Sujet: • < Le monde déborde de gens effrayants > ~VETTORIA L'EXTRAVAGANTE |UC| Sam 30 Avr - 15:40
Vettoria Van Mörker
Faith
Once upon a time...
J'aurais voulu qu'à ma mort, la Terre s'arrête de tourner. Que le monde entier se fige de chagrin. Et que dans le cœur des Hommes, l'absence creuse un sillon éternel. Mais il faut croire que je n'ai jamais eu ce que je voulais.
Je vais vous épargner l'histoire de la pauvre petite orpheline, abandonnée à l'âge de trois mois sur les marches du Couvent de San Francesco del deserto au beau milieu d'une nuit de mai. Je n'étais pas à plaindre ; seulement, je ne m'étais jamais adaptée à la vie religieuse. On m'appelait Vettoria la terrible, ce qui n'étais pas -comme je l'avais longtemps cru- un compliment. J'étais agitée, je refusais de me plier aux règles, et j'étais toujours celle qui brisait le silence à la fin de la prière. Ma seule amie était la Soeur Catarina, c'était elle qui m'avait trouvé, cette fameuse nuit de mai. La Soeur Catarina m'avait surnommée La Stravaganta, l'Extravagante. Ce fut ainsi que je me présentais par la suite, n'ayant aucun vrai patronyme.
A quatorze ans, je fuguais régulièrement, la nuit, pour rejoindre les quartiers animés de la Cité des Doges. Je m'étais fait de vrais amis, là-bas : cinq ou six garçons dont les noms m'échappent aujourd'hui. Avec eux, je passais mes soirées à faire des ricochets sur le canal Saint-Martin ou à explorer la belle Venise. Les badauds me regardaient de travers ; je ne comprenais pas, à l'époque, qu'on reproche à une gamine de s'amuser. Je compris bien plus tard que pour eux, je n'étais pas une "gamine". J'étais une fille de joie.
Un soir, l'un d'entre eux m'aborda, profitant du fait que je m'étais éloignée de mes amis afin de satisfaire une envie pressante dans une ruelle sombre. Il essaya tant bien que mal de me soumettre, mais comme je résistai, il devint violent. Au moment où il s'apprêtait à concrétiser ses désirs, un des garçons qui s'inquiétait de mon absence prolongée était intervenu, chassant l'homme à coup de bâtons. Sous l'émotion, nous étions tombés dans les bras l'un de l'autre ; et sans vraiment comprendre, je perdis ma virginité avec ce Lorenzo, ou Fabio, je ne pourrais vous dire.
Mes amis posèrent un nouveau regard sur moi : je n'étais plus la jeune débutante à protéger ; j'étais devenue leur amante, à tous, et c'est avec plaisir et étonnement que je virent leur attitude changer vis-à-vis de moi. On ne peut pas dire qu'ils abusaient de ma naïveté ; après tout, eux aussi découvrait le plaisir charnel.
Je ne savais pas alors que l'acte sexuel était un péché. Pour moi, le péché charnel était synonyme d'anthropophagie. Ne vous moquez pas, on est stupide, quand on est élevée par des nonnes.
A dix-sept ans, je fuguai définitivement du couvent. Plus de limites stupides, plus de prières, plus de silences respectueux. Plus de toit non plus. Plus de repas chauds, de sourires amicaux, de lit confortable. Je vivais de larcins et de nuits rémunérées.