En remontant le fleuve, en s’enfonçant dans les zones les plus reculées des environs. On trouve l’endroit parfait. Parfait pour initier Meredith à ce genre d’activité. L’endroit est plutôt peu connu, pas si facile d’accès. J’entendais Meredith jurer derrière moi devant le chemin difficile que nous empruntions. Je ne me gênais pas pour la reprendre, me moquant un peu d’elle au passage. Je connaissais le chemin mieux qu’elle, je savais où poser les pieds, ce qui rendait mes moqueries un peu trop prétentieuses, un peu basse aussi. Peu importe. J’avançais avec une facilité déconcertante, mais j’avais un peu plus d’expérience qu’elle, maitrisant un peu plus mon pas, loin d’être embêter par une quelconque maladresse humaine comme il me semblait voir chez mon Infant. Elle était jeune, ne faisait pas encore confiance à sa nouvelle nature. Je me retrouvais souvent forcé de l’attendre, toujours l’air ennuyé et fatigué de sa lenteur. Certes, le terrain était escarpé, mais pas pour nous. J’attendais avec impatience le moment où elle passerait ce cap, quand elle arrêtera de se raccrocher à sa vie humaine pour passer à celle de l’éternité. Comme un enfant j’aurais voulu avoir tout, tout de suite. Et je me retrouvais confronté à la patience qui n’était pas franchement ma plus grande vertu. Je pense néanmoins m’en sortir pas trop mal, je l’avais tenu éloigné de mes jeux pendant les premiers temps de sa nouvelle existence. Et puis cela me permettait de la laisser respirer sans m’avoir sur le dos tout le temps, avec mon impatience, mes railleries, mes remarques souvent déplacées. Ainsi je ne m’énervais pas sur la lenteur que prenait cette nouvelle expérience et elle avait le temps de se remettre de sa mort. Du moins l’espérais-je.

Quant à savoir pourquoi je m’étais lancé dans une telle aventure, je ne le savais toujours pas moi-même. Mais je ne regrettais rien. J’avais vu cette jeune femme se vider sur le trottoir, les assaillants partis, la population incapable de réagir comme il faudrait. Beaucoup trop lent, suintant la peur. Je ne mis pas beaucoup de temps pour l’emmener ailleurs et la sauver, à ma façon. Pendant la transition, j’avais traqué ses assaillants et les avais rayés de la carte, sans plus autre cérémonie. Je suis revenu juste à temps pour son réveil. Rien n’avait été plus difficile pour moi que lui annoncer les choses avec délicatesse. Il me semble d’ailleurs avoir renoncé au moment même où j’ouvris la bouche. C’est ainsi qu’elle apprit sa nouvelle nature, par un vampire direct, peu délicat, le regard brillant de curiosité en attendant sa réaction. Le souvenir était vivace, j’en riais encore. En vérité, j’ignorais si elle m’en voulait ou non, elle semblait bien s’acclimater depuis notre arrivée chez les Blackstone. Bien que je ne me souciais guère de ses fréquentations. Peut-être devrais-je m’y intéressé, peut-être pas. Cela viendra bien assez tôt.

Enfin nous arrivâmes à l’endroit souhaité. Je l’y attendais, un sourire aux lèvres et le regard brillant d’excitation. J’entendais Meredith peiné en bas, pendant que je me penchais sur le bord des rochers. Nous étions à une chute d’eau, non répertoriées, en soi, bien peu impressionnante quand on a déjà vu les chutes du Niagara. Elle était haute, peu large, et le bassin dans lequel elle se jetait ne l’était pas non plus, à peine du moins et encadré de rochers. Rien de bien dangereux pour nous. Pour les humains par contre, un mauvais calcul pourrait bien s’avérer fatal. Au moins le bassin était-il profond. Bien sûr que j’avais eu le plaisir de l’essayer déjà. Je n’aurais pas pu m’en empêcher, même si je le voulais. Ce n’était pas grand-chose, j’avais fait déjà bien pire. Mais je me disais qu’il fallait commencer en douceur pour Meredith qui n’était pas habituée à ce genre de jeu. Elle n’allait pas apprécier l’idée, loin de là, mais ça lui ferait du bien, en cela, j’en étais certains. Il était temps qu’elle accepte qu’elle était plus qu’une buveuse de sang dangereuse pour la population humaine. Il fallait qu’elle voie les bons côtés, le moment était alors venu. Alors Meredith arriva, un peu salie par la terre, la boue, alors que mes vêtements étaient immaculés. L’expérience, rien de plus que l’expérience. Ça ne m’empêcha pas de lui faire une petite remarque, un sourire amusé aux lèvres. « Tu aurais pu faire un effort et arriver propre, non ? » Elle risquait de s’impatienter, je l’avais entrainé ici sans lui dire où nous allions et ce que nous allions faire. Je voyais son regard s’assombrir un peu. Je m’approchais, lui relevais le menton de l’index. « Ne fais pas cette mine sombre, nous sommes arrivés. » J’embrassais ses lèvres chastement, m’étant pris dans ses habitudes à elle, qui n’avait visiblement pas perdu sa chaleur après sa mort. Cela ne signifiait pas que je l’aimais, je trouvais juste que cette façon de saluer les gens était fort plaisante, avec les jolies filles du moins. Puis je la libérais. « Viens voir… » Je reculais jusqu’au bord des rochers, tout excité à l’idée de ce que nous allions faire. Je la laissais approcher, regarder, impatient. « Alors qu’en penses-tu ? » J’adorais l’idée, et bien que cette chute n’allait pas être une grande expérience pour moi, l’idée de partager ça avec Meredith me suffisait amplement. Elle allait découvrir qu’elle ne faisait pas que manquer de tuer des gens à chaque fois qu’elle se nourrissait – bien qu’elle était une assez bonne élève à ce niveau – mais un être surnaturel, ses sensations exacerbées, tout allait être plus intense à partir de ce soir. Et j’étais ravi de lui apprendre cela.

Elle fulminait. Oh je le voyais bien dans ses yeux, à cet instant précis où elle posait les pieds au bord du précipice dans lequel j’allais la jeter, elle me haïssait. Oh non, pas pour la chute mais pour le chemin que je lui avais forcé à faire avant d’arriver. Elle n’avait pas eu facile. Tu t’accroches petite, il va falloir que je t’apprenne à marcher comme une vampire et plus comme un nouveau-né gauche, s’accrochant aux dernières traces de son humanité. Je voulais tout, tout de suite, évidemment. Je voulais qu’elle soit déjà vampire, mais elle était encore trop humaine. C’était bien trop tôt. L’impatience, toujours. Toujours la même histoire. Je devais faire un réel effort pour ne pas lui faire part de mon impatience et de ma déception. Parce qu’elle n’avait pas à entendre ça venant de moi. Elle était jeune, elle avait le temps d’apprendre. Rome ne s’était pas fait en un jour. Il m’a fallu du temps pour apprendre à me gérer, à développer mon pouvoir. J’étais déjà ravi de la voir utiliser le sien si facilement, même si la douleur ne durait pas longtemps, elle était déjà pas mal suffocante. Délicieusement douloureuse. Une fois je lui demandai de l’utiliser sur moi. Je réessayerais le jour où elle sera en pleine maitrise de ses capacités.

En attendant, je vis son regard s’illuminer quand je l’embrassais. J’étais ravi. Ravi que cela lui plaise, que je lui plaise et qu’elle ait envie de me suivre encore. Puis elle s’intéressa au panorama, se demandant ce que j’avais prévu pour elle cette nuit. Sublime n’est-ce pas ? Cette haute cascade, n’offrant pas beaucoup de visibilité quant à la chute, promettant des sensations plus grisantes que la simple vue de cette eau qui chute. Elle fut néanmoins très perspicace sur le but que je poursuivais parce qu’avant que je n’ai pu dire quoique ce soit, la jeune femme se débarrassa de ses vêtements sales. Je la regardais se déshabiller, pensif. Pourquoi je ne couchais pas avec elle déjà ? Pourquoi avais-je refuser de lui faire toutes les avances qui m’avaient pourtant traverser l’esprit ? Pourquoi ne la couchais-je pas dans mon lit ? Pourquoi ne passions-nous pas nos nuits à nous ébattre comme il serait de rigueur à la vue de ce corps si gracile, si tentant. Ah, je sais. Non, pas vraiment. Mais Meredith était mon Infant, je la voyais toujours ainsi et je trouvais plutôt malsain de coucher avec son infant. J’avais vu le maitre de Seamus le faire et le jeune vampire ne semblait pas toujours apprécier ces attouchements, même s’il observait toujours son Sire avec beaucoup d’admiration, j’avais vu son déplaisir. Je ne voulais pas voir ce sentiment dans les yeux de Meredith, je préférais la voir faire l’amour à d’autres hommes plutôt que de la forcer à rester dans le mien. Et puis je n’étais pas doué pour la constance. J’irais voir ailleurs et je ne voulais pas que ma petit néophyte se voit forcée de rester avec moi, contre son gré, parce que la loi du Conseil impose de rester une cinquantaine d’années avec son Sire. Non, le sexe n’avait pas sa place entre nous. Pas pour le moment. Un jour peut-être, quand il n’y aura plus de risque pour elle d’être coincé avec un homme qu’elle détesterait.

Elle se retrouva en sous-vêtement devant moi, ses chaussures toujours aux pieds. « Adorable » Elle me frappa le torse, toute excitée à l’idée de tenter le grand saut. J’haussais les sourcils, un peu déçu de sa réaction. J’aurais préféré tenter de la convaincre. Ici, c’était trop facile. Elle trépignait d’impatience. Mon goût du risque aurait-il finit par se transmettre à la génération suivante. Je ne savais pas si je devais être fier ou bouder. Je pris le parti de bouder. Je la contournais, pendant qu’elle me défiait de la pousser. A mon tour, je me défis de mes vêtements. Mais contrairement à elle, je ne gardais pas mes chaussures. Ouuh risqué. N’importe quoi. Puis en caleçon, je jaugeais Meredith, mi-figue mi raison. « Retiens ça, ne ferme pas les yeux et regarde où tu atterris » Puis je souriais, comme si l’air sérieux m’était insupportable à tenir. Je m’approchais d’elle prenant sa main dans les deux miennes pour l’embrasser. « Je n’aimerais pas que mon étoile du soir ne s’écorche sur les rochers » Cela faisait un moment que je l’appelais ainsi, presque le début en fait. Il m’était venu d’être poétique quand j’avais vu les miracles du vampirisme opérer sur elle. La jeune femme était déjà étonnante humaine par sa beauté. Mais l’éternité lui allait comme un gant. Sa peau blanche semblait briller sous la lune et son regard sombre était hypnotisant. Il y avait déjà une femme qui avait réussi à m’ensorceler. Après, qu’elle aimait ou non ce surnom, elle ne me laissait pas le découvrir. Puis je me laissais tomber en arrière, la laissant croire que mes mains glisseraient sur ses poignets. Erreur. Juste avant de la lâcher je la tirais pour l’entrainer avec moi.

Moi, je fermais les yeux. Parce que je savais où j’allais atterrir et puis c’était plus grisant les yeux fermé. En me laissant tomber, je me renversais pour plonger tête la première. Je décomposais la chute. Le basculement, la chute, l’envol, l’impression de planer et le doute de savoir si on va bien tomber ou non. Puis mon visage percuta l’eau glacée, et je sentis la présence d’un rocher à quelques centimètres à peine de mon épaule. Parfait. Je m’enfonçais dans l’eau avec un sourire immense avant d’enfin ouvrir les yeux et de voir Meredith s’enfoncer également, à un cheveu d’un rocher un peu trop dangereux à mon goût. La satisfaction de la voir vu réussir m’emplissait de fierté. Alors je remontais. L’eau glacée meurtrissait mon corps comme des coups de poignards mais peu importe. Il y avait pire. J’attendis de voir remonter Meredith pour la regarder avec un sourire immense. « T’aurais pu faire mieux que ça quand même, t’aurais pu égratigner ce pauvre rocher » Non j’étais satisfait de la voir indemne, ou presque ? Ce n’était pas une odeur de sang et une tache rouge sur son épaule ? Mon regard s’assombrit un peu et une lueur d’inquiétude traversa mon regard. Rien de grave pourtant je fus sur elle en deux secondes regardant ça de plus prêt. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Je la regardais comme si ce n’était pas censé arriver. Ce qui n’était pas prévu effectivement.

Quelque chose avait changé dans le regard de Meredith, je le voyais bien. Elle paniquait. Et comme je ne savais pas pourquoi non plus, je paniquais également. Pourtant il n’y avait pas de raison, la blessure était superficielle, une petite égratignure. Il suffisait d’attendre un peu pour que cela se referme tout seul. Elle n’était pas tombée sur de l’argent, rien de grave, pas d’empoisonnement du sang par l’argent, pas de blessure grave. Alors pourquoi paniquait-elle et pourquoi me faisait-elle paniquer par la même occasion ? J’étais un bien piètre mentor, parce que je ne savais pas toujours comment enseigner. Je devrais prendre des cours parfois, qui sait. Je la regardais, interrogatif alors qu’elle se jugeait nulle et incapable. Je fronçais les sourcils, en désaccord avec ses mots. Jeune et inexpérimentée, certes. Mais « nulle » et « incapable », ne faisaient pas partie de ses qualificatifs. Je la laissais dire le temps que je trouve les bons mots. Je ne suis pas doué, moi, pour réconforter les gens, cela n’a jamais été mon rôle. Je ne la trouvais pas incompétente, elle était forte pour moi. Elle l’était déjà humaine, malgré les doses qu’elle s’envoyait à l’époque, elle était toujours vivante… jusqu’à ce que de gros couillons décident de lui planter un couteau dans le ventre. A bien y réfléchir, j’aurais dû les lui servir comme premier repas, pourtant, j’ai préféré me charger moi-même de leur cas. A la rigueur, j’aurais dû les lui laisser. Meredith possède une force de caractère plus élevée que la moyenne. Elle n’avait fait qu’un mort depuis sa transformation. Pile ce dont j’avais besoin pour rectifier le tir et lui apprendre à être vigilent, à être là, à chacun de ses repas prêt à l’empêcher de se lâcher. Maintenant on se débrouillait bien, plus d’accidents, un meilleur contrôle.

Alors, malheureuse, elle se jeta dans mes bras, enfouissant son visage dans mon cou. Par reflexe, mes bras se refermèrent dans son dos pour la porter, mais cela faisait bien longtemps qu’un tel poids ne pesait plus dans mes bras et puis l’eau la rendait encore plus légère. Oui, non, elle ne pesait rien. Le geste devint plutôt un geste de réconfort suite aux paroles qui sortaient de sa bouche. Paroles auxquelles je n’étais toujours pas d’accord. L’eau glaciale ne semblait pas nous déranger, elle ne me dérangeait pas. Elle finirait par ne plus déranger Meredith non plus, à la longue. Si elle frissonnait, c’était plutôt à cause des restes humains qui s’attardaient en elle. J’embrassais sa tempe et la reculais pour la regarder. « Pourquoi je te laisserais ? » Je la défiais du regard. « Tout d’abord, si je partais, nous aurions le conseil aux fesses… mais ce n’est pas le plus important. Je me plais bien trop ici à t’apprendre toutes mes conneries pour partir » Et puis, il était plus probable qu’elle ait envie de me quitter que l’inverse. Je n’étais pas un cadeau, je n’ai connu que Micah qui ne demanda pas à me quitter, qui resta jusqu’à ce que je lui demande de rester au Brésil avec son âme sœur. Je reste persuadé qu’il serait resté si j’avais été assez égoïste pour l’empêcher de me quitter. Mais j’ai bien des défauts, mais je ne suis pas si égocentrique que ça… pas consciemment en tous cas. Parce que le fait que je veuille tellement que Meredith fasse comme moi était la preuve d’un certains égocentrisme et de narcissisme. Enfin bon, je ne vais pas m’éterniser là-dessus.

Parce que je la sentais frissonner, je décidais de nous sortir de l’eau, Meredith toujours cramponné à moi comme un bébé koala. Cela ne me dérangeait pas, pas le moins du monde. J’aime beaucoup Meredith, et je ne pouvais pas nier le bien que cela me faisait de sentir que je comptais pour quelqu’un, qu’on avait peur de me perdre, vraiment. Je n’avais ressenti ça, pas de cette manière. J’avais l’impression qu’elle avait besoin de moi et j’avais envie qu’elle soit bien avec moi, jusqu’à ce qu’elle puisse choisir de rester ou de faire son chemin sans moi. Je trouvais un rocher sur lequel m’assoir, les gens de Meredith toujours enroulées autour de ma taille. Dans toute autre situation, j’en aurais tiré parti. Non, mais avouez, un corps trempée presque nu contre le mien, si ça ne vous donne pas des idées je ne comprends plus rien. Sa peau frissonnait toujours, réflexe inutile. « Meredith, tu trembles. Tu peux arrêter ça, ce froid ne te concerne plus, c’est un réflexe humain. Respire, concentre-toi, tu vas voir, ce froid n’est qu’une idée » Vu notre constitution, le froid ne nous mordait plus comme avant. J’attendis qu’elle écoute mes conseils avant de frotter doucement son dos, pour la réconforter. « Non, je pense que ce ne sera pas moi, le premier de nous deux qui voudra quitter l’autre » J’eus un petit rire amusé, cachant mon embarras et mes doutes. Je savais bien qu’elle partirait tôt ou tard, mais je n’aimais pas y penser. C’était encore pour dans longtemps, inutile de se tracasser. Je ne savais pas trop ce que je devais faire ou dire de plus pour la convaincre. « Je ne sais pas qui sont les autres Meredith, mais je suis là, je ne bouge pas » Puis j’embrassais le haut de sa tête, m’en voulant pour la blessure qu’elle s’était faite que je regardais à présent. « Ce n’est qu’une éraflure, tu sais, mais je n’aurais pas dû te faire commencer par la cascade, tu semblais confiante, j’ai cru que… c’est ma faute cette blessure, j’aurais dû t’expliquer avant comment l’éviter. » Un bien piètre mentor hein. Je ne riais plus vraiment à présent.

Elle était si petite dans mes bras, si menue qu’elle en paraissait fragile. Je savais bien que cette apparence n’était plus qu’un leurre, Meredith n’avait plus rien de fragile à présent. Et c’était encore dans son esprit qu’elle était. Mais là, dans mes bras, je me rendais compte qu’elle était très jeune. La jeunesse d’aujourd’hui n’a plus la même définition que dans mes années humaines. A 16 ans, j’étais déjà un homme, à 20, un soldat aguerri. Quand on est venu me chercher, j’avais la trentaine, j’étais un homme accompli, qui aurait juste du se marier et avoir des enfants mais qui a plutôt choisi la guerre à la vie de famille. Au grand malheur de ma mère, évidemment. Paix à son âme. Enfin bon. Je commençais à m’habituer à ce contact, à apprécier la tenir dans mes bras et à rester là, comme ça. Puis elle s’enfonçait elle aussi dans son étreinte et j’aimais ça, être tenu comme elle faisait. Je la laissais prendre son temps, pour me répondre, pour se reprendre. Nous n’étions pas pressés. Toute la nuit devant nous. Je ne montrais pas comme ses paroles me touchaient. Ce n’était pas vraiment mon genre. J’eus juste un petit sourire amusé. Puis elle embrassa ma joue et se dégagea de mes bras. J’eus comme une impression de froid soudain, mais ce n’était qu’un tour de mon imagination. Je n’ai plus froid depuis longtemps. « Ne t’en fais pas, tu te débarrasseras vite des petites gènes humaines, tu n’es juste pas encore habituée à toutes ces sensations. »

Debout, elle m’attira à elle et par habitude, mes bras se refermèrent dans son dos pendant qu’elle m’offrait un baiser. Puis elle m’entraina à sa suite, remontant en haut de la cascade, déterminée à recommencer encore une fois l’expérience. Au moins ne s’était-elle pas fait peur. Cette fois-ci, il allait falloir faire les choses bien, correctement. Quand elle me demanda d’y aller avec elle, j’hochais la tête. « On peut, mais je dois te montrer quelque chose avant » L’emmenant au bord de la cascade, je me plaçais derrière elle, contre son dos, plus pour pouvoir regarder avec elle le fond de l’eau que pour un quelconque sous-entendu déplacé. Les mains sur les hanches, je n’eus qu’à murmurer à ses oreilles pour me faire entendre. « Il faut que tu regardes, que tu regardes vraiment. Tu vois ? » Nos yeux étaient capable d’assimiler beaucoup d’informations en même temps. Je pouvais le faire en plein vol à force d’habitude mais Meredith n’en n’était pas encore là, je ne devais pas trop la surestimer non plus. Prendre le temps de bien faire les choses, c’est important. « Regarde la trajectoire que tu vas devoir faire, ça va s’enregistrer tout seul. » La tête par-dessus son épaule, je regardais, moi aussi. Même si je connaissais déjà. Je devais faire également abstraction de la proximité de son corps contre le mien, difficile au vu de mon faible taux de concentration. Je ne pus d’ailleurs pas résister à embrasser son cou une fois avant de reprendre la parole. « Quand tu sautes, tu dois regarder où tu vas, tu auras plus facile à te diriger si tu vois ce qui arrive. Fermer les yeux, c’est laisser le hasard te guider. Moi ça me plait plutôt bien, mais je t’interdis de d’adonner aux jeux du hasard tant que tu es sous ma responsabilité, tu es trop jeune pour ces jeux idiots » Mi-figue, mi-raisin, je n’en restais pas moins sérieux pour l’interdiction que j’avais prononcé. « Je pense que tu devrais sauter toute seule, sinon, tu seras juste entrainer par moi. Or, le but de l’exercice c’est que tu y arrives seule il me semble » Puis je la lâchais, la contournais et m’approchais du bord à mon tour. « Regarde comment je fais pour éviter les rochers, je t’attends en bas » Je ponctuais d’un clin d’œil complice et puis sautais, les yeux ouvert et faisant un peu plus d’efforts pour marquer mes mouvements, qu’elle puisse voir comment on esquivait ces pierres tranchantes. Pieds les premiers, j’entrais dans l’eau presque sans bruit, si ce n’est que le bruit de la cascade. L’eau me rafraichit les idées, à nouveau, j’émergeais rapidement, reculant un peu pour pouvoir observer Meredith toujours là-haut. « Alors ? Tu sautes ma belle ? » lui demandais-je, taquin. Elle s’élança alors dans le vide et j’observais sa chute. Elle atterrit un peu trop proche d’un rocher à mon goût, mais je ne pensais pas l’avoir vu se blesser. A peine émergea-t-elle que j’étais sur elle, un peu anxieux, pressé de savoir ce qu’elle avait ressenti ou si elle s’était à nouveau fait mal. « Alors ? Dis-moi ce que tu as ressenti »