Je suis morte, il y a trois ans, le 25 Décembre 2009, non pas des crocs d'un vampire ou toutes autres bestioles du genre, non ... Mais de chagrin. Un chagrin si grand qu'il m'a consumée entière et envoyée dans les abîmes effroyables d'une souffrance sans nom. Ma mort a été lente et douloureuse, rongeant mon esprit jusqu'au néant, affaiblissant mon corps pour mieux le dévorer de l'intérieur. La solitude m'a happée dans un tourbillon d'angoisses enrobé de névroses indéfinissables et mon cœur est devenu si petit que sa présence même semblait m'avoir abandonnée.

Je ne vous demande pas de comprendre et ne le désire pas non plus. Personne ne peut imaginer les sentiments qui rattachent un être à un autre tant qu'il n'a pas lui-même éprouvé sa disparition.
Pendant des mois, j'ai lutté pour retrouver la surface. Des mois, à me demander si la meilleure solution n'était pas encore de mourir vraiment, mais la vie est bien trop cruelle pour nous laisser la quitter si facilement. Je me suis donc fait la promesse d'éradiquer toutes les créatures, non humaines, qui m'avaient enlevées la chair de ma chair, mon trésor, mon enfant.

Oh ! J'oubliais, je m’appelle Callie, Callie MacTavish, je suis un seizième Irlandaise du côté paternel et cent pour cent Mexicaine du côté maternel. Mon sang est aussi brulant que les contrées arides de mon pays d'origine. Je suis impulsive et gorgée de passion, une grande gueule quoi ! Je n'ai pas hérité du stéréotype : Rousse aux yeux bleus, je suis comme ma mère brune au regard chocolat torride. Je mesure, pas loin d’un mètre soixante-dix pour un poids honorable, tant que mon tour de taille ne dépasse pas mon tour de hanche, inutile de picorer comme un oiseau. J’aime les frites, les hot dog, la sauce salsa, caliente ! Et j’aime danser pour oublier. La plupart du temps, je porte des jeans et des tops de toutes les couleurs, je ne suis pas une acharnée du shopping, j’attends toujours le dernier moment pour renouveler ma garde-robe. Chose étrange, je me coupe les cheveux moi-même, je suis plutôt douée avec les armes blanches et puis ce n’est pas comme si j’avais besoin de plaire … Evidemment, je ne suis pas contre un cinq à sept de temps à autre, se faire du bien n’est pas un délit, mais je préfère partir au petit matin et ne laisser sur les draps que le souvenir olfactif de mon passage. Une fois dans la rue, je hume l’air à plein poumon et je me dis qu’une nouvelle journée commence … Elle ne s’achèvera peut-être pas.

Mon enfance n’a été ni bonne ni mauvaise. Mes parents se considéraient comme des représentants actifs de notre communauté. Mon père passait son dimanche dans un big-bang de renom. Certains l’appelaient l’enfant blanc de Miles Davis. Sa trompette sonnait comme le vent de la liberté. Souvent, avec ma mère nous allions le voir quand il jouait. Je prenais un verre de limonade menthe avec beaucoup de glaçon. J’adorais ce mélange pétillant. Maintenant, je bois des Moritos, comme quoi Sigmund avait raison, l'enfance laisse des traces indélébiles.

Puis un jour, j'ai eu dix neuf ans, brillante étudiante en biologie, je réussis à décrocher une bourse d'université. Euphorique à l'idée de partir à l'aventure, je me précipitai dans le café, où ma mère, institutrice venait prendre régulièrement son déjeuner. Rien ne pouvait prévoir ma rencontre avec John, un bel étalon Texan aux yeux bleus et aux cheveux noirs. Son premier sourire eut tout de suite raison de mon jugement. Imaginez les filles, une glace vanille, chocolat recouverte de coulis caramel et de chantilly, impossible d'y résister ! John était pareil un pêché à consommer sans modération. Nous deux, c'était .... Trop beau pour être vrai, surtout quand il a disparu du jour au lendemain en m'abandonnant moi et notre fille dans l'appartement trois pièces que je louais. Lynn, le plus merveilleux cadeau que ce monde m'est donné.... et retiré un an après. Bref, mon ancienne vie.
Mon premier flingue, je l'ai acheté à un gars dans un bar, habillé comme Clint Eastwood dans sa période cowboy. La loose ! Il souriait bêtement et encore plus bêtement quand j'ai sorti la liasse de billets de ma poche. Pour vous dire à quel point il m'énervait, j'aurai aimé qu'il soit l'un d'eux, ma première balle aurait été pour lui, juste là, entre ses deux yeux et son sourire se serait figé pour l'éternité. Au lieu de ça, je me suis inscrite dans une salle de tire, située dans l'un des quartiers en reconstruction de la Nouvelle Orléans. Elle sentait le tabac froid et la sueur, un vrai petit paradis !
Qui dit premier flingue dit première balle, un tir de haute précision pour être tout à fait honnête, tout droit dans le pied de mon formateur. Il sautillait en gueulant tous les noms d'oiseaux qui lui passaient par la tête. Je n'ai pas pu m'empêcher de rire, je me suis faite virée. Adieu paradis !

Bonjour le Bayou ! Au moins dans les marais, je n'éprouve aucun scrupule à abattre de sang froid tout ce qui bouge et pas des animaux si vous voyez où je veux en venir. J'ai bien plus de respect pour eux que pour ses créatures. Cet entrainement nocturne m’a permis de mesurer mes limites, il est toujours bon pour un chasseur de savoir quand il faut courir … et vite si possible. Ma réputation a débuté ainsi, aussi rapide qu’une trainée de poudre. Depuis mes nuits sont devenues mes jours et mes jours ... mes jours aussi, car éveillée, ma souffrance semble moins forte. Ma guérison n'en est pas pour autant finie, parfois quand ma douleur se fait trop importante, je prends un arbre pour cible et j'imagine qu'il représente ma solitude. Alors je tire dessus encore et encore. Puis une fois le chargeur vide, je m'allonge et je pleurs, je pleurs ...

J'ai aussi appris à me battre en participant à des combats clandestins. Deux femmes qui se frappent dessus, c'est fou le nombre de mecs qui paye pour voir le spectacle. Maintenant, mon corps encaisse les coups et les blessures. Je suis loin d'être invincible mais quand je frappe, ce n'est plus pour perdre. Donc ne vous fiez pas à mon apparence, elle est trompeuse. Ce n'est pas parce que j'ai l'air innocent, que j'en suis moins dangereuse...

Mes journées se composent toujours de la même façon: Réveil après quatre heures de sommeil, café noir, deux tartines de pain d'épices, puis je déballe tout mon attirail de chasse sur la table de la cuisine et le nettoie minutieusement. Arbalètes, lance-clou, balles à réservoir d'eau bénite, muselières (Ben oui ! quand on peut s'amuser en travaillant) .... Je fais l'inventaire. J'affute la pointe des pieux et de mes innombrables couteaux en argent bénis. Je passe en revue la moindre petite arme, il est hors de question que je me retrouve devant une de ses sales bestioles et que le canon de mon chargeur reste coincé.

À midi, je mange un truc rapide et je file dans ma boutique préférée du coin : l'église. Ma piété n’a d’égale que ma détermination, j’aime la fraicheur des nefs mais pas pour m'y recueillir, j’en profite pour faire le plein d’eau bénite. Il m’arrive parfois de demander au prêtre de me confesser, mais je ne parle jamais de ma précieuse Lynn, car je ne mérite pas la rédemption pour cet acte, je veux vivre et mourir avec. L'après-midi, je le consacre à la science. Un don pour lequel je suis très douée apparemment. Parmi mes nombreux projets, j'essaie de trouver de nouveaux cocktails à mettre dans mes balles. Si je pouvais trouver un poison qui une fois inhalé provoque leur mort instantanée, je pourrais enfin dormir. Comprenez bien, je ne suis pas une tendre, je n'ai peur de rien, à part, peut-être, de moi-même. La seule chose qui m'apporte un peu de repos sur cette terre : l'extinction de ses monstres. Alors faites attention, et ne me provoquez pas sans en avoir, préalablement, évalué la situation et les conséquences.