N.B : Ceci est le point de vue d'Asgard, tout à fait subjectif ; l'histoire, notamment après l'arrivée à LNO, peut être modifiée, retouchée, étoffée...

"Que voulez-vous que je vous dise d'Aaron ? Notre relation s'est trop souvent passée de mots pour que ce soit facile à formuler. Peut-être faut-il commencer par l'évidence : nous sommes jumeaux. S'il y a une personne que je comprends - ou comprenais, peut-être, à ce stade -, c'est bien lui. Nous avons partagé les jeux d'échange d'identité, de plaisanterie, les tendances à grimper partout, même nos cours et nos amis d'enfance. Nous avons supporté ensemble les recettes de cuisine étrange de nos parents, les virées camping, les réunions de famille ennuyeuses où nous faisions croire à des cousins éloignés que nous étions un enfant unique ou des triplés.

Puis nous avons grandi. Entre vous et moi, je dois vous faire une confidence : il n'y a que dans les séries télé que les jumeaux ont pour unique aspiration d'être l'un le reflet de l'autre. Un beau jour d'adolescence, vous finissez par ouvrir les yeux, par réaliser que même vos plus proches amis ne savent pas vous différencier d'avec votre frère. Vous commencez à chercher une identité propre. Ce n'est pas un synonyme de séparation, de rupture, non, juste une pleine réalisation de chacun.

Nous sommes partis chacun dans une université différente en milieu d'adolescence. Si quitter le domicile familial n'a pas été difficile, réaliser que l'autre était à plusieurs heures de vol de là était plus étrange. Nous avons fait des promesses, créé des comptes skype pour continuer à se parler, pour parfois faire profiter à l'autre de son cours. J'ai noyé la séparation dans les sports, Aaron dans la foule. Il avait tout pour plaire au monde, après tout, mon frère : sociable, serviable, altruiste, brillant... et curieux, ô, si curieux. Avec le recul, je crois que c'est à sa propre curiosité qu'il s'est brûlé les ailes - ces ailes d'oiseau nocturne, d'effraie, que son pouvoir avait révélées.

Je ne sais pas quelle importance ont les marques qui ont fleuri sur son cou au fil du temps. Je ne sais pas si on les a apposées sur sa gorge pour protéger un être cher, un bibelot, par possessivité, ou pour tenter de briser un être trop indépendant, trop fier... Je n'ai jamais pu lui faire avouer quoi que ce soit concernant ces traces, d'autant plus qu'il a disparu un beau matin. Pas un mot, pas un avertissement, un appartement vidé... Je connais Aaron, mais je n'ai pas su expliquer cette réaction-là. Fuite ? Enlèvement ? Il aurait été assez borné pour mettre tous ses ennuis dans une valise et partir avec sans prévenir, pour me protéger, tel que je le connais.

En plus, entre nous, c'est idiot, ce rôle de grand frère protecteur alors qu'il n'a pas une heure de plus que moi."