« Lorsque je parcours les méandres de mes souvenirs, j’ai le sentiments de voir ces premières années de ma vie à travers un voile épais. Ils s’effacent peu à peu, emportant avec eux, le doux visage de ma mère. J’étais trop jeune lorsqu’elle est tombée malade et je ne parviens pas à me souvenir de tout ce qui me rassurait lorsque je me blottissais dans ses bras. Son parfum, sa douceur, son sourire. Étaient-ils vraiment tels que je les imagine à présent ou n’est-ce qu’une illusion de plus ? Je n’avais que cinq ans lorsqu’elle est morte, aspirant dans son sillage tout ce qui constituait ma vie. Je n’avais qu’elle, du moins c’est ce que j’avais toujours cru, alors j’ai lentement sombré, m’enfermant dans ce silence qui était mien depuis toujours. C’était tout ce qui me restait, tout ce qui m’était encore familier. Pourtant, il est venu me chercher. Il disait être mon père, mais il n’y avait aucune tendresse dans ses yeux lorsqu’il prononça ses mots. Il était visiblement déçu. Je n’ai compris que bien plus tard que ma mère ne lui avait jamais vraiment parlé de moi, elle ne lui avait donc jamais dit que son fils illégitime était sourd. Sa déception fut de taille croyez-moi, il transpirait l’amertume et du haut de mes cinq petites années, je ne savais que faire pour qu’il ose me regarder dans les yeux. Au fond, il n’y avait rien à dire, car j’apprendrais au fil des années que cet homme n’aimait que le profit. Ces nuits passées dans les bras de ma mère n’étaient qu’un égarement de jeunesse que n’importe qui aurait pu comprendre en voyant ma mère et l’aura qui émanait d’elle, l’irradiant de cette beauté qui n’appartenait qu’à elle. Ce fut la seule explication qu’il osa me donner, bien qu’il ne se priva pas d’ajouter que je ne lui ressemblais en rien, à croire que je n’étais pas réellement leur fils. Une erreur de la nature sans doute. Mais j’étais bel et bien là et il n’eut pas d’autre choix que de me ramener chez lui. C’est à ce moment là que je l’ai vu pour la première fois… Nolan. Je n’oublierai jamais cet instant où il m’a sourit alors que notre père se disputait déjà avec sa mère à mon sujet. Il ne semblait pourtant pas se soucier du chaos que je semais dans sa vie alors que je venais à peine d’y mettre les pieds. Ignorant les vociférations des adultes, sa main s’est glissée dans la mienne pour ne plus jamais la lâcher. »
14 mai 1995
Les faibles rayons du soleil se reflétaient dans ses prunelles attentives, offrant un spectacle des plus hypnotisant. Nahel avait le plus grand mal à détacher son propre regard de ce spectacle afin de se concentrer sur les doigts de son frère. « Non, tes doigts sont mal placés. » Un sourire se glissa au coin de ses lèvres lorsqu’il aperçut la moue déçue de Nolan. Ce dernier n’aimait pas se tromper si souvent, il voulait progresser plus vite afin de pouvoir converser avec lui dans un langage des signes exécuté à la perfection. Mais il n’avait pas encore acquit la dextérité nécessaire pour s’exprimer avec l’aisance de son cadet. En effet, bien que Nahel soit plus jeune de deux ans, à neuf ans, Nolan ne pouvait pas rattraper si rapidement les années que le jeune sourd avait passé à parler avec ses mains. Pourtant depuis deux ans, il avait peu à peu convaincu son frère de lui enseigner son langage quitte à le reprendre des centaines de fois jusqu’à ce qu’il parvienne à le maîtriser. Indulgent, Nahel ne le pressait pas, se montrait patient et lui répétait qu’il était déjà assez doué pour qu’il le comprenne mais ce n’était pas ce que voulait Nolan. Non, le jeune garçon voulait être parfaitement bilingue, rien d’autre. Pas d’approximation. Au fond, cette détermination réchauffait le cœur du cadet qui n’y voyait rien d’autre que le reflet de la force de leur lien. Nolan voulait partager son monde. Entièrement. Doucement, Nahel posa ses mains sur les siennes afin de les placer dans la bonne position. Son aîné se lassa faire, attentif, il enregistra chacun des mouvements avant de sourire, visiblement heureux de partager cet instant avec lui. Puis, son regard se posa sur les mains agiles de son petit frère alors qu’il répétait sa phrase avec une aisance qui le laissait sans voix. « Je resterai toujours avec toi. » Traduisant simultanément la phrase qu’il était en train de signer, Nahel posa ensuite sa main sur le torse de son frère. « A ton tour. » Déterminé, Nolan répéta à nouveau les mêmes signes, avec une application qui faisait briller l’admiration dans les yeux de son cadet.
« Regarde ça, Neal. Y’a Nolan qui essaie de communiquer avec un attardé. » Avec une vivacité inattendu, Nolan se figea avant de se tourner vers ses deux camarades de classe. La phrase qu’il venait d’entendre avait eu l’effet d’un électrochoc. Sans que personne ne l’ait vu se relever, il s’approchait déjà du garnement qui venait d’insulter son frère afin de le saisir par le col de sa chemise. Son regard assombri par la colère vrillait celui de son adversaire. « Retire ce que tu viens de dire où je vais te le faire payer ! » La rage perçait dans sa voix, le rendant plus menaçant que jamais. Mais, alors que toute son attention était tourné vers son ennemi, une main agrippa légèrement son bras, l’obligeant à se retourner afin d’apercevoir Nahel. Le regard triste de ce dernier refroidit immédiatement ses ardeurs. Était-ce lui qui le mettait dans cet état ? Relâchement légèrement son emprise, il sentit sa colère s’apaiser. « Ne fais pas ça, Nolan. » Resserrant tendrement ses petits doigts autour du bras de son frère, Nahel tourna son regard vers celui qui l’avait insulté. Il n’avait pu ni entendre, ni lire sur ses lèvres lorsqu’il s’était moqué de lui mais la réaction de son frère lui en disait bien assez sur ce qui s’était passé. Cela arrivait tout le temps, mais Nolan ne pouvait s’y habituer, il ne supportait pas qu’on s’en prenne à lui simplement parce qu’il ne pouvait pas entendre ces remarques mesquines, c’était injuste ! Mais le dénommé Neal, ne semblant pas avoir compris le message bien que son ami ait échappé de peu à une punition méritée. « Tu as raison Trent, c’est un attardé ! T’as entendu sa voix ?! » Le coup partit avant que quiconque ne puisse réagir et lorsque le poing de Nolan heurta le nez de Neal dans un bruit sourd, le sang s’écoula immédiatement des narines de cet imbécile. « Nooon ! » La voix de Nahel déchira le silence alors qu’il emprisonnait le corps de son aîné dans ses bras, appuyant son visage contre son dos. « Arrête ! Arrête ! Ne deviens pas comme eux… Ne deviens pas comme LUI ! Arrête ! » Les larmes se mêlèrent peu à peu à sa voix alors qu’il se laissait envahir par sa détresse. Nolan se figea, reprenant ses esprits. Il avait su décrypter le message de son cadet, derrière ses mots, il le suppliait de ne pas agir comme leur père. Ce dernier avait toujours réagit violemment avec Nahel, l’effrayant davantage chaque année. Alors, l’idée même de lui ressembler, en agissant ainsi, eut l’effet d’une douche froide pour le jeune garçon. Lentement, il se tourna vers son cadet pour le serrer contre lui, essuyant délicatement ses larmes. Puis, s’écartant légèrement, il signa ses paroles, sans prononcer le moindre mot. Ce message était destiné à Nahel et à lui seul… Pardonne-moi, Nahel. Je ne deviendrai jamais comme lui. Jamais. Je te le promets.
***
22 septembre 1998
La douleur qui traverse le corps jusqu’à en ébranler l’âme. Une douleur physique, mais surtout morale qui réveillait une peur depuis longtemps enfouit. Nahel se recroquevilla, levant le bras devant son visage alors qu’il tentait vainement de se protéger. « Non… s’il te plait, non… » Mais son père restait indifférent face à ses supplications et, sans le moindre remord, il frappa à nouveau. Fou de rage, il ne supportait plus la présence de ce fils illégitime, de ce déchet qui n’avait été qu’un fardeau durant ces cinq dernières années. Comme un poison, il avait pourri sa famille, contaminant son fils jusqu’à la moelle. « Je vais te faire comprendre, tu vas voir… Sale vermine ! Qu’est ce que tu faisais dans le lit de mon fils ? Hein ?! Je t’ai dit de rester dans ton lit, je n’ai pas cessé de te le répéter ! A dix ans, tu n’es plus un gamin, non ? C’est interdit ! Quand est-ce que tu vas te rentrer ça dans le crâne ?! » Jamais. Aucune punition ne pourrait l’empêcher de rejoindre Nolan. Il ne faisait rien de mal, au contraire, il avait simplement besoin de sa présence. Mais c’était bien ça le problème. Il n’avait pas le droit de tenir à lui à ce point. Pas le droit de rester avec lui, d’avoir besoin de sa présence à ses côtés. Pourtant, à son âge, il ne pouvait pas comprendre ce qui effrayait autant son père. Chacun d’eux portait un regard différent sur le lien fusionnel que partageaient les deux demi-frères. Nahel était encore un enfant, il ne comprenait pas lui-même la puissance de ses propres émotions mais leur père, lui, voyait le démon sous les traits de ce gamin qui était bien trop proche de son héritier. A ses yeux, il était le seul fautif, cela ne faisait aucun doute. Avant qu’il ne fasse irruption dans leur vie, Nolan avait toujours eu un comportement exemplaire. Le fils dont il avait toujours rêvé. Alors pourquoi ce parasite avait-il tout gâché ? Il pourrissait leur vie, leur famille… Il devait à tout prix se débarrasser de lui. Mais comment ? Nahel percevait les ressentiments de son père avec plus de violence que les coups qu’il lui portait. Ce dernier le haïssait avec une force qui le dépassait. Mais pourquoi ? Il ne faisait rien de mal… rien de mal. Des larmes s’échappèrent de ses paupières closes alors qu’une gifle cinglait à nouveau sa joue, ne laissant qu’une marque brûlante sur son passage. Puis, soudain ce fut le calme. Etait-ce déjà fini ? Il n’y croyait pas. Ce n’est pas vraiment dans ses habitudes de s’arrêter si rapidement. Ouvrant les yeux, Nahel ne mit que quelques secondes à comprendre ce qui se passait. Nolan s’était interposé encore une fois entre son père et lui. « Arrête ça tout de suite, Nolan. Je ne veux pas te mêler à tout ça, je n’aurais pas à nouveau cette conversation avec toi. Ce que fait ton frère est mal ! » Les sourcils du jeune garçon se froncèrent alors qu’il se rapprochait de son frère, dans un geste protecteur qui avait toujours semblé inné chez lui. « Il n’a rien fait de mal ! Pourquoi veux-tu nous séparer ? Pourquoi ? Je ne veux pas ! Ne le touche plus ! »
Un soupir de lassitude se faufila entre les lèvres du paternel. Il n’en voulait pas à son fils. Il était si jeune, il n’avait pas encore assez de recul mais il comprendrait un jour qu’il faisait tout ça pour son bien, pour le bien de leur famille. « Tu es trop jeune pour comprendre. Pousse-toi et laisse-moi finir mon devoir de père. » S’avançant, il tenta d’écarter son fils de son chemin mais ce dernier se retourna afin de prendre Nahel dans ses bras. Cependant, ce geste de tendresse ne fit qu’échauffer davantage la colère de leur père dont le visage s’empourprait à vue d’œil. « Bien, tu ne donnes pas d’autre choix. Il va falloir que tu apprennes à m’obéir, Nolan… » Levant la main pour donner une correction à son fils aîné qui devenait bien trop désobéissant à son goût, il ne pouvait que constater qu’il avait raison et que ce garnement l’avait détourné du droit chemin. « Nooon ! Nolan ! » Avant que la main du paternel ne vienne frapper l’aîné, Nahel se dégagea de son étreinte, se plaçant sur la trajectoire du coup. Ignorant la douleur, il était prêt à accepter son châtiment si cela tenait son frère en dehors de tout ça. Jamais il ne pourrait le laisser prendre des coups à sa place. Leur père n’en avait qu’après lui, pas après Nolan et il était hors de question qu’il se sacrifie pour lui alors qu’il pouvait être épargné. Dans tous les cas, leur père ne cesserait pas de s’en prendre à Nahel. Tout effort resterait donc vain. Pourtant, la tristesse qu’il vit briller dans le regard de son aîné lui serra subitement le cœur. Il l’avait blessé en l’empêchant de le protéger. Nolan avait toujours pris son rôle de protecteur très à cœur et chaque échec était très douloureux, Nahel le savait. Mais comment aurait-il pu le laisser continuellement partager ses pénitences ? N’était-ce pas son rôle de frère de le protéger à son tour ? Cependant, leur père profita de ce moment d’égarement pour entraîner Nahel jusqu’au grenier. Le jeune garçon frémit en comprenant ce qui allait lui arriver. Son père l’avait conduit des milliers de fois dans ce lieu dénué de toute lumière. La peur se diffusa violemment dans ses veines alors que des larmes amères envahissaient à présent ses joues. Impuissant, il tenta de se débattre. En vain. La porte se referma avec force devant lui. Terrorisé par la profondeur des ténèbres, il frappa sur le vieux battant de bois jusqu’à l’épuisement. Ainsi enfermé dans le noir, il était totalement coupé du monde… C’était sa plus grande peur. Si il perdait un jour la vue, il perdrait alors ce précieux contact avec le monde extérieur et cela l’effrayait au plus haut point. Dans ce lieu qui devenait son enfer personnel, les heures se ressemblaient toutes et il perdit peu à peu la notion du temps. Pourtant lorsqu’un rayon de lumière se faufila sous la porte, il sut que Nolan se trouvait derrière le battant de bois. Ce dernier avait sûrement du attendre que leur père aille se coucher pour pouvoir enfin venir soutenir son frère. Bien sûr, il n’avait pas pu récupérer la clé que son père gardait toujours avec lui mais sa simple présence ainsi que le faisceau lumineux de la lampe torche qu’il braquait sous la porte suffisait à apaiser Nahel. Au prix d’un effort quelque peu douloureux, ce dernier parvint à glisser le bout de ses doigts sous la vieille porte en bois et un sourire se dessina sur ses lèvres quand il sentit les doigts de Nolan se poser sur les siens. Appuyé contre le bois, il savait que son frère s’était installé de la même façon de l’autre côté et cela suffisait à lui donner l’impression qu’il se trouvait tout contre lui. Parce que rien ne pouvait les séparer, pas même une porte fermée à clé.
« A présent, je réalise à quel point ma vie était calme à l’époque. Les colères de mon père, ses coups, ses insultes, tout cela ce n’était rien comparé à ce qui m’attendait. Insouciant, je pensais que rien ne pouvait jamais changer et que ne pourrait jamais nous séparer. Comment aurais-je pu imaginer une vie sans lui, sans sa présence, son corps, son odeur… ? J’avais laissé l’ivresse de mes émotions m’envelopper sans comprendre ce que tout cela impliquait. Au fond, ça n’avait pas la moindre importance à mes yeux. Je ne voulais pas mesurer l’impact de mes actes, ni même les regretter. Je ne faisais aucun mal, je me contentais de découvrir l’amour comme toute personne à mon âge. Cependant, mon attirance s’était portée sur la mauvaise personne. Mon demi-frère, Nolan. Les années n’avaient cessé de consolider notre lien, changeant peu à peu cette fusion, en osmose amoureuse lorsque l’adolescence s’empara peu à peu de nos êtres. Immergés dans notre propre monde, nous ignorions le trouble que semait notre amour caché. Un amour interdit. Incestueux, comme il se plaisent à le nommer. Un nom qui sonne comme une injure et qui vient entacher notre relation. Parce que personne ne peut comprendre. Cela les dégoûte, les répugne et je sais que tout comme mon père, tous m’auraient promis aux flammes de l’enfer, si seulement ils avaient su que j’osais l’aimer à ce point. Pauvres ignorants, le diable n’a rien à voir là dedans. En réalité, il n’y a jamais eu d’explication logique lorsqu’il s’agit de sentiments. Ils vont et viennent lorsqu’on s’y attend le moins. On peut se battre, les nier, mais ils sont là, brûlants et destructeurs. Et pourtant si beaux lorsqu’ils nous consument entièrement. Je me suis brûlé les ailes, j’en suis conscient. Mais si je pouvais revenir en arrière, je prendrai le même chemin sans hésiter. J’aimerais simplement en changer la fin. Comme chacun d’entre nous. Peut-être parce que c’est impossible. La fin est la seule chose qui nous échappe. Elle est sournoise et inévitable. Injuste aussi. Surtout lorsqu’elle ne signifie pas la fin des sentiments, juste la fin de sa présence. Un manque qui pourrit l’âme et le corps, ne laissant qu’une coquille vide. »
25 juillet 2004
Une douce chaleur s’insinuait à travers la fenêtre entrouverte venant frôler leurs corps alanguis, insouciants. Lentement, sa main vint effleurer la peau de son amant alors qu’il se serrait davantage contre lui, avide de contacts. Il voulait profiter de ce moment d’intimité, à l’abri des regards. Aux yeux de tous, ils n’étaient que des frères, rien de plus. Et pourtant, la chaleur de son corps nu suffisait à lui faire perdre pieds. Imprégné de douceur jusque dans son état léthargique, Nolan remua légèrement avant de glisser son bras autour de sa taille, embrassant son épaule. Se laissant entraîner par ces gestes tendres, aux portes du sommeil, Nahel entremêla son corps au sien, comme pour prolonger leur osmose encore quelques instants. Bientôt il devrait quitté le lit de son aîné et retourner dans le sien afin de ne pas éveiller les soupçons. Mais pour le moment, il voulait profiter de chaque seconde. Délicatement, ses lèvres parcoururent le cou du jeune homme, se délectant du parfum sucré de sa peau, la goûtant inlassablement. Sans pouvoir s’interrompre, elles dérivèrent progressivement vers son torse, comme enivrées par les caresses qu’elles lui prodiguaient. Puis, peu à peu, elles s’immobilisèrent et Nahel ouvrit les yeux, à contre cœur. « Je vais bientôt devoir retourner dans mon lit… » Sa voix n’était qu’un murmure mais il savait qu’il l’avait entendu, au cœur même de sa somnolence, il avait perçu ses mots et leur inévitable réalité. « Non, reste… Encore un peu… » Un sourire triste se dessina lentement sur les lèvres de son cadet alors qu’il mourrait d’envie de se plier à cette requête. Mais c’était impossible, il ne pouvait pas se le permettre. En effet, ces quelques minutes pourraient leur coûter bien trop cher. Elles avaient le pouvoir de les séparer si leur père venait à découvrir leur secret. Bien sûr, cela faisait des années qu’il se doutait de quelque chose. Il avait même craint que cela n’arrive bien avant que les deux jeunes hommes ne prennent conscience de leur attirance. « Je ne peux pas, tu le sais bien. » Son ton était douloureux, amer. Nolan dût s’en apercevoir car, il ouvrit les yeux à son tour afin de l’observer longuement, comme si il souhaitait graver ses traits dans son esprit. Puis, sans un mot, il se redressa avant de capturer le visage de son frère entre ses doigts chauds. Ce dernier n’osa pas bouger, hypnotisé par le regard de son amant. Le temps semblait s’être arrêté alors que leurs regards s’accrochaient, échangeant bien plus que des mots. En silence. Pourtant, le temps reprit sa course, lorsque les lèvres de Nolan s’emparèrent des siennes avec une passion avide qui lui sembla soudain empreinte de nostalgie. Pourraient-ils vivre ainsi pour toujours ?
Malheureusement, la réponse lui parvint bien plus rapidement que prévu. Alors qu’il pensait avoir encore quelques années devant lui avant de devoir se confronter à leur avenir. La porte s’ouvrit brusquement et leurs lèvres se séparèrent, mettant ainsi fin au baiser qu’ils échangeaient. « Qu’est ce que vous êtes en train de faire ? » C’était la voix de leur père et si Nahel était alors incapable de l’entendre, il avait remarqué sa présence sur le pas de la porte. La colère, bien supérieure à toute celle qu’il avait pu ressentir durant de toutes ces années, déformait alors ses traits, le rendant plus menaçant encore que d’ordinaire. « Je m’en doutais. J’ai toujours su que cela finirait par arriver… Alors quand j’ai trouvé ton lit vide, j’ai compris que le moment était venu. Tu l’as perverti ! Je ne te laisserais pas faire, Nahel ! » Alors qu’il prononçait chacun de ses mots, il s’était avancé lentement vers le lit et, avant que les frères ne puissent faire le moindre mouvement, il saisit le bras de Nahel, afin de le tirer violement du lit, l’arrachant aux bras de son frère. « NAHEL !! » Désespéré, Nolan ne savait pas comment réagir, comment les sauver de ce moment inévitable qu’ils avaient si souvent redouté. Comment pouvait-il se soustraire à l’autorité paternelle et vivre pleinement sa vie, aux côtés de Nahel ? Sans lui, rien ne serait jamais plus pareil. Pourquoi son père ne pouvait-il pas comprendre tout ça ? Voir au-delà de l’interdit et du dégoût que lui inspirait une telle relation. « Papa… » Son regard suppliant croisa celui de son père alors que ce dernier essayait de maintenir son emprise sur Nahel qui se débattait comme un animal pris au piège. Qu’allaient-ils devenir ? Qu’allait-il leur faire ? Une multitude de questions envahissait l’esprit des deux frères alors qu’ils ne parvenaient pas à se sortir de cet enfer. « Que se passe-t-il ici ? » Un étranger venait d’entrer dans la pièce, sans aucune gêne. D’où sortait-il ? Si, contrairement à son frère, l’attention de Nahel ne put être attirée par les paroles de l’homme, il sentit, en revanche, le frisson qui caractérisait l’apparition de sa capacité. A vrai dire, il avait mis du temps à comprendre que cette étrange sensation ne se manifestait qu’en présence de certaines personnes, même lorsque ces dernières trouvaient à plusieurs mètres de lui. Et quand il se rapprochait de ces êtres, il découvrait, sans même leur avoir adressé la parole, qu’ils possédaient une capacité eux aussi et il en connaissait peu à peu chaque détail, simplement en les observant longuement. C’est ce qui se produisit à nouveau lorsque son regard croisa celui de l’homme qui avançait à présent vers lui. En détaillant ce regard froid et menaçant, il apprit que l’étranger pouvait manipuler la douleur des gens, l’augmentant ou la diminuant à sa guise, sans aucun effort. C’était effrayant. Pourtant, Nahel ne se déroba pas lorsque les doigts glacés de l’homme se glissèrent sous son menton. « J’ai beaucoup entendu parler de toi, Nahel. De toi et de ton don… » Comment était-il au courant ? Il n’en avait parlé qu’à très peu de personnes ; des gens qui, comme lui, possédait une capacité. Se pouvait-il que l’un d’eux en ait parlé à cet homme ? Sans savoir ce que tout cela signifiait, il sentit la peur se diffuser vivement dans ses veines.
« Tu as peur ? Je vais très bien m’occuper de toi pourtant, tu verras… » Les paroles de l’homme firent lentement leur chemin dans l’esprit de Nahel. Que voulait-il dire par là ? Il n’avait pas la moindre envie que cet étrange inconnu ne ‘‘s’occupe’’ de lui… Pourtant, lorsque la main de l’homme s’empara de son bras, là où la main de son père s’était trouvée quelques instants auparavant, il comprit qu’il n’avait pas le choix. La force de cet étranger n’avait rien de naturel. Et alors qu’il tentait vainement de se libérer à son étreinte, Nahel avait déjà pris conscience qu’il était pris au piège et qu’il ne pourrait jamais lui échapper. « Lâchez-le ! » Le regard noir de Nolan était braqué sur l’homme, alors qu’il se levait, sortant de l’enveloppe rassurante de ses draps afin de faire face à celui qui s’en prenait à son frère. Cependant, ce dernier ne sembla pas accorder la moindre attention au jeune homme, il était bien trop occupé à détailler le corps nu de Nahel. Jamais ce dernier ne s’était senti si vulnérable face à quelqu’un. Mais il ne pouvait rien faire pour se soustraire au regard avide de cet homme dont il ne savait rien. « Vous avez bien choisi votre moment, mon cher. A vrai dire, je n’avais pas espérer pouvoir évaluer la marchandise avec tant de précision mais ça me plait. Tout est parfait. Je l’achète. » Un sourire semblable à celui d’un carnassier vint se peindre sur les lèvres de l’homme alors qu’il tendait une liasse de billet au paternel. « Quoi ?! Mais qu’est ce que vous faites ? Papa ! » Effaré, Nolan perdait pieds devant un tel spectacle. C’était impossible, son père ne pouvait pas faire ça, si ? Mais… Pourquoi ? Pourquoi le détestait-il au point de se livrer à une pratique ? Vendre son propre fils, comme un vulgaire animal… N’était-ce pas au Moyen-Âge qu’un tel commerce fleurissait. En tout cas, ce n’était pas à notre époque que l’on pouvait voir ça, c’était certain. Et pourtant… Emporté par son instinct, il s’élança vers son frère d’interrompre cette transaction malsaine et le ramener vers lui. Mais une main s’enroula brutalement autour de sa gorge, l’immobilisant soudain alors que la douleur se diffusait déjà jusque dans sa nuque. Cachant sa souffrance, il défia l’homme du regard, pas encore prêt à renoncer, à le laisser lui prendre Nahel de cette façon. Jamais. « Abandonne petit. Tu n’es pas assez fort et il est à moi à présent. Alors souviens-toi de ceci : Si tu t’approches de mon esclave sans ma permission, je saurais te punir à ma façon… » Le cœur de Nahel se serra soudainement alors que les larmes lui montaient aux yeux. Devenir l’esclave de cette créature aux mouvements rapides et à la force surhumaine le terrorisait, mais plus encore, il avait peur qu’il ne s’en prenne à son frère. « Ecoute-le Nolan. Mourir ne nous sauvera pas. Réfléchis ! On se retrouvera, sois patient. Ne fais rien de stupide, je t’en prie… » Les larmes brillèrent dans le regard de son aîné alors qu’il se sentait obligé de capituler, de laisser cet homme les séparer. L’amertume, la défaite, la culpabilité, la honte, l’impuissance… Toutes sortes de sentiments s’emparèrent de son regard, à tour de rôle. Néanmoins, il recula, s’avouant vaincu alors que cette défaite semblait l’anéantir. En le voyant ainsi, Nahel avança d’un pas, ressentant instinctivement le besoin de l’attirer dans ses bras mais son nouveau maître le retint avec force, l’empêchant d’aller plus loin. Alors, ne pouvant les retenir plus longtemps, il laissa les larmes couler sur ses joues, attisant la douleur qui s’éveillait en lui comme une profonde déchirure. Cependant, il n’eut pas le temps de se ressaisir, l’homme l’entraînait déjà à sa suite, lui donnant ses premiers ordres. Après un dernier regard vers son aîné, son amant, son frère, Nahel dut se résoudre à lire sur les lèvres de son maître avant que ce dernier ne s’énerve et ne lui fasse payer sa désobéissance. Sans prononcer le moindre mot, il fit ce qu’on lui ordonna et pénétrant dans sa propre chambre, il enfila les premiers vêtements qui passèrent à porté de sa main avant de mettre les autres dans un sac en compagnie de quelques rares effets personnels. Puis, sans se retourner, il dut quitter la maison où il avait grandit, se nourrissant de la chaleur que lui offrait Nolan. Avec un pincement au cœur, il laissa les ténèbres l’engloutir alors qu’il s’éloignait dans la nuit au côté d’un étranger qui, à présent, détenait sa vie entre ses doigts.
« L’enfer doit avoir à peu près la même saveur, il doit ressembler au regard de cet homme. Aredian. Rien que son nom semble faire de lui le plus redoutable des démons. Ou plutôt devrais-je dire, le plus redoutable des vampires. En effet, il ne me fallut que très peu de temps pour comprendre que mon nouveau maître dont la beauté surnaturelle ne le rendait que plus effrayant, était l’une de ces créatures qui s’étaient révélées au monde quatre ans plus tôt. A présent, j’étais son esclave et il pouvait disposer de moi à sa guise. Et croyez-moi, il ne s’en est pas privé… Ma ‘formation’, comme il se plaisait à le dire, ne faisait que commencer et durant des années, j’ai du tout endurer, en silence. Ses tortures, ses morsures, la moindre de ses envies, de la plus simple à la plus tordue… Tout. Il mettait mon corps et mon âme à l’épreuve afin de pouvoir abuser de l’un tout en réduisant l’autre au silence le plus complet. Chaque jour ne faisait que me détruire davantage et il n’en semblait que plus satisfait. Et, lorsque je fus prêt, il autorisa les autres membres de sa bande à user de mes services à leur guise, jugeant que ça ne me rendrait que plus docile. Cependant, je lui appartenais et la seule règle que tous devaient appliqué était très simple en vérité : je devais rester en vie. Non pas parce que je représentais quoi que ce soit d’important à ses yeux, mais parce que je lui étais utile, en tant qu’esclave bien sûr mais aussi en temps que ‘découvreur de talent’. Il se servait de ma capacité pour chercher les êtres possédant les capacités qu’il jugeait les plus utiles et par la suite, il recrutait ces personnes pour qu’elles deviennent des membres à part entière de son clan. Bien sûr, il n’agissait jamais à la légère et il sélectionnait les candidats avec soin, en particulier lorsqu’il s’agissait d’humains à qui il allait offrir le don ténébreux. Il ne souhaitait en aucun cas avoir un élément perturbateur dans son groupe. Après tout cela faisait plusieurs dizaines d’années qu’il était à la tête de ce clan, le dirigeant d’une main de fer, alors il n’était pas prêt à y laisser entrer qui que ce soit qui n’en serait pas digne. De mon côté, je ne me souciais pas de tout ça, je me contentais de suivre ses ordres, sans réfléchir. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? Je n’étais rien. Rien d’autre qu’un esclave qui offrait son corps et son sang à qui en avait besoin. Bien sûr, Aredian passait toujours en premier. De tout mes maîtres, il demeurait le plus important, le seul qui avait le pouvoir de me tuer. Et à ce titre, il me terrorisait. Au-delà de toute cette douleur qui accompagnait mon quotidien, je craignais encore de perdre la vie, car cela signifiait que je ne pourrais jamais me soustraire à cette vie et revoir Nolan un jour… Je m’accrochais encore à cet espoir malgré les années qui passaient parce que cela me donnait un but, une raison d’avancer. Tant que j’étais en vie, cela me laissait une chance d’être à nouveau libre un jour. Pourtant, peu à peu, je me fondais dans mon rôle d’esclave, l’exécutant avec un naturel qui semblait presque inné. Etais-je né pour servir ? J’en venais presque à le croire, puisque je ne savais plus faire que ça. Un jour, ma vie changea à nouveau. J’avais dix-neuf ans et je me pliais à chacun des désirs de mon maître, les anticipant même parfois, pour sa plus grande satisfaction. N’allez pas croire que je me complais dans ma condition mais je n’ai jamais eu le choix. Je dois faire tout ça, c’est tout. Mais aux yeux d’Aredian, je n’étais pas assez solide, je mettais trop de temps à guérir, et il avait besoin que je sois plus résistant face aux coups et aux blessures qu’ils se plaisaient tant à m’infliger. Au fond, je n’avais pas du tout compris ce qui m’attendait, lorsqu’il m’a fait cette transfusion de sang, avec les moyens du bord, j’ai cru qu’il essayait simplement de renforcer mon système immunitaire. Que c’était naïf ! Aredian avait acheté ce sang à un léopard-garou solitaire qui marchandait souvent avec les vampires par simple goût du profit. Et lorsque son sang s’est mêlé au mien, il m’a transformé à jamais… J’étais terrorisé, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait et à chaque pleine lune, je redoutais l’instant où je n’aurais plus d’autre choix que de devenir le monstre que j’étais devenu. Pourtant, j’ai fini par m’adapter à ma situation. Je m’habitue à tout. A cohabiter avec le léopard qui vit à présent en moi, à assouvir les désirs de tous ces vampires, à être dépendant des autres, à tout ce qui fait ma vie. Ou plutôt, mon absence de vie. »
3 Novembre 2007
Comme une lame chauffée à blanc, la douleur se frayait peu à peu un chemin dans tout son corps. Chaque griffure qui ornait son dos était une brûlure qui se ravivait sous les doigts du vampire comme si ce simple contact suffisait à embraser sa peau, lui donnant l’impression que son corps était en proie aux flammes. « Ton corps est bien plus résistant, les premières blessures en bas de ton dos commencent déjà à se refermer. » Ces paroles laissèrent un goût amer dans la bouche de Nahel qui regretta immédiatement de les avoir lu sur les lèvres de son maître. Peu lui importait d’être plus fort, la douleur était toujours la même, l’écrasant sous son emprise comme si il n’était qu’un vulgaire insecte. Pourtant, il serrait les dents, poussant des gémissements douloureux sans pour autant tenter de se dérober. Au fond, sa transformation n’avait fait que rendre sa vie bien plus difficile… A présent, Aredian savait qu’il pouvait se montrer plus violent sans craindre de le tuer et puisque les plaies guérissaient bien plus vite, les vampires ne se gênaient pas pour redoubler de cruauté, les faisant réapparaître aussitôt. Et ce n’était pas tout… Il était maintenant soumis à ces satanées chaleurs lunaires qui le poussaient d’autant plus à s’offrir à ses maîtres ou à tout autre personne. Et cela amusait beaucoup Aredian. D’ailleurs, ce soir là, ce dernier n’était pas sans savoir que les chaleurs de Nahel le rendaient très sensible à toute cette tension sexuelle. Alors à demi nu, il s’était contenté de s’amuser avec son jeune esclave, attisant son désir et sa douleur, sans jamais passer à l’acte. Cependant, le jeune lycan ne laissait rien paraître, encaissant les blessures, s’occupant du plaisir de son maître avec application tout en essayant de faire taire le sien qui s’était fait plus brûlant à l’instant même où son regard s’était posé sur l’intimité de son maître. Bien sûr, il n’avait pas particulièrement envie d’assouvir ce genre de désir avec son maître. Lui ou un autre, cela revenait au même, il ne choisissait aucun de ses partenaires. A part lorsqu’il devait se prostituer, là il lui arrivait de choisir son client, bien que ce soit plus souvent l’inverse. Dans tous les cas, l’ordre consistait à faire payer toute personne extérieure au clan ; une activité qui lui avait été imposée un an à peine après qu’il ait été acheté. Néanmoins, son maître n’avait pas vraiment besoin d’argent alors ses passes restaient occasionnelles, il avait déjà bien assez de travail avec ses maîtres, bien qu’il ne soit pas le seul esclave du clan.
Peu à peu, la douleur se fit moins intense tandis que la main d’Aredian s’éloignait de son dos, effleurant à présent ses fesses. « Comment se passent tes chaleurs, chaton… ? A quel point as-tu envie que je m’occupe de ton cas ? » Un rire léger et froid s’échappa de ses lèvres alors que ses doigts se rapprochait de son intimité. Tiraillé par son propre désir, devenu presque incontrôlable, Nahel détourna le regard, appuyant son front contre le sol de pierre sur lequel il était allongé depuis plus d’une heure. A vrai dire, il avait perdu la notion du temps, ce dernier ne possédant plus la moindre signification dans cette vie. Toutes ces préoccupations humaines lui semblaient à présent si lointaines… Il les avait laissé derrière lui, dans la chambre de Nolan. A des années lumières de cette main qui effleurait son intimité, le faisait gémir de désir. Ainsi mis au supplice, il tourna à nouveau un regard douloureux vers son maître qui lui adressait toujours un sourire glacial. « Supplie-moi, Nahel… » Sur ces mots, sa main se fit plus entreprenante, l’excitant davantage, lui arrachant des soupirs d’un désir inassouvi. Alors, serrant les poings, il se mordit la lèvre afin de se contenir et de murmurer, à mi voix. « Je vous en supplie… maître… » Satisfait, Aredian interrompit ses caresses avant de faire signe à Nahel de se lever. Ce dernier s’exécuta sans un mot, serrant les dents lorsque la douleur de ses blessures, encore à vif, se réveilla. Chancelant quelque peu, il s’avança vers son maître, se préparant à lui offrir son sang. « Ne bouge plus. » S’immobilisant immédiatement, Nahel acquiesça afin de certifier qu’il avait compris le message et fermant les yeux, il laissa la langue du vampire glisser le long de sa jugulaire avant de sentir ses canines s’enfoncer dans sa chair. Son corps se tendit, malgré l’habitude, il ne parvenait pas à s’y faire. En effet, son maître laissait toujours la douleur de sa morsure se dissoudre dans le corps de son esclave avant de libérer l’hormone qui la rendait ensuite si agréable. Le choc de cette violente transaction, entre la douleur et le plaisir soudain, secouait toujours un peu le jeune léopard qui se cambra brusquement, libérant un léger soupir de plaisir tandis que son maître se délectait de son sang avec avidité. Puis, lorsqu’il fut rassasié, Aredian releva lentement la tête, une lueur d’extase dans les yeux, comme à chaque fois qu’il se nourrissait de ce sang salvateur. Et, bien que l’idée de maintenir son bourreau en vie lui donnait des frissons, Nahel ne pouvait s’empêcher d’admirer la beauté de son visage à cet instant là. Non pas qu’il fut dénué de beauté le reste du temps, mais à ce moment précis, toute méchanceté s’effaçait de ses traits, ne laissant que cette expression vivante et satisfaite. De son côté, le jeune lycan était encore quelque peu léthargique, et le plaisir de la morsure n’avait fait que raviver le douloureux désir qui lui torturait les entrailles depuis de longues heures déjà. Cependant, il ne montra pas le moindre signe d’impatience, ne souhaitant aucunement s’attirer les foudres de son maître. Ce dernier fermait à nouveau les yeux avant de se pencher vers lui, dérobant brutalement ses lèvres afin de les embrasser avec bestialité. Quelque peu pris au dépourvu, Nahel essaya tout de même de répondre de son mieux à ses attentes, habitué au goût de sang qui se trouvait encore sur les lèvres du vampire.
Avec la même absence de délicatesse, les lèvres d’Aredian se détachèrent des siennes. Puis, le vampire lui tourna le dos avant de se baisser pour ramasser les vêtements de l’esclave afin de les lui lancer. Les attrapant au vol, Nahel commença à les enfiler sans un mot, comprenant que son maître en avait fini avec lui, du moins pour le moment. Lorsqu’il releva la tête, ce dernier attendait, avec plus ou moins de patience, qu’il ait terminé d’enfiler sa tenue. « Tu peux aller satisfaire tes envies, à présent. Cependant, n’oublie pas, si aucun de mes vampires ne réclame tes services, tu n’es pas gratuit pour les autres, je ne prête pas mon esclave à l’œil, tu m’entends ? Ne me fais pas honte. » Son regard s’était durci, et Nahel savait à quel point il était sérieux. En effet, la punition serait de taille si jamais il ne se montrait pas à la hauteur de son maître et par conséquent, il ne comptait pas oublier les règles. Soumis jusque dans ses moments passés loin de son maître, il était tellement habitué à ses règles qu’il était persuadé de ne pas pouvoir vivre sans. A vrai dire, elle lui donnait une ligne de conduite qui dirigeait sa vie depuis si longtemps qu’il était bien incapable de se souvenir de quelle façon, il vivait avant. Et c’était bien là le but qu’avait recherché Aredian ; Le formater afin que sa condition d’esclave devienne sa seule et unique nature au point d’être incapable de se débrouiller seul. Pour cela, il avait su user de techniques très efficaces qui avaient détruit le jeune homme, ne lui laissant que sa servilité comme moyen de survie. « Et n’oublie pas de revenir ici deux heures avant l’aube, j’aurais besoin de tes services. Est-ce bien clair ? » Très clair, même. Nahel hocha la tête afin de lui faire comprendre qu’il bien lu le message sur ses lèvres et qu’il n’y avait aucune ambiguïté. Il serait là à l’heure, toujours fidèle au poste, malgré la peur qu’il ressentait toujours en présence de son maître. Ou plutôt était-ce justement la peur qui l’incitait à ne pas être en retard. Même si il aurait aimé pouvoir s’enfuir, échapper à l’influence néfaste du vampire qui l’avait déjà tant fait souffrir. Et pourtant, saurait-il vivre sans lui ? Sans ses règles qui régissaient sa vie, ordonnait son quotidien ? Pathétique n’est-ce pas ? Oui, il se trouvait pathétique alors qu’il quittait la pièce, la tête baissée, continuant à se soumettre comme il l’avait toujours fait et comme il le ferait toujours. Certes, on peut naître esclave, on peut également aisément le devenir mais peut-on réellement revenir en arrière un jour, alors que l’on a tout perdu ?
***
15 février 2010
« Nolan, En écrivant ses mots, je suis conscient qu’ils ne te parviendront jamais. Je sais que tu n’habites plus dans la maison où nous avons grandi, ensemble. Je me suis renseigné et j’ai découvert qu’une autre famille y habitait depuis quelques années déjà. D’autres enfants doivent courir dans le jardin et dormir dans nos lits. Là où ce sont déroulés tous nos souvenirs. Cette époque me parait si lointaine à présent et pourtant, six ans seulement se sont écoulés. Une éternité pour un homme dans ma condition. Si j’écris cette lettre, c’est parce que j’ai besoin d’écrire ce qui vient de m’arriver et tu es la seule personne à qui j’aimerais tant me confier. La seule à qui je ne peux plus parler, aussi. Notre père a tout prévu pour que nous ne puissions pas nous retrouver, puisqu’il t’a amener avec lui, sans laisser de trace et je n’ai donc aucun moyen de te retrouver… Peut-être n’en as-tu pas envie, toi non plus. Peut-être qu’il est parvenu à te monter contre moi. Cette peur me hante, je ne veux pas y croire. Que me resterait-il si c’était le cas ? Non, c’est impossible. Tu es toujours à moi, là quelque part. Et je finirai par te retrouver. Du moins, si je ne meurs pas avant. Ne vois pas là une quelconque pensée suicidaire, il s’agit juste de mon maître, il doit être en train de me chercher en ce moment même si j’aime croire qu’il ne perd pas son temps à chercher un simple esclave mais j’en doute. J’étais son esclave personnel, le seul qu’il se soit attitré de cette façon et, mon pouvoir et mon corps lui étaient très utiles, même si je ne tiens pas à te donner de détails, je ne veux pas te blesser. De plus, je veux que tu continues à me percevoir comme tu le faisais avant et non pas que tu vois l’esclave que je suis à présent. Pardonne-moi. Je ne suis plus le même aujourd’hui et j’en ai honte. Parce que je ne peux pas revenir en arrière, c’est trop tard. Mais il y a bien une chose qui n’a pas changé et qui ne changera jamais, c’est ce besoin de croire que je te reverrai, qu’il n’a pas réussi à nous séparer. Car tu me manques, tu sais. Bien plus que je n’aurais pu l’imaginer. Je me sens vide. Vide de ta présence. Où te trouves-tu, au moment où j’écris ces mots ? Es-tu toujours en Islande ? Pour ma part, j’ai quitté notre terre natale, le jour où je t’ai vu pour la dernière fois. Depuis, j’erre en Angleterre où je ne parviens pas à me sentir chez moi. Peut-être parce que je n’y ai jamais été libre et je ne le serais sans doute jamais. Je m’en sens incapable, je ne sais faire que ça ; me soumettre au moindre de leur désir, suivre les règles qu’on m’impose. J’en ai besoin et cette réalité me terrifie. Est-ce que je te déçois ? Si c’est le cas, j’espère que tu pourras un jour me pardonner de ne pas avoir été assez fort. Même ma fuite, je ne l’ai pas vraiment réussi car au fond de moi, j’ai le sentiment que je ne sais pas bien dissimuler mes traces et qu’il me retrouvera… Je ne sais pas ce qui m’a pris ce jour-là. En temps normal, un Lycan qui possède un don particulièrement dangereux était chargé de garder un œil sur les esclaves durant la journée. Il était payé pour ça, en échange, ils le gardaient auprès d’eux, le considérant presque comme un membre à part entière de leur clan. Mais ce fameux jour, il est tombé malade et une ambulance a même débarqué pour venir le chercher. Je ne sais pas si c’était le fruit du hasard mais en tout cas, on a été plusieurs à en profiter pour partir, droit devant. C’était une idée complètement dingue maintenant que j’y pense. Je suis bien incapable de me débrouiller seul et lorsqu’il me retrouvera, j’aurais de la chance si je survis au châtiment qui sera le mien… Pourtant, j’ai continué à avancer et je suis allé jusqu’à Saint Louis. Peut-être parce que même si c'est une petite ville, je me suis dit qu’il ne penserait pas à venir me chercher ici, mais je me voile sûrement la face. En tout cas, j’espère vraiment que de ton côté, tu t’en sors mieux que moi. Oh, je sais que ce n’est pas très difficile mais je veux vraiment te croire heureux. Même si c’est sans moi.
▌A débarqué le : 21/07/2010 ▌Parchemins : 4682 ▌Quantité de sang disponible : 31135 ▌Age du personnage : Dans les 660 ans, je ne les compte plus ! ▌Rang : Chef du clan Blackstone. ▌Job : Chasseur à mes heures perdues. ▌Citation : Sanguinaire, comme toujours.
▌A débarqué le : 21/07/2010 ▌Parchemins : 4682 ▌Quantité de sang disponible : 31135 ▌Age du personnage : Dans les 660 ans, je ne les compte plus ! ▌Rang : Chef du clan Blackstone. ▌Job : Chasseur à mes heures perdues. ▌Citation : Sanguinaire, comme toujours.
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▌A débarqué le : 21/07/2010 ▌Parchemins : 4682 ▌Quantité de sang disponible : 31135 ▌Age du personnage : Dans les 660 ans, je ne les compte plus ! ▌Rang : Chef du clan Blackstone. ▌Job : Chasseur à mes heures perdues. ▌Citation : Sanguinaire, comme toujours.
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Sujet: « The silence force » ♠ Nahel 
Ven 23 Juil - 18:02
Pauvre p'tit chat 
*va devoir reposter ses PVs xD*
*SORT LOIN*
Excellente idée (aaaa)
