Un dernier regard dans le miroir permit à Sashka de vérifier que ses cheveux étaient bien attachés. Quoi qu'avec elle, il ne fallait jamais s'attendre à quelque chose d'impeccable, de tirer à 4 épingles. Ce n'était pas elle, tout simplement. Et dans un sens, la maîtrise était encore plus prononcée dans sa façon de s'habiller, de se coiffer, de se maquiller et de se comporter que celle de toutes ces femmes qui tiennent à être impeccables dans leur apparence. Les longs cheveux blonds de la jeune femme étaient maintenus attachés par des épingles à cheveux, en tous sens, de sorte à ce que son chignon ample et déstructuré semblait avoir été fait à la va-vite. Dans le fond, c'était vrai, mais dans la forme, disons que Sashka savait y faire, et que quiconque voudrait l'imiter finirait avec quelque chose ne ressemblant définitivement à rien. Elle passa un petit coup de brillant à lèvres sur la pulpe de sa bouche, pour protéger l'épiderme, et donner un ton vivant à son sourire. Elle s'était très légèrement maquillée, avec un trait noir au dessus des yeux, et du mascara, le tout faisant magnifiquement bien ressortir ces yeux bleus. Et puis, elle n'avait pas "perdu" plus de temps que ça avant de rafler son sac à main, et d'enfiler ses bottes. Elle avait, après tout, rendez-vous avec quelqu'un, et la ponctualité était l'une des nombreuses formes de la politesse. Autant, donc, ne pas paraître grossière lorsqu'une convenance aussi infime que celle-ci est simple à réaliser. Surtout qu'elle avait rendez-vous avec Alisha, sa Lupa. Ou plutôt devrait-elle dire la Lupa de sa meute, de la meute à laquelle elle appartenait, à savoir, la meute O'Brien. Mais pour Sashka, c'était un peu la même chose : les valeurs de possession étaient largement métamorphosées et rognées dès lors que vous parliez d'une meute. Quoi que, concernant la Lupa, disons que les choses étaient "légèrement" différente : l'idée de partage, là, elle n'existait pas vraiment, ou pas totalement. Nul autre que l'Ulfric, Connor, donc, n'avait le droit de convoiter Alisha, de la reluquer comme si elle n'était qu'un morceau de viande, une louve parmi les autres, et personne non plus n'avait le droit de la considérer comme une simple femelle sur laquelle on pouvait aisément imposer sa loi, ses volontés. Mais concernant ce "léger petit point de détail", Sashka n'avait rien à craindre : elle était louve, pas loup, et avait assez de cervelle et de contrôle pour savoir se tenir.
Faire les magasins, cela détendait, et puis, cela changeait aussi de la presque perpétuelle présence de la meute, pas très loin. Sashka avait un rôle à jouer, au sein de cette même meute, un rôle plus crucial qu'on ne le pensait : elle était Eranthe de la meute, ce qui revenait à comprendre que, assez souvent, elle devait gérer les plus jeunes lukoïs, veiller à les aider à se contrôler et, s'il le fallait, y aller franco. Autrement dit, être en présence d'Alisha, ou de toute autre louve, lui faisait un bien fou. Et puis ... Et puis à ce qu'elle en savait, Alisha attendait un heureux évènement, ce qui ne pouvait que réjouir Sashka. C'était là une excellente nouvelle, et sa louve en était également très satisfaite. Cela attisait chez elle un sentiment de protection, et un féminisme plus exacerbée qu'à l'accoutumée. Elle avait déjà assisté à plusieurs naissances de petits lycans, et elle-même était née lycane. Dès lors, la meute se devait de protéger le petit, plus faible, plus chétif, et surtout, pas encore lycan, pas avant son adolescence, en tout cas. Du moins était-ce ainsi qu'une meute se devait de réagir, et d'agir. Alisha était la lupa, et elle était enceinte. Pour Sashka, cela revenait à additionner trois facteurs très cruciaux à ses yeux : autorité dominante, louve, et futur petit à naître. Autrement dit, même si ce n'était pas son rôle, elle n'hésiterait pas à s'interposer entre Alisha et toute menace, y compris toute menace non volontaire. Tout en gardant la maîtrise de sa louve : elle était douée pour ça, et ne devait donc pas sa place d'Eranthe à simplement son beau sourire, son corps bien proportionné, son regard à en tomber, et tout le reste.
Elle était en avance, alors autant s'assoir sur un banc, et consulter ses messages. Toute la meute avait son numéro de portable, sans parler des amis et connaissances qu'elle avait hors meute. Alors, en règle générale, il ne se passait pas une seule demi-heure sans qu'elle ne reçoive au moins un sms. Et puis, petite lubie ou pas, elle tenait à s'informer du temps qu'il faisait à Dubrovnik, sa ville de naissance. Elle vérifiait, dès qu'elle en avait le temps. C'était son petit truc à elle, même si elle n'avait jamais cherché à avoir de nouvelles de sa meute initiale : elle n'avait pas exactement bien été traitée, et on l'avait chassée. Le temps était passé, les blessures s'étaient refermées, laissant tout de même de belles cicatrices. Au sens propre comme au sens figuré. Et puis, soudain, par instinct, elle releva la tête, et la tourna en direction de cette silhouette qui approchait : Alisha. Un sourire ravi éclaira son visage, alors qu'elle rangeait son portable dans son sac. « Salut ! »