Je ne vais pas vous narrer la belle et merveilleuse histoire d'une gamine née la cuillère dorée pendue aux lèvres. Les contes de fées comme ceux que papa et maman vous lisent le soir pour que vous vous endormiez et fassiez de jolis rêves bien douillets.... ça n'existe que dans les bouquins pour les mioches! Enfin ça c'est pour les gosses qui ont la chance d'avoir des parents "normaux" et bien équilibrés!
Je n'ai pas eu cette chance! Je dois être "mal née" mais bordel qu'est-ce que j'aurai donné pour connaitre autre chose que toute cette merde en boite que fut mon enfance et mon adolescence! Remarquez je ne me plains pas dans le fond, je suis sans attache. La famille, les proches, les liens traditionnels sont des faiblesses à mes yeux. Mes potes, si je puis-dire, j'peux les compter sur les doigts et encore, c'est exagéré...
Je suis née au Mexique à Ciudad Juárez d'une mère alcoolique et d'un père contrebandier. Je n'ai pas grandi dans le luxe et c'est un détail que je me garde bien de partager avec mon entourage. C'est une partie de ma vie dont je ne suis pas très fière et que je préfère dissimuler. Et croyez moi, mentir est une seconde nature! Mon père fut emprisonné pour avoir tué un gars lors d'une crise violente de colère mais je n'en sais pas plus. J'ai été élevée dans le mensonge, ma famille croyant me protéger ainsi. Et finalement, d'un caractère plutôt antipathique, je n'avais pour ami qu'Alex... un ami imaginaire...
Cinglée et complètement fada la gamine? Vous n'auriez pas tord. A l' âge de onze ans je fus expulsée du collège pour m'être battue avec un camarade de classe qui avait eu la bonne idée de me jeter un chewing-gum dans les cheveux. Le pauvre reparti avec deux dents fêlées.
"Fais pas ta chochotte VOYONNNNNS, t'étais déjà moche. Tu devrais être content ça t'éviteras la fraise chez l'dentiste!" balançais-je à ce crétin. Oui je sais c'est pas bien me direz vous. Mais j'étais une vraie teigne, irritable et impulsive à souhait et je ne craignais rien ni personne.
A douze ans ans je vécu seule pendant plus d'un mois, avant d'apprendre que ma crétine de mère s'était faite arrêter pour racolage et prostitution. Il n'en fallut pas plus pour que ma conseillère d'éducation, madame V comme je l'appelais, ne contacte les services sociaux qui me confièrent à une maison d'adoption. Une famille de substitution: papa et maman gâteaux, à vomir moi je vous dis! Figurez-vous qu'ils ont eu la brillante idée de me confier aux mains d'un psychanalyste comportemental. Blablabla sur le divan, allongée, et lui qui ne savait que m'dire hum-hum oui hum oui hum.. En deux semaines à raison d'une entrevue tout les mercredi après-midi, son verdict se forgea rapidement, trop même: Personnalité BORDELINE!!!
Pardon? Mais je t'en aurais foutu moi des borderlines. Aucun test ne fut fait, mais il envisagea cette piste pour expliquer mon comportement perturbateur. Je n'étais qu'une gamine avec la rage au cœur, blasée et revancharde, qui voulait qu'on lui apporte un peu d'attention, rien d'autre. Ce jour-là, je me suis mise en colère, me sentant totalement incomprise. Je renversai l'intégralité des piles de dossiers sur son bureau, poussai des cris, hurlai tellement qu'il se sentit dépassé par mon cas. Ils me remirent alors entre les mains de l'assistance.
Au bout d'un mois, on me propulsa dans une nouvelle famille d'accueil. Dans une petite ferme du Texas, isolée, à quelques kilomètres des plus proches voisins. Et quelle famille! Au bout de quelques jours, je découvris le précieux secret de papa Richard! depuis mon arrivée on m'avait expressément interdit de me rendre au grenier et pour cause: Je savais que je n'étais pas folle et que les bruits que j'entendais la nuit, comme des grattements et des gémissements ne venaient pas de mon imagination désaxée, comme le disait si bien maman Suzanne!
Mr Richard Jones et sa femme gardaient dans le plus grand secret leur fils Robert, âgé de dix ans, enchainé dans leur grenier à la veille de chaque pleine lune. Terrorisés face à l'inconnu, le gentil couple ne pouvait se résoudre à mettre un terme à l'existence de leur fils unique. Ils avaient envisagé d'en toucher quelques mots au curé de leur paroisse mais lorsqu'ils se rendirent en terre sainte, la terreur les avait conquis. Ils repartirent sans remède au mal qui rongeait petit à petit leur progéniture. Loin d'être des ploucs illettrés, ils firent de leur coté toute sorte de recherches pour comprendre ce qu'il advenait à chaque lune naissante à leur chérubin. Plusieurs mots revinrent: lycanthropes, wolfman, homme-chien... La grande révélation n'avait eu lieu qu'ils avaient sous les yeux la preuve vivante d'un phénomène surnaturel... l'œuvre du diable. Ils l'enchaînèrent avec de puissantes chaînes, l'entravant la totalité de son temps. Et moi, j'allais être le repas de ce monstre assoiffé de sang! * Oh MY GOD! Tu ne me planteras pas tes crocs dans la jugulaire, petit con de mes deux va! * J'avais été jetée en pâture au monstre, terrorisée dans l'obscurité, entendant les chaines s'entrechoquer. Il bondit hors des ténèbres et se rua vers moi, la pauvre gosse. C'est ainsi que je tua mon premier lycanthrope sans le vouloir en lui plantant un coupe-papier en argent dans le cœur. Alex... pauvre Alex... Je quittai la maison, m'enfuyant très loin de cette famille de cinglés.
Choquée par mes propres actes, j'avais complètement perdu pied. Je fus maîtrisée et emmenée par les flics au centre Bellemont pour y subir une incarcération forcée, suivies d'observations. Comment leur expliquer que ce n'était pas un humain? Qui m'aurait cru, moi, l'ado rebelle?
J'y ai passé mon adolescence, la piste du syndrome remise sur le tapis, mais très vite écartée. Ils tentèrent de trouver les causes rationnelles à mon comportement destructeur et qui inhibait mon sens du mal et du bien! J'avais beau parler de cette hideuse créature, ils me pensaient tous folle.
Foutaises oui. Pendant deux-trois ans, je refusais toute aide de leur part puisque j'étais persuadée que le problème ne venait pas de moi. Je resquillais alors souvent les cours, tellement pompeux.
Mais, il fallut que je me résigne à reconnaître que j'affabulais complètement ce qui me permit par la suite d'assumer mes actes. Ce fut le seul moyen pour moi de quitter ses lieux. Mieux valait suivre le programme, ce que je fis scrupuleusement. J'avais dix huit ans quand je pu enfin reprendre tant bien que mal le cours de ma vie. Études en poche, à ma sortie de Bellemont je partis du Texas pour aller me perdre dans un trou paumé, Saint-Louis!
Je voulu me refaire une nouvelle vie, là où personne n'avait entendu parler de mon cas. J'intégrai l'université Washington de Saint-Louis où j'obtins grâce aux aides sociales une bourse me permettant de tenter médecine. J'entamais alors en seconde année, un stage en médecine légale à la morgue de l'hôpital. Rien ne semblait plus pouvoir m'arrêter sur ma lancée.
Trois années plus tard, remise un peu sur les rails, ce fut un nouveau choc qui bouleversa à jamais ma vie. Ma mère décéda et je du rentrer au Mexique afin d'arranger son enterrement et vendre la maison familiale. C'est sur le chemin, lors d'une étape dans un petit motel, que je rencontrai ce mec dont le corps à rendre dingue me fit tourner la tête. Je vais vous épargner les détails: la nuit, deux corps liés l'un à l'autre, la vie quoi! Une expérience un peu brutale - mais loin de me déplaire - qui me marqua à vie de quatre longues griffures profondes dans la chaire tendre de mon dos.... CONNARD.
Journal du xx/xx/xxxx
Petit Motel sur le route d'El Paso 02h00 du mat' trois jours avant la pleine lune.
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Nuit mouvementée, tout aurait pu bien se passer dans le meilleur des mondes. Emportée par l'ivresse du désir, un corps à corps un peu tumultueux voir bestial et violent. Quand il m'a lacéré le dos, je lui mis mon poing dans la figure. Non mais, c'était qui ce type avec des ongles pire qu'une tigresse en chaleur. Où avais-je donc mis les pieds encore??
Dès qu'il fut remis de ce coup, l'homme me regarda, une main se posant sur mon épaule, il me fit me retourner. Le sang coulait, les plaies me piquaient intensément c'est là qu'il prit la parole.
Tu vas guérir très vite...Je suis désolé, je me suis laissé emporter. Il faut que je te dise quelque chose d'important. Je... je viens de t'offrir un don inestimable, sache en profiter. Je me mis à le repousser brutalement, écœurée... le Sida? Non c'était bien plus grave.
Pas la peine d'être agressive, tu t'es bien amusée jusque là. Tu seras l'une des nôtres. Réfléchis-y, une tigresse, une panthère,... Sous le choc, les yeux ronds... Je savais que les loups-garous existaient - pour cause j'en avais été témoin dans mon adolescence. Mais des lycans félins c'était quoi encore ce foutu bordel! Il revint à la charge une nouvelle fois, tentant tant bien que mal de me parler mais était-ce seulement possible? Je n'avais de cesse de le repousser encore et encore, ne me calmant pas le moins du monde.
Je lui en voulais clairement mais que faire? Le tuer? Et après, ça ne changerait plus rien, c'était trop tard à présent. Dépitée, moi, la jeune femme forte, étant passée par toutes les pires merdes du monde, je craquais laissant pour la première fois tomber cette carapace qui me caractérisait tant.
Jamais, jamais je ne supporterais de vivre comme ainsi! Autant en finir ici... lui avais-je alors soufflé tout en sanglotant.Mais sans doute pris de remords, il me soutint.
Je suis restée en sa compagnie quelques mois durant lesquels il m'inculqua les bases essentielles concernant ma nouvelle condition. Il m'exposa beaucoup de théories farfelues auxquelles je ne comprenais pas grand chose mais bonne élève, je l'écoutais attentivement. Il me sortit les boniments usuels, le " les léopards-garous pour les nuls" en version light. Bête sauvage les soirs de pleine lune, des chaleurs lunaires, cette soif de les assouvir, je dévorais les info. Il me prodigua conseils selon sa propre expérience pour m'aider à intégrer toute la mesure de ma nouvelle condition. Mais il fallait que chacun reprenne sa route.
Journal du xx/xx/xxxx
2002 - La révélation -
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Si seulement cette foutue révélation était venue plus tôt! Les CESS... Je n'étais pas si folle que çà alors? Pas du tout même si bien que cette révélation m'écœura au plus haut point.
Non seulement ces putains de loups-garous existaient mais en plus de çà, il y avait des foutus suceurs de sang! Pour couronner le tout, je faisais partie de ces monstres damnés. Mon pseudo créateur avait eu beau m'expliquer, tenter de me raisonner pour mon propre bien, je ne m'acceptais toujours pas en tant que tel.
Tentant de continuer une vie aussi normale que possible, quand je ne subissais pas ces poussées bestiales, je repris mes études. Le jour étudiante assez effacée, marquée par la fatigue et les insomnies, je ne me mêlais que rarement aux autres. La nuit jeune femme méfiante et restant cloîtrée dans son petit appartement, il fallait apprendre à user de ruse et de malices pour me contenir. C'est pendant cette dernière année, que je rencontrai un membre des HCV, Aiden. Le jeune homme, ignorant tout de ma condition, commença à me parler de son mouvement. J'aurai pu les intégrer d'ailleurs, notre haine commune des monstres nous rapprochant. Mais je me résolu à abandonner cet avenir très prometteur au sein de leur communauté. Comment auraient-ils réagit face à mon terrible secret? C'était trop risqué pour moi. Je refusai alors poliment, prétextant ne pas vouloir me mêler de toutes ces histoires.
24 ans. Un bien bel âge. J'aurais tellement aimé finir mes études.... Mais c'était tellement difficile de concilier les deux. La fatigue et puis cette hargne, cette rage que j'avais en moi contre toutes ces créatures...Cette rage contre moi-même, il fallait que cela cesse. L'héritage de la vente de la maison, encore bien précieusement conservé à la banque, je décidai....
d'acheter le Dead Sunday, repère de chasseurs et j'en deviens la propriétaire même si mes débuts en tant que chasseresse furent un peu chaotiques.
Aux yeux de ceux qui fréquentaient ce bar, j'étais la petit jeunette de la ville, friquée qui se paie un nouveau joujou mais qui ne sait juste rien.
Autant vous dire que ce statut, cette étiquette qu'ils m'ont collée, suffit à me donner la hargne de leur prouver le contraire. C'est là que je rencontre celui qui deviendra mon mentor et qui m'apprit au fil des années l'art de la chasse, le combat rapproché et les diverses moyens d'arriver à pourrir la vie des CESS comme ils ont pourri la mienne. Il était plus âgé, plus expérimenté et surtout apprécié au sein de ces semblables. C'est lui qui a rassuré les chasseurs sur ma nature que je dissimulais au début. Même si au début, ils ont commencé a déserter un peu les lieux, finalement au cours de plusieurs chasses, j'ai pu leur prouver une certaine valeur.
Les années ont passées, ça fait maintenant plus de 13 ans que j'exerce ce pseudo métier, vivant de l'activité du Dead Sunday. Les finances sont loin d'être toujours glorieuses mais les contrats sur les têtes des CESS m'aident parfois à joindre les deux bouts. Je garde en réserve une partie de cet argent frauduleux que mon père m'a fait parvenir lors de sa reprise de contact avec moi. Je me suis affinée dans mon rôle de chasseresse et je gère le repère avec une poigne de fer dans un gant de velour.