par la lune qui approchait, Nao fut en meure d’atteindre la forêt sans créer de bain de sang. Lorsque la lune étira ses bras paresseux, le loup-garou hurla de sa transformation. Quelques minutes douloureuses, agonisantes, et il se redressa en tant que loup. Ses yeux verts ne manquaient aucune information. Il avait la fourrure épaisse et brune, bien que sous les rayons de l’astre lunaire, il y avait des reflets d’or et d’argent, de blond et de noir. Il était un grand loup, mais plus petit et moins bâti que la plupart. Cependant, jamais il n’avait été désavantagé par rapport aux autres.
Il était mince, bâti pour la vitesse.
Cette nuit-là, avec un vent enragé dans ses oreilles, il courut à en perdre le souffle.

Il n’émettait aucun bruit malgré les coups dans ses côtes. Le couteau qui dansait devant ses yeux était un peu plus inquiétant en fait. Il sourit méchamment et para un coup vicieux à son cou. Il avait tendance à se mettre les pieds dans les plats, avec sa grande gueule et ses poings toujours trop vifs. Il avait appris à se défendre.
La personne avec qui il se battait présentement, un homme sans visage et sans appartenance, était tenace, mais Nao frôlait la tête de mule. Il oscillait souvent dans les zones de gris, refusait de prendre position dans une situation. Il dansait sur la lame d’un danger.
Cependant, lorsque Nao se décidait, lorsqu’il acceptait de donner son allégeance à une personne, c’était jusqu’à sa mort. Il a toujours été fidèle.
Comme maintenant, alors que la lame de l’autre flottait devant ses yeux.
Nao grogna avant de cogner sur l’articulation de l’homme. Ce dernier gémit et se recula brusquement, à bout de souffle. Nao grimaça.
Il sentait la douleur, mais était trop habitué à endurer la souffrance. Il soupira et s’appuya contre le mur derrière lui.
Ses mains tachées de sang, ses côtes tellement douloureuses.

Nao ne connaissait pas de limites à sa fidélité. Son frère était mort depuis des années, mais l’homme devant lui, l’homme au couteau, avait été un contrat que son frère aurait dû prendre. Nao faisait honneur à Kiyo. Il avait attendu deux ans pour l’éliminer. Deux années à observer.
Oh, Nao était un homme persévérant.
Il n’arrêta qu’au moment où l’autre tomba sur les genoux.
Sa gorge souriait.

❝ “Tu n’es pas du coin” l’homme mentionna lorsqu’il fit glisser un verre de cognac, liquide ambre, sur le comptoir d’un bar sans histoire.

Nao hocha la tête et accepta le breuvage. Il ne répondit pas, sa tête déjà intoxiquée essayant de se rappeler la moitié de son histoire. Est-ce qu’il avait une histoire, de toute manière? Il n’y avait que le goût d’ambre dans sa bouche, pas la douleur d’une perte, pas la souffrance de la guerre. Pourtant...
“Né au Japon. Le soleil levant” il sourit à cette mention, un frisson lui parcourant le dos. “Né en 1939” Il rit encore plus.
Il se sentait tellement vieux, lorsqu’il donnait sa vraie date de naissance! Ah, et pourtant il n’avait pas de rides! Il vieillissait tellement lentement...
“Ma mère a décidé qu’elle en avait assez d’une économie médiocre, qu’il y avait assez de problèmes dans sa ville natale. Mon père - bah mon père! N’avait pas de colonne vertébrale et ils ont déménagé, avec deux enfants sur les bras, dans un pays qu’ils ne connaissaient pas”

Il parlait vraiment trop lorsqu’il était intoxiqué. Les yeux du barman, un homme au ventre bien fourni, à la barbe graisseuse, mais aux sourires généreux, avait les yeux ronds. Bah, on ne donnait jamais son âge à Nao. Il paraissait encore jeune, pas même dans ses trente ans. Il en avait pourtant soixante dix...
“Pour ce que ça l’a apporté à mon père... Ma mère est morte dans un accident de train, deux ans après. J’avais... Un gros trois ans” Il dut montrer le geste avec ses doigts.

La pièce tournait autour de lui, mais Nao était trop parti. Le cognac roulait sur sa langue, embrumait son esprit. Il n’aurait pas fallu qu’il se lève.
“Je-” Nao fronça les sourcils.

Il sentait encore la douleur de la pleine lune dans ses muscles. Oh, il s’était battu contre plus fort que lui. Il le regrettait un peu, ce soir.
“Mon père s’est enrôlé dans l’armée. Nous étions détestés par les nôtres, haï par les autres. Traîtres! Voilà ce que nous étions”
“À quoi que ça nous avait servi, de perdre notre père pour l’armée?” Il ajouta et déposa son verre - brusquement - sur le comptoir.

Oh, mais qu’il était saoul.
“Père mort en service. Je me souviens de l’homme qui est venu nous l’annoncer, à mon frère et moi. J’avais cinq ans, Kiyo en avait huit. Nous étions fichus, deux pauvres enfants aux États-Unis, à St-Louis. Kiyo a trouvé une nounou. Il a travaillé. Je- je ne veux pas savoir ce qu’il a fait pour rapporter de la nourriture sur la table.”

Son père leur avait écrit, en service, en disant que St-Louis allait les aider à faire leur vie. Il y avait des emplois et les habitants, bien qu’étranges parfois, étaient ouverts d’esprit. En tout cas, ils ne s’étaient jamais fait battre!
“Ah, c’est pas vrai.” Il argumenta avec lui-même, ne réalisant pas qu’il se parlait à voix haute. “J’me suis battu quand j’avais vint-quatre ans. Tombé sur un gang, Kiyo a perdu la tête et s’est mis à poignarder des gens. Je- Je le protégeais. Il était mon frère, tu comprends? Nous nous sommes fait mordre plus tard dans la nuit. Bah, vingt-quatre ans, c’est un bon âge pour devenir un lycan, pas vrai?”

Le barman, peut-être par respect, mais probablement parce qu’il avait honte de l’autre, se recula. Au lieu de lui refiler des verres de cognac dans les mains, il lui dit de partir.
“Mais j’ai pas terminé!” Nao se plaignit.

Il voulut attraper le collet de l’homme, mais ce dernier se recula.
“Kiyo est mort à la guerre. Je l’ai vu. Je ne peux peut-être pas récupérer mon frère parce que les vers l’ont mangé, mais je veux au moins voir ceux qui l’ont tué, mourir. Pas de ma main, pas forcément. Juste... Qu’ils meurent.”
“Lycan, fous le camp de mon bar”
“Ah! Mais depuis la Révélation de 2002, n’es-tu pas obligé de nous tolérer, au moins? Je vois deux vampires se faire des yeux doux et il y a au moins un autre lycan avec nous. Tu veux m’entendre parler de moi” Nao sourit, ses yeux se plissèrent de plaisir. “Et je vais être honnête, mais je suis content de l’année 2002. Je me sens moins sale”

Nao fronça les sourcils. Il n’aimait pas la sensation de vide dans son ventre.
“Juste seul”