« Lilly. Viens par ici, on va choisir ta robe ! » Les robes. C'est si joli, les robes, n'est-ce pas ? Oh, dans mon cas, j'ai toujours adoré ça. Hum, comme quoi, il y a certains détails qui n'ont pas changé chez moi depuis mon plus jeune âge. Bref, la gamine que j'étais entra en trombe dans la pièce. Choisir une robe dans l'énorme penderie de maman, à laquelle je n'avais pas le droit de toucher, le paradis ! Si l'on me faisait profiter d'autant de privilèges, c'est parce qu'il s'agissait tout simplement de mon anniversaire. J'allais fêter mes neuf ans. J'allais devenir une grande fille, enfin ! Il me fallut un total de dix minutes pour choisir un tissu à enfiler. Que voulez-vous, j'avais déjà un très grand sens de la mode et de l'élégance même quand j'étais gamine. Eh oui, une fashionista précoce. Donc. Par la suite, ma génitrice me brossa les cheveux, déposa un baiser sur ma joue et me laissa filer dans la pièce d'à côté, où mon père et mes frères préparaient le gâteau qu'on allait servir dans la soirée. Sauf que... Ce que je ne savais pas, ce que l'on ne savait pas, à ce moment-là, c'est que dans la pièce en question... Eh bien, il n'y avait plus âme qui vive. Enfin, si. Ils étaient toujours présents, mais sous forme de cadavres. Ils étaient en train d'agoniser, et une sorte de monstre s'occupait de les achever, un par un. Il se penchait au cou de chacun d'eux, les démembrait, et s'amusait à faire toutes sortes d'atrocités avec leurs corps. Une gamine normale se serait mise à crier en se retrouvant face à un tel spectacle, n'est-ce pas ? Mais, dans mon cas... Je m'étais tout simplement contentée de rester à ma place, tel un piquet, sans bouger d'un pouce. J'admirais la scène, le regard vide, la bouche fermée, sans dire un mot. Ma mère, ayant entendu les cris de mes frères, fit son entrée à son tour. Dans la panique, tout ce qu'elle trouva à faire fut de me pousser et de se mettre devant moi, essayant de me protéger tant bien que mal. Et, naturellement, l'abominable créature qui venait d'élire domicile dans notre cuisine ne l'épargna pas non plus. En deux temps trois mouvements, elle se retrouva dans le même état que mon père et mes frères. Incroyable, n'est-ce pas ? En l'espace d'un quart d'heure, tout avait changé. Enfin, à part dans mon cas. Toujours adossée contre un mur, je fixais la bête et ma défunte famille, qui ne ressemblait plus à rien d'ailleurs. Du sang avait giclé sur ma jolie robe blanche, sur mon visage, sur mon cou. Mais, je n'avais pas réagi pour autant. Même lorsque le vampire se dirigea vers moi, je n'eus aucune réaction. Pourquoi faire ? Il allait me tuer de toute façon, et je n'en avais réellement plus rien à faire. Sauf que non. Il se contenta de passer sa main dans mes cheveux, et de me dire qu'il reviendrait me rendre visite, plus tard, lorsque je serai devenue une jeune femme. Par contre, cette fois-là, je n'avais pu m'empêcher de réagir. Comme une furie, du haut de mes quelques centimètres, je lui avais alors sauté sur le bras, pour le mordre, de toutes mes forces. Cela n'avait provoqué qu'un rire amusé chez lui, mais de mon côté... Eh bien, disons juste que j'avais déjà commencé à nourrir une haine viscérale envers lui. Ne pas pleurer, ou crier, ne veut pas dire pour autant n'avoir aucun sentiment.

Un mois. Il m'avait fallu un mois pour m'en remettre. Pendant un mois, je n'avais pas prononcé un seul mot, rien. La police me questionnait, mais je ne répondais pas. J'étais ailleurs, complètement ailleurs. Je ne versais aucune larme pour autant. Rien. J'avais rejoins ma grand-mère aux Etats Unis, laissant ma maison et mon petit monde derrière moi. Certains disaient que j'étais une miraculée pour avoir été la seule survivante, d'autres disaient que le « tueur » devait avoir bon coeur, étant donné qu'il avait laissé la plus jeune en vie. Moi ? Ce que j'en pensais ? Qu'il avait un sérieux problème. Qu'il était suicidaire, en fait. Vous vous doutez bien qu'après un tel spectacle je n'allais pas rester les bras croisés ? Certes, en tant que gamine je ne pouvais pas faire grand chose. Mais, j'allais bien grandir un jour ou l'autre, et j'en avais pleinement conscience. De toute manière, la vengeance est un plat qui se mange froid, non ? « Mamich, tu m'achètes un pistolet ? Je n'ai toujours pas reçu mon cadeau d'anniversaire. » C'est ainsi que j'appelais ma grand-mère. « Mamich », qui signifie grand-mère en maya. J'aime l'originalité, oh oui. Et puis mon père, qui était archéologue, m'avait appris un certain nombre de termes tous les uns plus bizarres que les autres, mais peu importe, ce n'est pas le sujet. Le plus bizarre, c'est surement la première phrase que j'avais débité, après un mois de mutisme. J'avais demandé un pistolet. Moi qui, en général, demandait toujours une poupée à chacun de mes anniversaires, je venais de demander un pistolet. Ma grand-mère, à ce moment-là, était divisée entre deux états d'esprit. La joie de me voir reparler. Et la stupéfaction de m'entendre lui demander une telle chose. Mais elle s'exécuta, elle m'en offrit un, en plastique... Pour mon plus grand malheur.

Puis petit à petit, les choses reprirent un cours tout à fait normal. J'étudiais, me faisait de nouveaux amis, puis grandissait d'année en année. Ce qui avait changé chez moi ? Eh bien, mon comportement n'était plus exactement le même. J'étais devenue plus... Vicieuse. Fourbe. Manipulatrice, et j'en passe. Une vraie petite peste, voir même une salope, une garce aussi ? Pas de pitié pour les autres voyons, seule ma petite personne compte. Au lycée, je faisais partie de l'équipe des cheerleaders. J'étais la belle brune toujours perchée sur des talons aiguilles, qui ne se gênait pas pour détruire la vie sociale de quiconque osait s'en prendre à elle. Celle qu'on admirait, puis qu'on haïssait. Celle qui s'amusait à séduire les mecs pour les jeter trois minutes plus tard. Joueuse ? Oui. J'aime jouer avec le feu, j'aime jouer avec les gens, et je ne ressens aucun remord en le faisant. ... Ou presque. Inhumaine ? Hum, non, il ne faut tout de même pas exagérer. J'ai beau être mauvaise, disons juste qu'il y a quand même des limites à mon attitude odieuse, ce que je regrette d'ailleurs. Mais, s'il y a une espèce envers laquelle je ne ressens aucune pitié... Il s'agit bien des vampires. Tous pareils. De la vermine, qu'il faut exterminer jusqu'au dernier. Si j'avais l'air d'une étudiante tout à fait banale – enfin, si on laissait de côté ma beauté incroyable et mon qi très élevé, qui font toute ma supériorité ~ -... Eh bien en réalité, je ne suivais pas un cursus similaire. Chaque jour, à la fin des cours, je disparaissais de la circulation, pour me rendre dans la forêt. Mon terrain de jeu favoris. C'est là-bas que j'avais d'ailleurs rencontré un vieil homme, qui avait accepté de m'apprendre les ficelles de la profession. Laquelle ? Chasseuse. Non, pas de brebis. De vampires. Il me donnait des armes, m'apprenait à les manier, et vers mes dix-sept ans, je commençais déjà à faire quelques victimes. Enfin, il restait tout de même dans les parages lorsque je me mettais à l'œuvre, juste au cas où les choses tourneraient mal. Mais, j'aimais tellement voir agoniser ces créatures que je mettais du coeur à l'ouvrage pour apprendre aussi rapidement que possible. A vingt-ans, j'étais déjà une grande professionnelle. Qui passait ses journées au travail, et ses soirées à trainer dans les forêts, à la recherche de nouveaux parasites à exterminer. Hum, mon travail ? Agent de police. Pourquoi j'ai choisi ce métier en particulier ? Parce qu'on peut y manier des pistolets. Parce que, sérieusement, protéger la population, je n'en ai royalement rien à faire. J'avais accès à des armes, des balles... Bon, vous vous doutez bien qu'elles n'étaient pas en libre service mais je m'arrangeais toujours pour m'approvisionner en cachette. Je n'aime pas gaspiller mon argent dans l'artillerie, je préfère l'obtenir gratuitement. Parce que, voyez-vous, mon argent, je préfère le garder pour le dépenser en vêtements. Je suis surement la chasseuse la plus élégante qui puisse exister en ce bas-monde. Vous avez déjà vu une femme qui chasse en talons aiguilles et en robe ? Même lorsque je fais mon boulot de policière, je ne change pas ma tenue pour autant, même si mon chef ne cesse de me le répéter. Oh, de toute façon, ce vieux schnock, c'est tout juste si je l'écoute. Il râle tout le temps, et me soupçonne même de vider la réserve d'armes très régulièrement. Vous vous rendez compte, moi ?! Bon, d'accord, il avait bon, c'était moi, mais tout de même... Oser s'en prendre à une aussi jolie créature que moi. Une belle brune, élancée, à la peau blanche, aux yeux de biche, et au corps de déesse. Si je m'aime ? Oh oui. Je suis canon, c'est un fait, on ne peut le nier, et j'ai pleinement conscience de mes atouts, c'est d'ailleurs pour cette raison que j'en joue très régulièrement. Mais avec mon supérieur, ça n'a pas fonctionné. Tout juste après la révélation, il se débarrassa de moi en m'envoyant à la B.R.I.S. Il pensait me contrarier en faisant ça mais en fait... Du tout. Si, auparavant, je devais me cacher pour tuer des vampires, désormais j'en avais pleinement le droit. Enfin, du moins, tant qu'ils étaient en tort. Et étrangement, lorsque je suis dans les parages, ils sont toujours en torts. Plutôt louche, n'est-ce pas ?